Northern Lights : Le Premier Terminal Commercial de CO2 en Norvège
Imaginez un monde où le dioxyde de carbone (CO2), l'un des principaux responsables du réchauffement climatique, pourrait être capté à la source et stocké de manière sûre et permanente dans les profondeurs de la Terre. C'est précisément l'ambition du projet Northern Lights, porté par un consortium composé des géants de l'énergie TotalEnergies, Equinor et Shell. Le 26 septembre dernier, un pas décisif a été franchi avec l'inauguration du premier terminal commercial de CO2 au monde à Øygarden, près de Bergen, en Norvège.
Un projet d'envergure pour stocker le CO2 sous la mer du Nord
Le terminal Northern Lights est une prouesse technologique et environnementale. Conçu pour recevoir du CO2 capté sur des sites industriels à travers l'Europe, il est capable de stocker jusqu'à 1,5 million de tonnes de CO2 par an dans sa première phase. Le CO2 est acheminé par navire jusqu'au terminal, puis injecté via un pipeline dans des réservoirs situés à 2600 mètres sous le plancher océanique de la mer du Nord, à 110 km des côtes norvégiennes.
Le choix de la Norvège n'est pas anodin. Le pays scandinave, connu pour ses spectaculaires fjords et sa nature préservée, est aussi un pionnier dans la lutte contre le changement climatique. Avec son vaste plateau continental et ses formations géologiques propices au stockage du CO2, la Norvège offre des conditions idéales pour ce type de projet. Le gouvernement norvégien soutient d'ailleurs massivement Northern Lights, à hauteur de 1,6 milliard d'euros.
À terme, Northern Lights ambitionne de stocker jusqu'à 5 millions de tonnes de CO2 par an. Une deuxième phase est d'ores et déjà prévue pour augmenter la capacité du terminal et du pipeline. Mais la décision d'investissement dépendra de la capacité du consortium à trouver de nouveaux clients industriels désireux de décarboner leurs activités.
Des premiers clients attendus courant 2025
Quatre entreprises ont déjà signé pour être les premiers clients du terminal Northern Lights :
- Le cimentier allemand Heidelberg Materials, pour sa cimenterie de Brevik en Norvège.
- Le centre de traitement des déchets de la ville d'Oslo.
- Le groupe norvégien Yara, premier producteur mondial d'engrais, qui captera 800 000 tonnes de CO2 par an sur son usine aux Pays-Bas.
- Le producteur d'énergie danois Ørsted, qui stockera 430 000 tonnes par an de CO2 biogénique issu de deux centrales biomasse au Danemark.
Mais ces clients ne seront pas prêts à livrer leur CO2 avant courant 2025. D'ici là, Northern Lights aura réceptionné les deux premiers des quatre navires spécialement conçus pour transporter le CO2 liquéfié. Un défi technique et logistique de taille.
Le captage et stockage du carbone, un pilier de la transition énergétique
Le projet Northern Lights s'inscrit dans une stratégie plus large de lutte contre le réchauffement climatique : le captage et stockage du carbone (CSC). Cette technologie vise à piéger le CO2 émis par les industries fortement émettrices comme la production d'acier, de ciment ou d'engrais, puis à le stocker de façon permanente dans des formations géologiques profondes.
Le captage et stockage du CO2 sera essentiel pour atteindre la neutralité carbone et limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C.
Agence Internationale de l'Énergie (AIE)
Selon l'AIE, le CSC pourrait contribuer à hauteur de 15% à la réduction des émissions de gaz à effet de serre nécessaire pour maintenir le réchauffement sous la barre des 2°C, l'objectif fixé par l'Accord de Paris sur le climat. Un déploiement massif de cette technologie est donc crucial pour réussir la transition énergétique.
Des défis techniques, économiques et sociétaux à relever
Malgré son potentiel, le captage et stockage du carbone fait face à plusieurs obstacles. Le premier est technique : le CSC nécessite de lourdes infrastructures de captage, de transport et de stockage du CO2, qui doivent être adaptées à chaque site industriel. Des innovations sont encore nécessaires pour améliorer l'efficacité et réduire les coûts de ces technologies.
L'aspect économique est un autre frein majeur. En l'absence d'un prix élevé du carbone ou de fortes incitations, peu d'industriels sont prêts à investir massivement dans le CSC. Des mécanismes de soutien public, comme celui dont bénéficie Northern Lights, restent indispensables pour amorcer le déploiement à grande échelle de ces solutions.
Enfin, l'acceptabilité sociale du stockage géologique du CO2 n'est pas acquise. Des inquiétudes persistent quant aux risques de fuites ou de contamination des eaux souterraines. Un dialogue avec les populations concernées et une transparence totale sur les projets sont essentiels pour lever ces réticences.
Conclusion : Northern Lights, un phare pour la décarbonation de l'industrie
Avec l'inauguration de son terminal en Norvège, Northern Lights ouvre la voie au déploiement du captage et stockage du carbone à l'échelle industrielle. Ce projet démontre la faisabilité technique et économique du stockage géologique du CO2, et offre une solution concrète aux industries fortement émettrices pour réduire leur empreinte carbone.
Mais Northern Lights n'est qu'une première étape. Pour que le CSC joue pleinement son rôle dans la lutte contre le changement climatique, il faudra multiplier les projets de ce type à travers le monde, lever les barrières réglementaires et financières, et convaincre le public de son utilité. Un défi immense, à la hauteur de l'urgence climatique.