Nidec Réévalue Ses Investissements en France

Dans un monde où les géants industriels jonglent avec des investissements massifs, une question se pose : pourquoi une entreprise comme Nidec, fleuron japonais des moteurs électriques, hésite-t-elle à miser gros sur la France ? Le groupe, connu pour sa capacité à innover et à s’implanter à l’international, a récemment inauguré une usine à la Fouillouse, près de Saint-Étienne. Pourtant, malgré cet engagement, la maison-mère à Tokyo adopte une posture prudente. Cet article explore les raisons de cette retenue, les défis rencontrés par Nidec en France, et les implications pour l’industrie hexagonale face à une concurrence mondiale toujours plus féroce.

Nidec en France : Une Ambition Freinée

Depuis son acquisition de Leroy Somer en 2017 pour 1,3 milliard d’euros, Nidec a renforcé sa présence en France. Avec 10 usines et un chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros dans l’Hexagone, le groupe japonais semblait prêt à faire de la France une plaque tournante de sa production européenne. L’inauguration récente d’une usine à la Fouillouse, dédiée aux systèmes de stockage d’énergie, illustre cet engagement. Ce site, fruit d’un investissement de 17 millions d’euros, vise à répondre à la demande croissante pour les solutions de batteries en Europe. Mais derrière ces annonces, une réalité plus complexe se dessine.

La maison-mère japonaise, cotée à Tokyo et forte d’un chiffre d’affaires de 17 milliards d’euros, scrute chaque investissement avec une exigence stricte : un retour sur investissement rapide, idéalement en moins de trois ans. En France, cet objectif est mis à rude épreuve par un environnement jugé peu favorable à la compétitivité industrielle. Laurent Demortier, président de la division énergie et infrastructures de Nidec, résume la situation avec clarté :

« Vu du Japon, l’environnement industriel français ne permet pas d’avoir une très bonne compétitivité. Cela limite les gros projets d’investissements. »

– Laurent Demortier, président de la division énergie et infrastructures, Nidec

Les Obstacles à la Compétitivité Française

Quels sont les freins qui découragent Nidec ? Le premier obstacle réside dans l’instabilité réglementaire. Lors du sommet Choose France 2024, le groupe pensait bénéficier du crédit d’impôt industrie verte pour son projet stéphanois. Mais, surprise, les systèmes de charge pour batteries, bien que cruciaux pour la transition énergétique, n’étaient pas éligibles. Cette déconvenue a laissé un goût amer au siège japonais, surtout lorsque comparée à la clarté des aides américaines via l’Inflation Reduction Act.

Un autre défi majeur est le coût de l’électricité. Il y a vingt ans, la France bénéficiait d’un avantage compétitif grâce à son énergie bon marché. Aujourd’hui, les prix ont triplé par rapport aux États-Unis, où Nidec consomme 50 gigawatts par an. Ce différentiel pèse lourd dans les décisions d’investissement, surtout face à des concurrents chinois proposant des moteurs à des prix défiant toute concurrence.

Enfin, la concurrence mondiale s’intensifie. Avec les nouveaux droits de douane américains, les fabricants chinois redirigent leurs produits vers l’Europe, où ils cassent les prix. Les usines françaises de Nidec, notamment celles produisant des moteurs pour climatiseurs, perdent des parts de marché au Moyen-Orient au profit de ces acteurs agressifs.

Un Engagement Malgré les Défis

Malgré ces obstacles, Nidec ne tourne pas le dos à la France. Le groupe investit chaque année 100 millions d’euros pour moderniser ses usines hexagonales. Depuis 2017, il a injecté 400 millions d’euros supplémentaires, portant son activité française à 1,2 milliard d’euros. L’usine de Trémery, en Moselle, développée en partenariat avec Stellantis, illustre cette ambition. Ce site, dédié à la production de moteurs pour véhicules électriques, visait initialement un million d’unités par an. Mais les récents changements dans les normes européennes CO2, désormais évaluées sur trois ans, ont réduit la production de 40 %.

