Nvidia Renforce l’IA Open Source par Acquisitions et Modèles
Imaginez un géant des semi-conducteurs qui, au lieu de simplement verrouiller ses technologies les plus avancées derrière des murs payants, décide soudain d’ouvrir grand les portes de l’innovation. C’est exactement ce que fait Nvidia en ce mois de décembre 2025. Entre une acquisition stratégique et le lancement d’une nouvelle gamme de modèles d’IA revendiquant une efficacité record, l’entreprise dessine un nouveau visage de l’intelligence artificielle : plus collaborative, plus accessible… et paradoxalement, peut-être encore plus dominante.
Quand le leader des GPU mise massivement sur l’open source
Longtemps perçu comme le roi incontesté du matériel propriétaire pour l’IA, Nvidia semble avoir compris que la maîtrise du futur passera aussi par la maîtrise des écosystèmes ouverts. En quelques semaines seulement, l’entreprise multiplie les annonces qui vont dans ce sens et marque clairement sa volonté de devenir un acteur central de l’IA open source.
Le rachat discret mais stratégique de SchedMD
Le 15 décembre 2025, Nvidia annonce le rachat de SchedMD, l’entreprise derrière Slurm : le gestionnaire de charge de travail open source le plus utilisé au monde dans les supercalculateurs et les clusters d’IA. Créé dès 2002, Slurm est devenu au fil des années l’infrastructure invisible mais indispensable de la plupart des grands centres de calcul intensif.
Si les détails financiers restent confidentiels, l’opération n’en demeure pas moins hautement symbolique. Nvidia travaille avec les équipes de SchedMD depuis plus de dix ans. En intégrant cette petite structure très spécialisée, le géant californien sécurise un maillon critique de la chaîne qui permet de faire tourner les plus grands modèles d’IA à l’échelle industrielle.
« Slurm est une infrastructure critique pour l’IA générative. Nous allons continuer d’investir massivement dans son développement. »
Extrait du communiqué officiel Nvidia
Concrètement, Nvidia promet de maintenir Slurm comme un projet totalement open source, neutre vis-à-vis des fournisseurs et accessible à tous. Une posture qui contraste avec la réputation parfois « fermée » de l’entreprise et qui vise sans doute à rassurer l’immense communauté scientifique et industrielle qui dépend de cet outil depuis deux décennies.
Nemotron 3 : la nouvelle famille qui veut tout changer
Le même jour, Nvidia dévoile une nouvelle gamme de modèles open source : Nemotron 3. Selon l’entreprise, il s’agit tout simplement de « la famille de modèles ouverts les plus efficaces pour construire des agents IA précis ».
Trois variantes ont été présentées :
- Nemotron 3 Nano : un modèle compact conçu pour des tâches très ciblées où la latence et la consommation énergétique comptent énormément
- Nemotron 3 Super : optimisé pour les architectures multi-agents où plusieurs IA doivent collaborer en temps réel
- Nemotron 3 Ultra : destiné aux tâches les plus complexes nécessitant un raisonnement approfondi
Cette segmentation très claire montre que Nvidia ne se contente plus de produire des modèles « gros et puissants ». L’entreprise cherche désormais à couvrir l’ensemble du spectre, du petit modèle embarqué au système multi-agents ultra-complexe, tout en maintenant une licence permissive et en mettant l’accent sur l’efficacité énergétique, critère de plus en plus décisif.
Physical AI et robotique : l’horizon stratégique de Nvidia
Au-delà des annonces de décembre, plusieurs signaux montrent que Nvidia voit dans l’IA physique (robotique, véhicules autonomes, usines intelligentes) le prochain grand champ de bataille. Quelques jours avant ces révélations, l’entreprise avait déjà présenté Alpamayo-R1, un modèle de vision-langage spécialisé dans la recherche en conduite autonome.
Elle enrichit également son offre Cosmos (modèles de monde open source) avec de nouveaux workflows et guides destinés aux développeurs qui souhaitent créer des robots ou des systèmes physiques intelligents. Tout se passe comme si Nvidia cherchait à devenir le fournisseur de référence non seulement du hardware, mais aussi du cerveau logiciel open source de la prochaine génération de machines autonomes.
Pourquoi ce virage open source est loin d’être anodin
Derrière cette soudaine frénésie d’ouverture se cache une stratégie à plusieurs niveaux. D’abord, Nvidia cherche à verrouiller l’écosystème autour de son architecture CUDA. Plus il y aura de projets open source optimisés nativement pour ses GPU, plus il sera difficile pour les concurrents (AMD, Intel, Groq, startups chinoises…) de proposer une alternative viable.
Ensuite, en devenant un acteur majeur de l’open source IA, Nvidia espère attirer et fidéliser les meilleurs chercheurs et développeurs qui, souvent, préfèrent travailler sur des modèles dont ils peuvent inspecter et modifier le code.
Enfin, cette posture permet de répondre aux critiques récurrentes sur la fermeture de l’écosystème Nvidia tout en continuant de vendre des dizaines de milliers de GPU H200 et Blackwell à prix d’or aux hyperscalers et aux entreprises.
Les gagnants et les perdants potentiels de ce mouvement
Parmi les grands bénéficiaires : la communauté de la recherche qui dispose désormais de modèles performants et ouverts, les entreprises qui veulent éviter la dépendance totale à un fournisseur unique, et les startups qui peuvent s’appuyer sur des briques solides sans avoir à tout reconstruire.
Les perdants ? Probablement les acteurs qui espéraient que l’open source resterait le terrain de jeu des petits et des idéalistes. Avec l’entrée de Nvidia, le rapport de force change radicalement et la compétition va devenir encore plus féroce.
Vers une démocratisation contrôlée de l’IA puissante ?
La grande question que pose cette stratégie est finalement assez simple : Nvidia ouvre-t-elle vraiment la porte de l’IA de pointe à tous, ou construit-elle simplement un écosystème encore plus verrouillé autour de ses technologies ?
La réponse est probablement entre les deux. En rendant accessibles des modèles performants et des outils critiques comme Slurm, l’entreprise abaisse la barrière d’entrée. Mais en même temps, elle s’assure que l’immense majorité des développements les plus intéressants se fassent… sur ses puces.
Une chose est certaine : en ce début 2026, ignorer la stratégie open source de Nvidia serait une erreur stratégique majeure, que l’on soit chercheur, startup, grand groupe ou simple observateur du secteur. L’avenir de l’intelligence artificielle, physique ou non, se dessine de plus en plus en open source… mais avec un logo vert et noir bien visible.
Et vous, pensez-vous que cette vague d’ouverture est sincère ou constitue surtout un habile coup marketing ?