Nfinite lève 4,6 M$ pour un papier rival du plastique
Imaginez un monde où les emballages de vos barres protéinées, sachets de soupe ou capsules de café ne finissent plus dans les océans ou les décharges, mais se décomposent naturellement. Et si, en plus, ces emballages en papier offraient exactement la même protection que le plastique contre l'humidité et l'oxygène ? C'est précisément le pari fou que s'est lancé Nfinite Nanotech, une jeune pousse issue de l'Université de Waterloo, au Canada.
En cette fin d'année 2025, l'entreprise vient d'annoncer une avancée décisive : une subvention de 4,6 millions de dollars canadiens accordée par le Conseil national de recherches du Canada (CNRC). Un coup de pouce massif qui va permettre à cette startup de passer du laboratoire à la production pilote, et peut-être, bientôt, à l'échelle industrielle.
Une technologie qui veut rendre le papier aussi étanche que le plastique
Le problème des emballages souples en papier est bien connu : ils sont écologiques, recyclables et compostables, mais ils laissent passer l'eau et l'oxygène. Résultat ? Ils ne conviennent pas aux produits qui doivent être conservés plusieurs mois. Les marques se rabattent alors sur des plastiques multicouches complexes, difficiles à recycler.
Nfinite propose une solution élégante : recouvrir le papier d'un film nanométrique ultra-fin qui bloque ces molécules indésirables tout en préservant les propriétés environnementales du matériau de base. La technique utilisée s'appelle le dépôt atomique en couche spatiale à pression atmosphérique, une méthode inspirée de la fabrication des semi-conducteurs.
Le résultat ? Un papier qui résiste à l'humidité comme le plastique, mais qui reste 100 % recyclable et compostable. Et surtout, qui pourrait être produit au même coût que les alternatives plastiques actuelles.
« C’est une somme très significative, et elle arrive à un moment qui correspond au valley of death pour les startups deep tech en manufacturing. »
– Miguel Galvez, PDG de Nfinite Nanotech
Du laboratoire universitaire à l'usine pilote
Nfinite est née en 2021 dans les laboratoires de l'Université de Waterloo, sous l'impulsion du professeur Kevin Musselman, spécialiste des nanotechnologies, et de deux de ses étudiants diplômés. Depuis, l'entreprise a bien grandi.
Après avoir levé 8,9 millions de dollars en seed en 2024, elle s'apprête maintenant à franchir une étape cruciale grâce à cette subvention du CNRC. Les fonds vont servir à construire une usine pilote capable de produire 200 000 mètres carrés de ce papier révolutionnaire par an.
L'objectif est clair : démontrer que la technologie fonctionne non seulement en laboratoire, mais aussi en production continue, sur des rouleaux de papier qui défilent à vitesse industrielle. Un défi technique immense que peu de startups osent relever.
Miguel Galvez, qui a pris les rênes de l'entreprise en février 2025, connaît bien ce parcours. Avant Nfinite, il a fondé et vendu NBD Nano, une société qui appliquait des revêtements nanométriques similaires pour protéger les électroniques. Pour lui, c'est presque une suite logique.
Des partenariats avec des géants de l'industrie
La technologie de Nfinite n'est pas restée confidentielle bien longtemps. Des mastodontes comme Amcor (leader mondial de l'emballage et déjà investisseur), PepsiCo et Unilever collaborent déjà avec la startup.
Ces partenariats sont précieux : ils permettent de tester le matériau dans des conditions réelles et d'adapter la production aux besoins précis des grandes marques. Car pour réussir, il ne suffit pas d'avoir une bonne technologie, il faut aussi qu'elle s'intègre parfaitement dans les chaînes de production existantes.
Le modèle économique est simple et ambitieux : Nfinite ne veut pas devenir un fabricant d'emballages finis, mais plutôt un fournisseur de rouleaux de papier traité, à l'image d'une papeterie traditionnelle. Les marques achèteront ce papier spécial et le transformeront elles-mêmes en sachets, pochettes ou emballages.
Pourquoi cette subvention change tout
Dans l'univers des deep tech, passer du prototype à la production industrielle est souvent appelé le "valley of death". Peu d'investisseurs acceptent de financer cette phase risquée, où les montants nécessaires explosent.
C'est précisément là qu'intervient le CNRC avec son programme d'assistance à la recherche industrielle. Les 4,6 millions accordés à Nfinite constituent un pont vital entre le laboratoire et l'usine.
« Le CNRC qui intervient représente une énorme victoire pour nous, car ce qui va résulter de cette subvention, c’est la preuve que notre pilote fonctionne et que nous sommes prêts à construire une usine. »
– Miguel Galvez, PDG de Nfinite
Avec ces fonds et les projets en cours, l'équipe de 18 personnes dispose maintenant de trois à quatre ans de visibilité financière. De quoi avancer sereinement vers la prochaine étape : une levée de fonds Series A, une fois le pilote pleinement validé.
Un marché en pleine mutation
La pression réglementaire et sociétale sur les plastiques à usage unique n'a jamais été aussi forte. En Europe, au Canada et dans de nombreux pays, les lois se multiplient pour interdire ou taxer lourdement ces matériaux.
Dans le même temps, les consommateurs exigent des emballages plus durables. Les grandes marques l'ont bien compris : elles doivent proposer des alternatives crédibles, sans compromettre la conservation de leurs produits ni exploser leurs coûts.
Des solutions en papier existent déjà pour les produits à rotation rapide (barres chocolatées, etc.), mais pour les aliments à longue conservation, les options restent limitées. C'est exactement ce créneau que vise Nfinite.
- Protection contre l'humidité et l'oxygène équivalente au plastique
- Maintien de la recyclabilité et compostabilité
- Coût de production compétitif
- Compatibilité avec les machines d'emballage existantes
Ces quatre points font de la technologie de Nfinite une candidate sérieuse pour devenir un standard dans les années à venir.
Vers une usine commerciale d'ici 2027 ?
Le calendrier est ambitieux. L'usine pilote doit être opérationnelle rapidement, et les premiers rouleaux commerciaux pourraient sortir dès les prochaines années. Si tout se passe comme prévu, la construction d'une véritable usine à grande échelle pourrait débuter début 2027.
Mais Miguel Galvez reste prudent. Contrairement à certaines startups deep tech qui ont levé des sommes folles sur des promesses, Nfinite veut avancer étape par étape, en prouvant chaque jalon technique avant de passer au suivant.
Cette approche méthodique, combinée à un soutien gouvernemental fort et des partenariats industriels solides, positionne la jeune entreprise comme un acteur à suivre de très près dans le domaine des matériaux durables.
Dans un monde qui cherche désespérément des alternatives viables au plastique, Nfinite Nanotech pourrait bien détenir une partie de la solution. Une histoire canadienne d'innovation qui montre que la transition écologique peut aussi passer par des technologies de pointe, patientes et déterminées.
Et qui sait ? Dans quelques années, quand vous ouvrirez votre paquet de café ou votre barre protéinée, vous penserez peut-être à cette petite startup de Kitchener-Waterloo qui a osé défier le plastique avec du papier intelligent.