Cette baisse a un impact direct sur la rentabilité du site et renforce la prudence du siège japonais. Pourtant, Nidec reconnaît la force du marché européen : sa taille et son potentiel restent des atouts majeurs. Pour Laurent Demortier, la clé réside dans une meilleure anticipation des évolutions réglementaires :

« Les pouvoirs publics doivent donner le temps aux groupes européens de moderniser leurs outils. »

– Laurent Demortier, président de la division énergie et infrastructures, Nidec

Les Leçons d’une Implantation par Acquisition

L’histoire de Nidec en France est avant tout celle d’une croissance par acquisitions. Outre Leroy Somer, le groupe a repris des sites de Valeo et d’Ansaldo en 2012, consolidant une présence industrielle significative. Aujourd’hui, Nidec emploie 1 000 salariés en France, répartis sur 10 sites. Cette stratégie d’acquisition a permis au groupe de s’implanter rapidement, mais elle expose aussi Nidec aux défis structurels de l’industrie française.

Pour mieux comprendre l’approche de Nidec, voici un résumé de ses activités en France :

• 10 usines, dont une en coentreprise avec Stellantis pour les moteurs électriques.
• 1 000 salariés employés dans l’Hexagone.
• 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires en France.
• 100 millions d’euros investis annuellement pour moderniser les sites.

Ces chiffres témoignent d’un engagement réel, mais aussi d’une nécessité d’adaptation à un contexte économique mouvant. Les investissements de Nidec, comme ceux d’autres industriels étrangers, sont mis en concurrence avec des projets en Inde, aux États-Unis ou en Amérique latine, où les conditions sont souvent jugées plus attractives.

La France Face à la Concurrence Mondiale

La situation de Nidec met en lumière un défi plus large pour la France : comment rester attractive pour les investisseurs étrangers dans un monde où la concurrence chinoise redessine les règles du jeu ? Les moteurs chinois, vendus à des prix jusqu’à deux fois inférieurs, gagnent du terrain en Europe. Cette pression oblige les industriels à innover rapidement tout en maîtrisant leurs coûts.

Pour Nidec, la solution passe par une modernisation accélérée de ses outils de production. Mais cela nécessite un soutien clair des pouvoirs publics, notamment sur le coût de l’énergie et la stabilité des cadres réglementaires. Sans ces ajustements, la France risque de voir d’autres géants industriels hésiter à s’engager pleinement.

Voici les principaux défis auxquels la France doit répondre pour rester compétitive :

• Stabiliser les cadres réglementaires pour offrir une visibilité aux investisseurs.
• Réduire les coûts énergétiques pour rivaliser avec les États-Unis et la Chine.
• Renforcer les aides publiques pour les projets liés à la transition énergétique.

Un Avenir à Construire

Si Nidec adopte une posture prudente, le groupe n’abandonne pas la France pour autant. Son usine de la Fouillouse, qui a créé 100 emplois, montre que des opportunités existent, notamment dans le domaine des solutions énergétiques. La demande pour les systèmes de stockage de batteries est en pleine croissance, portée par la transition énergétique en Europe. Mais pour que la France tire pleinement parti de ces investissements, elle doit relever plusieurs défis structurels.

Le cas de Nidec illustre une vérité universelle : dans un monde globalisé, aucun pays ne peut se reposer sur ses lauriers. La France dispose d’atouts indéniables, comme la taille de son marché et son savoir-faire industriel. Mais sans une politique cohérente pour soutenir les investisseurs étrangers, elle risque de perdre du terrain face à des concurrents plus agiles.

En conclusion, l’histoire de Nidec en France est celle d’un équilibre fragile entre ambition et prudence. Le groupe japonais continue d’investir, mais ses décisions sont scrutées à la loupe par un siège exigeant. Pour que la France reste une terre d’accueil pour les industriels étrangers, elle devra stabiliser son cadre réglementaire, réduire ses coûts énergétiques et mieux accompagner les projets innovants. L’avenir de l’industrie française se joue aujourd’hui, et des acteurs comme Nidec seront au cœur de cette transformation.