Nutri-Score : Foodwatch Défie les Lobbies Alimentaires
Et si l’étiquette de votre fromage préféré devenait votre pire ennemie ? Depuis des années, le Nutri-Score agite les esprits, entre défenseurs de la transparence alimentaire et gardiens des traditions culinaires. En ce début 2025, l’ONG Foodwatch remet le sujet sur la table avec une détermination sans faille, pointant du doigt les pressions exercées par les lobbies sur les décisions politiques. À l’heure où la santé publique croise le fer avec les intérêts économiques, cette bataille révèle des enjeux bien plus larges que de simples lettres colorées sur un emballage.
Le Nutri-Score : Une Révolution Alimentaire en Suspens
Imaginez un outil simple capable de vous guider dans le labyrinthe des étiquettes alimentaires. C’est la promesse du **Nutri-Score**, ce système d’évaluation nutritionnelle qui attribue une note de A à E selon la qualité des aliments. Conçu par le professeur Serge Hercberg, il vise à éclairer les consommateurs sur ce qu’ils mettent dans leur assiette. Mais voilà, malgré son adoption par plusieurs pays européens et son soutien par la communauté scientifique, sa mise à jour en France reste bloquée, victime d’un bras de fer entre santé publique et intérêts privés.
Foodwatch : Le Cri d’Alarme d’une ONG Engagée
Au cœur de cette tempête, Foodwatch ne mâche pas ses mots. L’organisation, connue pour ses campagnes percutantes, accuse la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, de céder aux sirènes des lobbies laitiers et agroalimentaires. Le 7 mars 2025, Audrey Morice, chargée de campagne, a dénoncé un immobilisme jugé « irresponsable ». Pour elle, l’arrêté qui doit activer le nouvel algorithme du Nutri-Score traîne dans les tiroirs ministériels depuis trop longtemps, au détriment des Français.
C’est irresponsable de bloquer une mesure de santé publique sous la pression d’intérêts privés.
– Audrey Morice, Foodwatch
Ce n’est pas la première fois que Foodwatch s’attaque aux géants de l’alimentation. L’ONG milite depuis des années pour une transparence accrue et une alimentation plus saine, quitte à bousculer les habitudes. Mais cette fois, l’enjeu est de taille : faire plier un gouvernement qui semble hésiter entre science et tradition.
La Ministre et les Produits du Terroir : Un Conflit d’Intérêts ?
Annie Genevard, élue dans une région fière de ses fromages comme le comté, ne cache pas ses réserves. Lors d’une interpellation au Sénat le 5 mars 2025, elle a reconnu que l’arrêté était prêt, mais pas encore signé. Pourquoi ce retard ? La ministre craint que le nouvel algorithme ne pénalise les fleurons de la gastronomie française : charcuteries, fromages affinés, salaisons. Des produits souvent riches en sel ou en gras, mais ancrés dans le patrimoine culturel.
Pour elle, le Nutri-Score, dans sa version revisitée, risque de dévaloriser des filières entières. « Ces produits répondent à des cahiers des charges précis, ils ne peuvent pas être reformulés comme une vulgaire barre chocolatée », argue-t-elle. Un discours qui résonne dans les campagnes, mais qui fait grincer des dents les experts en nutrition.
Que Dit la Science ?
Face à ces critiques, Serge Hercberg monte au créneau. Le père du Nutri-Score rappelle que l’outil ne diabolise pas les aliments, mais incite à une consommation raisonnée. « On ne dit pas de bannir le roquefort, mais de ne pas en manger tous les jours en grande quantité », explique-t-il. Une nuance que les opposants peinent à entendre, préférant y voir une attaque contre le terroir.
Le Nutri-Score rappelle que les aliments gras ou salés doivent rester occasionnels.
– Serge Hercberg, concepteur du Nutri-Score
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon une étude de 2023, 78 % des Français plébiscitent ce système pour sa clarté. Mieux encore, des recherches montrent qu’il influence les choix alimentaires dans 30 % des cas. Pourtant, la France tergiverse, alors que l’Union européenne cherche encore un modèle commun à tous ses membres.
Les Lobbies à la Manœuvre : Une Influence Invisible ?
Derrière ce blocage, Foodwatch pointe une force discrète mais puissante : les lobbies. Industriels du lait, producteurs de charcuterie, géants de l’agroalimentaire… Ces acteurs auraient tout intérêt à freiner une mesure qui mettrait en lumière les défauts nutritionnels de leurs produits. Une hypothèse crédible quand on sait que le secteur pèse des milliards d’euros et emploie des milliers de personnes.
Mais comment opèrent-ils ? Réunions à huis clos, argumentaires bien rodés, pressions sur les élus locaux : les méthodes sont variées. Annie Genevard, issue d’une région agricole, pourrait-elle être sensible à ces discours ? Pour Foodwatch, la réponse est oui, et c’est un scandale.
Karine Jacquemart : Une Voix Contre l’Agrobusiness
Pendant ce temps, une autre figure de Foodwatch fait parler d’elle. Karine Jacquemart, directrice générale, vient de publier *Les dangers de notre alimentation*, un ouvrage choc sorti le 5 mars 2025. Dans ce livre, elle dénonce les dérives d’un système alimentaire mondialisé qui sacrifie la santé au profit.
Son credo ? L’alimentation est un levier de justice sociale. « Contrôler ce que nous mangeons, c’est contrôler les populations », écrit-elle. Elle propose une idée radicale : une **sécurité sociale de l’alimentation**, où chacun aurait accès à des produits sains et locaux. Une utopie pour certains, une nécessité pour d’autres.
Les Enjeux d’un Combat Plus Large
Le bras de fer autour du Nutri-Score dépasse la simple question des étiquettes. Il touche à des thématiques brûlantes : santé publique, écologie, économie locale. D’un côté, les défenseurs d’une alimentation transparente veulent protéger les citoyens des excès de l’industrie. De l’autre, les artisans et industriels craignent pour leur survie face à des normes qu’ils jugent déconnectées.
- Rendre l’information nutritionnelle accessible à tous.
- Protéger les filières traditionnelles sans céder aux lobbies.
- Trouver un équilibre entre santé et plaisir culinaire.
Ce dilemme n’est pas nouveau, mais il prend une ampleur inédite en 2025, alors que les crises sanitaires et climatiques rappellent l’urgence d’agir.
Et l’Europe dans Tout Ça ?
Pendant que la France hésite, l’Union européenne avance à pas de tortue. L’idée d’un système d’étiquetage commun fait son chemin, mais les dissensions entre pays freinent le projet. Italie, Grèce, France : chacun défend ses spécialités, rendant le consensus difficile. Le Nutri-Score, bien que prometteur, n’est pas encore le favori universel.
Pourtant, les experts sont unanimes : un outil clair et harmonisé serait un pas de géant contre l’obésité et les maladies liées à l’alimentation. Reste à savoir si les politiques suivront la science ou les urnes.
Quel Avenir pour le Nutri-Score ?
Alors, où en est-on ? L’arrêté tant attendu signera-t-il la victoire de Foodwatch ou un nouveau sursis pour les lobbies ? Une chose est sûre : cette saga est loin d’être terminée. Entre les campagnes choc de l’ONG, les réticences ministérielles et les attentes des consommateurs, le Nutri-Score reste un symbole de notre rapport ambigu à la nourriture.
Pour les uns, c’est une arme contre l’opacité alimentaire. Pour les autres, une menace contre l’identité gastronomique. Et vous, de quel côté penchez-vous ?