
NGE Reprend Morlot : Un Tournant pour le BTP Durable
Et si l’avenir du bâtiment passait par les Vosges ? Le 4 avril 2025, une nouvelle page s’est tournée dans l’industrie française du BTP avec la validation par le tribunal de commerce de Dijon du rachat du groupe Morlot par NGE, un mastodonte du secteur. Cette opération, loin d’être anodine, illustre une ambition claire : allier croissance économique et **transition écologique**, tout en préservant une partie des emplois d’une entreprise en difficulté. Mais derrière les chiffres et les communiqués officiels, que révèle cette acquisition sur les mutations en cours dans le secteur de la construction ?
Un Rachat qui Redessine le Paysage du BTP
L’histoire commence dans l’ombre d’une crise. Fondé en 2022 à Contrexéville par Laurent Morlot, le groupe vosgien du même nom avait tout pour briller : des compétences pointues dans la construction bois, une présence sur des projets d’envergure comme la rénovation du stade Yves du Manoir pour les JO 2024, et un effectif de 400 salariés. Pourtant, dès l’automne 2024, des signaux alarmants ont émergé, culminant avec des procédures collectives pour sept de ses entités en janvier 2025.
Face à ce naufrage imminent, NGE, quatrième acteur du BTP en France avec un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros en 2024, a saisi l’opportunité. L’offre de reprise, validée début avril, concerne cinq sociétés vosgiennes, ainsi que des filiales dans le Nord et les Bouches-du-Rhône. Résultat ? 110 salariés et 21 apprenants sont repris, soit 58 % des effectifs de Morlot. Une bouffée d’oxygène pour ces travailleurs, mais aussi un signal fort envoyé au marché.
Une Stratégie Axée sur la Décarbonation
Pourquoi NGE, un géant déjà bien implanté, s’intéresse-t-il à une entreprise en difficulté ? La réponse tient en un mot : **décarbonation**. Jean-Baptiste Gonnet, directeur général adjoint de NGE, ne cache pas ses ambitions. Selon lui, cette acquisition s’inscrit dans un plan stratégique 2024-2028 qui mise sur des pratiques plus vertes. Morlot, avec son savoir-faire en charpente et ossature bois, devient un atout précieux pour répondre aux exigences de la réglementation environnementale RE2020, dont les seuils 2028 approchent à grands pas.
Cette acquisition renforce notre capacité à proposer des solutions décarbonées, en phase avec les attentes du marché et les impératifs écologiques.
– Jean-Baptiste Gonnet, directeur général adjoint de NGE
Le bois, matériau renouvelable par excellence, est au cœur de cette vision. En intégrant les compétences de Morlot, NGE ne se contente pas de sauver des emplois : il se positionne comme un leader dans la construction durable, un secteur où la concurrence s’intensifie.
Des Savoir-Faire qui Font la Différence
Alain Tayar, directeur général de NGE Bâtiment, met en avant la complémentarité des expertises. Jusqu’ici concentrée dans l’ouest de la France, sa division (410 salariés, 200 millions d’euros de chiffre d’affaires) gagne avec Morlot des compétences spécifiques : charpente bois, enveloppe du bâtiment, et même chauffage-ventilation-climatisation (CVC). Ces domaines, souvent sous-estimés, sont pourtant cruciaux pour concevoir des bâtiments à haute performance énergétique.
Prenons l’exemple du stade Yves du Manoir à Colombes. Morlot y a fourni 675 m³ de charpentes en bois, un chantier emblématique des JO 2024. Ce type de projet illustre le potentiel de ces savoir-faire, qui allient tradition et innovation. Pour NGE, c’est une chance de diversifier son offre et de conquérir de nouveaux marchés, notamment dans l’industrie et les infrastructures militaires.
Un Sauvetage Partiel, mais Significatif
Sur les 400 salariés initiaux de Morlot, 131 retrouvent une stabilité grâce à NGE. Ce chiffre, bien que positif, laisse une question en suspens : quid des autres ? La liquidation de Weisrock Vosges, une filiale spécialisée dans les poutres en bois lamellé-collé, en mars 2025, avait déjà mis 49 personnes au chômage. Cette opération de reprise, bien qu’ambitieuse, ne résout pas tout.
Pourtant, dans un contexte où les fermetures d’usines et les plans sociaux font souvent les gros titres, préserver plus de la moitié des emplois est une victoire. Les 21 apprenants repris témoignent aussi d’une volonté de transmettre ces métiers d’avenir, un enjeu clé pour l’industrie française.
Les Vosges, Terreau d’Innovation
Les Vosges ne sont pas qu’un décor dans cette histoire. Région historiquement liée au bois, elles offrent un écosystème favorable à la construction durable. Morlot, malgré ses déboires, incarnait cette richesse locale. En reprenant ses activités, NGE mise sur un ancrage territorial qui pourrait inspirer d’autres acteurs du BTP.
Ce rachat intervient aussi dans un moment charnière. Avec la montée des préoccupations climatiques, les entreprises du secteur doivent repenser leurs modèles. Le bois, les matériaux biosourcés et les techniques basse consommation ne sont plus des options, mais des impératifs. Les Vosges pourraient ainsi devenir un laboratoire d’idées pour le BTP de demain.
Les Défis à Relever
Mais tout n’est pas rose. Intégrer Morlot dans un groupe aussi vaste que NGE demande du temps et des ajustements. Les cultures d’entreprise, les processus internes, et même les attentes des clients diffèrent. Comment NGE parviendra-t-il à tirer parti de ces nouvelles compétences sans les diluer dans sa propre organisation ?
Autre point sensible : la concurrence. Si NGE se renforce, d’autres acteurs du BTP, en France et en Europe, ne resteront pas les bras croisés. La course à la décarbonation est lancée, et chaque acquisition compte. Pour l’instant, NGE a une longueur d’avance, mais rien n’est garanti.
Un Modèle pour l’Avenir ?
Ce rachat dépasse le cadre d’une simple transaction. Il illustre une tendance de fond : les entreprises qui survivront dans le BTP seront celles capables d’allier performance économique et responsabilité environnementale. NGE l’a bien compris, et Morlot devient un levier pour y parvenir.
Pour résumer, cette opération se décline en plusieurs axes stratégiques :
- Renforcement de l’expertise en construction bois et matériaux durables.
- Préservation de 131 emplois dans une région industrielle en quête de rebond.
- Positionnement face aux normes environnementales à venir, comme la RE2020.
Et si cette acquisition n’était que le début ? Dans un secteur en pleine mutation, NGE pourrait bien inspirer d’autres géants à suivre cette voie. Reste à voir si les promesses d’aujourd’hui se concrétiseront demain.
Et Après ?
L’histoire de Morlot et NGE ne s’arrête pas là. Les prochains mois seront décisifs pour évaluer l’impact réel de ce rachat. Les chantiers repris, comme ceux laissés en suspens par Morlot, devront trouver un second souffle. Les collectivités et investisseurs privés, touchés par les défaillances du groupe vosgien, attendent des garanties.
Pour les salariés repris, c’est une nouvelle aventure qui commence. Intégrés dans un groupe de 23 000 personnes, ils porteront une partie de l’héritage de Morlot. Quant aux Vosges, elles confirment leur rôle dans la transition écologique du BTP. Une chose est sûre : le 4 avril 2025 marque un tournant, mais l’histoire reste à écrire.