NordSpace lance son premier satellite en 2026 avec SpaceX
Imaginez un satellite qui scrute l’immensité gelée de l’Arctique canadien, repère en temps réel un navire qui n’aurait jamais dû s’y trouver, et alerte les autorités avant même que quiconque allume un radar. Ce n’est plus de la science-fiction. C’est le projet que vient d’annoncer la jeune pousse ontarienne NordSpace.
NordSpace passe à la vitesse orbitale avec SpaceX
Le 1er décembre 2025, NordSpace a créé la surprise dans l’écosystème spatial canadien : son premier satellite, baptisé Terra Nova, décollera au plus tôt en juin 2026 à bord d’une mission Transporter-17 de SpaceX. Un « simple » rideshare ? Pas vraiment. Derrière cette réservation sur le Falcon 9 se cache une ambition bien plus grande : démontrer que le Canada peut concevoir, financer et exploiter ses propres systèmes spatiaux de bout en bout.
Basée à Markham, en banlieue de Toronto, NordSpace fait partie de cette nouvelle génération de compagnies qui ne veulent plus seulement assembler des composants étrangers, mais tout maîtriser : moteurs, lanceurs, satellites et même spaceports. Et ils avancent vite.
Terra Nova : un petit satellite aux grandes missions
Le satellite est 100 % financé par NordSpace lui-même – un point que l’entreprise répète avec fierté. Pas de subventions massives ni de contrats gouvernementaux opaques : juste la trésorerie d’une startup qui croit à son modèle intégré.
À bord, on trouve un processeur Nvidia dernière génération qui fait tourner des modèles d’intelligence artificielle directement dans l’espace. Objectif ? Traiter les images en orbite sans tout renvoyer au sol, ce qui réduit drastiquement la latence.
Les applications concrètes sont impressionnantes :
- Détection des objets spatiaux non-émetteurs (débris ou satellites furtifs)
- Surveillance des navires et aéronefs illégaux dans l’Arctique canadien
- Repérage précoce des départs de feux de forêt grâce à l’analyse thermique
Autrement dit, Terra Nova mélange souveraineté, sécurité nationale et protection de l’environnement dans un seul cube de quelques dizaines de kilos.
« Les entreprises spatiales les plus performantes, de SpaceX à Rocket Lab, investissent massivement dans les systèmes spatiaux et les infrastructures privées. Pour la même raison, l’approche de bout en bout de NordSpace est une nécessité stratégique. Et nous ne faisons que commencer. »
– Rahul Goel, fondateur et PDG de NordSpace
Un Space Systems Lab tout neuf à Markham
Pour concevoir Terra Nova, NordSpace a inauguré son Space Systems Lab, un atelier ultra-moderne capable de sortir un petit satellite par mois. Chambres propres, bancs de tests vibratoires, intégration finale : tout est fait sous le même toit en Ontario.
Cette verticalisation rappelle évidemment la stratégie de SpaceX il y a quinze ans : contrôler chaque maillon pour réduire les coûts et accélérer les itérations. NordSpace applique la recette, version canadienne.
Des débuts suborbitaux chaotiques, mais prometteurs
Il faut le rappeler : NordSpace reste une jeune entreprise. Ses deux tentatives de lancement suborbital du rocket Taiga depuis le futur Atlantic Spaceport Complex à Newfoundland se sont soldées par des échecs techniques – incendie sur le pas de tir, système d’allumage défaillant. Rien de dramatique dans l’industrie spatiale, mais cela montre que le chemin est encore long.
Cependant, l’équipe reste confiante. Un nouveau essai suborbital est prévu en 2026, juste avant le grand saut orbital du lanceur Tundra prévu pour 2027. Et cette fois, ils auront déjà un satellite en orbite qui les regardera depuis le ciel.
Pourquoi ce satellite change la donne pour le Canada spatial
Jusqu’à présent, les satellites canadiens étaient majoritairement construits par des géants comme MDA ou des consortiums financés par Ottawa (Radarsat, Sapphire…). NordSpace arrive avec un modèle radicalement différent : startup privée, financement propre, applications duales (civiles et défense), et surtout une vitesse d’exécution digne de la Silicon Valley.
En choisissant le programme Transporter de SpaceX, l’entreprise gagne aussi un temps précieux. Pas besoin d’attendre des années un lanceur national : on réserve sa place, on paie, et on vole. C’est exactement la philosophie « New Space » que Rocket Lab, Astra ou Relativity appliquent aux États-Unis.
Mais le message est clair : utiliser SpaceX aujourd’hui ne veut pas dire dépendre d’Elon Musk demain. Rahul Goel le répète souvent : le but final reste de tout lancer depuis le Canada, avec des fusées canadiennes, depuis des spaceports canadiens.
Et après Terra Nova ?
La feuille de route est déjà tracée. Après ce premier satellite de démonstration, NordSpace prévoit de déployer une constellation plus importante dédiée à la surveillance souveraine de l’Arctique – zone stratégique où la Russie et la Chine multiplient les incursions.
En parallèle, l’entreprise continue de développer ses partenariats pour déployer des stations sol partout au pays (notamment avec C-Core) et finaliser son spaceport à Terre-Neuve. L’objectif à dix ans : devenir le « SpaceX canadien », capable de placer 200 tonnes en orbite par an depuis le territoire national.
Un rêve fou ? Peut-être. Mais quand on voit qu’une startup de moins de 50 personnes vient d’annoncer un satellite opérationnel en 2026 financé sur fonds propres… on se dit que le rêve est déjà bien entamé.
Le Canada spatial n’a plus seulement des projets gouvernementaux lents et coûteux. Il a désormais sa propre relève privée, ambitieuse et pressée. Et elle vient de réserver son ticket pour l’orbite.