Northvolt et ACC face aux retards des gigafactories de batteries
Alors que l'Europe mise gros sur ses startups pour rattraper son retard dans la course aux batteries électriques, le chemin vers une production massive s'avère semé d'embûches. Northvolt en Suède et ACC en France, deux des plus ambitieux projets du Vieux Continent, font face à des retards et des défis de taille dans le lancement de leurs gigafactories.
Northvolt : une montée en cadence laborieuse
Deux ans après le début officiel de la production dans son usine de Skellefteå en Suède, la jeune pousse scandinave Northvolt peine toujours à monter en régime. Avec une capacité de 16 GWh, le site est loin d'avoir atteint son rythme de croisière et fournit pour l'instant ses clients Scania, Volvo et Volkswagen au compte-goutte.
Son PDG Peter Carlsson a récemment indiqué que Northvolt devait quintupler sa production par rapport aux niveaux actuels pour espérer produire environ 1 GWh d'ici fin 2024. Un objectif revu à la baisse qui pousse l'entreprise à reconsidérer sa feuille de route industrielle et potentiellement décaler ses futurs projets d'usines.
Nous procédons à un examen stratégique de notre plan d'entreprise et de croissance afin que le moteur principal de Skellefteå soit opérationnel avant de passer aux étapes suivantes.
- Peter Carlsson, PDG de Northvolt
ACC : un démarrage poussif en France
Du côté d'ACC, co-entreprise entre Stellantis, Mercedes-Benz et TotalEnergies, le constat est similaire. Si la production a été officiellement lancée fin 2023 sur le site de Douvrin dans le Nord de la France, l'usine ne tourne pas encore à plein régime. Résultat : les Peugeot e-3008 et e-5008 doivent pour l'instant se contenter de batteries du chinois BYD.
Face à un marché du véhicule électrique en berne, ACC a d'ailleurs décidé en juin de mettre en pause ses projets industriels en Allemagne et en Italie pour se concentrer sur Douvrin et le développement d'une nouvelle chimie de batteries LFP.
Un parcours du combattant industriel
Ces difficultés mettent en lumière la complexité de l'industrialisation à grande échelle de la production de batteries, y compris pour des startups portées aux nues. Même des acteurs chevronnés comme CATL, LG ou Samsung ont besoin d'un à deux ans pour atteindre leur rythme de croisière, avec des taux de rebut initialement très élevés.
Au début de la production d'une usine, les batteries sont généralement fabriquées par lots d'un millier d'unités. Mais il faut attendre d'en avoir produit un million en une semaine pour affirmer que la production a véritablement démarré.
- Un directeur industriel d'un fabricant asiatique de batteries
Cette montée en cadence, qui peut prendre jusqu'à 18 mois, marque toute la différence entre des effets d'annonce et un réel engagement sur les volumes auprès des clients. Un chemin de croix industriel que découvrent aujourd'hui à leurs dépens les jeunes pousses européennes de la batterie, aussi prometteuses soient-elles.
Des leçons pour la filière européenne des batteries
Au-delà de Northvolt et ACC, ces retards interrogent sur la capacité de l'Europe à tenir ses objectifs ambitieux en matière de batteries pour véhicules électriques. D'autres projets comme la "gigafactory" de Verkor en France ou celle de Britishvolt au Royaume-Uni devront tirer les leçons de ces premiers couacs.
Il en va de la crédibilité et de la compétitivité de toute une filière appelée à jouer un rôle clé dans la transition vers l'électromobilité du Vieux Continent. Un défi colossal où l'impatience n'a pas sa place face au temps long de l'industrie.
