
Nubank s’aventure dans l’ère des réseaux mobiles
La néobanque brésilienne Nubank, cotée au NYSE, fait ses premiers pas dans l'univers des réseaux mobiles. Elle lance un service eSIM (SIM embarquée) destiné aux voyageurs, offrant 10 Go de data en roaming gratuit dans plus de 40 pays sans avoir à changer de carte SIM physique ou d'eSIM.
Ce lancement intervient peu après que l'agence brésilienne des télécoms, l'ANATEL, ait discrètement donné son feu vert à Nubank pour devenir un opérateur mobile virtuel (MVNO) en partenariat avec le géant Claro. Bien que Nubank n'ait pas confirmé les détails, son incursion dans la sphère des réseaux mobiles reflète une tendance croissante dans le monde des fintechs.
Des néobanques aux néo-MVNO
Les néobanques, ces challengeurs digitaux des banques traditionnelles, suivent les traces de ces dernières en proposant des services complémentaires pour attirer de nouveaux clients : outils de budgétisation, analyses de dépenses, accès simplifié à la bourse... Mais alors que les néobanques gagnent en popularité, le marché des MVNO explose aussi, porté par l'essor de l'eSIM, du cloud et des logiciels tiers facilitant les stratégies de distribution 100% numériques.
Nubank se situe à la croisée de ces tendances. La société brésilienne âgée de 10 ans surfe sur une vague de croissance, avec une valorisation en hausse de 170% sur un an, atteignant un record de 58 milliards de dollars en mars. Elle est passée d'une perte nette de 9 millions de dollars en 2022 à un bénéfice net d'un milliard l'an dernier, une tendance qui se confirme en 2024 avec des revenus records et un bénéfice net plus que doublé au premier trimestre. Nubank a également franchi la barre des 100 millions de clients sur ses marchés clés du Brésil, du Mexique et de la Colombie.
Un écosystème de services bancaires et mobiles
Le nouveau service eSIM s'adresse aux abonnés Nubank Ultravioleta, une offre premium lancée il y a trois ans avec des avantages tels que assurances, limites de crédit plus élevées, cashback, comptes familiaux, etc. Le mois dernier, Nubank a révélé son entrée dans le secteur du voyage avec le lancement imminent d'un « compte global », en partenariat avec la fintech européenne Wise pour des transferts d'argent internationaux à faible coût.
L'eSIM est activée via l'app Nubank, avec une infrastructure sous-jacente fournie par Gigs, une plateforme offrant aux aspirants opérateurs mobiles tout ce dont ils ont besoin via une API unique. Gigs fait pour la téléphonie mobile ce que Stripe a fait pour la finance.
Intégrer des forfaits mobiles est un levier puissant pour les néobanques afin de transformer les utilisateurs occasionnels en abonnés payants mensuels, d'encourager les mises à niveau vers des fonctionnalités premium et de créer un écosystème où la banque sert de plaque tournante à de multiples services à valeur ajoutée.
Hermann Frank, co-fondateur et CEO de Gigs
Une tendance qui se confirme
Le lancement de Nubank fait écho à d'autres initiatives dans l'univers des fintechs. En février, la néobanque britannique Revolut a lancé un service eSIM similaire pour ses abonnés premium. Et l'an dernier, la néobanque indienne Zolve a également ajouté les réseaux mobiles à son arsenal de services afin que les immigrés puissent non seulement configurer leurs services bancaires avant d'arriver aux États-Unis, mais aussi disposer d'un service mobile opérationnel dès leur arrivée.
Cela souligne les synergies entre services financiers et communications mobiles, deux éléments essentiels au fonctionnement des individus aujourd'hui, mais qui présentent traditionnellement des obstacles similaires, en particulier pour ceux qui arrivent dans un pays pour la première fois. On a vu des opérateurs lancer des services bancaires comme l'a fait T-Mobile aux États-Unis avec T-Mobile Money, tandis que des banques traditionnelles ont fait le chemin inverse, à l'image de Banco Inter au Brésil et Standard Bank en Afrique du Sud, qui ont tous deux lancé leurs propres services MVNO.
Une question de régulation
Cependant, les néobanques ne se positionnent pas comme des MVNO avec leurs nouveaux services eSIM pour voyageurs. Un porte-parole de Revolut a déclaré en février : « Revolut ne devient pas un MVNO mais s'est associé à 1Global qui regroupe de nombreux accords MVNO et d'itinérance dans un seul réseau pour créer une empreinte mondiale des meilleurs opérateurs. »
Les MVNO sont des services mobiles indépendants construits sur l'infrastructure des opérateurs, et il existe de nombreux facilitateurs (MVNE) et agrégateurs (MVNA) qui aident les entreprises à lancer des réseaux mobiles. Bien que Revolut n'offre pas de voix et de SMS, ni n'attribue de numéro de téléphone, elle s'appuie sur l'infrastructure des opérateurs via un MVNE pour proposer un service de données mobiles sous sa propre marque, ce qui ressemble beaucoup à un MVNO.
Mais s'appeler MVNO pourrait entraîner une surveillance réglementaire supplémentaire. Bien que les banques soient déjà étroitement réglementées en tant qu'institutions financières, être classé comme une entreprise de télécommunications apporterait probablement des obligations réglementaires supplémentaires.
Alors que Nubank se prépare effectivement à lancer un service MVNO au Brésil, son service eSIM pour voyageurs est plus simple à mettre sur le marché grâce à son partenariat avec Gigs, car ce dernier assume toutes les complexités de conformité réglementaire inhérentes au secteur.
L'avenir nous dira si ces néobanques finiront par assumer pleinement le statut de MVNO, mais une chose est sûre : la convergence entre services bancaires et télécoms n'en est qu'à ses débuts, portée par l'innovation technologique et l'appétit des consommateurs pour des services toujours plus intégrés et fluides. Les néobanques l'ont bien compris et comptent bien en profiter pour continuer à bousculer le statu quo.