OpenAI et Anthropic Unissent l’Ère des Agents IA
Imaginez un monde où votre assistant IA chez OpenAI peut discuter sans effort avec celui d’Anthropic, où un agent développé chez Block récupère des données chez Google sans écrire une seule ligne de code d’intégration. Ce futur, que beaucoup croyaient réservé aux géants fermés, vient peut-être de prendre un virage radicalement ouvert.
Le 9 décembre 2025, la Linux Foundation a annoncé la création de l’Agentic AI Foundation (AAIF), un nouveau consortium dédié à la standardisation des agents intelligents. Et les premiers membres font tourner les têtes : OpenAI, Anthropic, Block, mais aussi AWS, Google, Cloudflare ou Bloomberg. Quand les rivaux historiques s’assoient à la même table, c’est que l’enjeu dépasse largement leurs petites guerres commerciales.
Pourquoi les géants de l’IA misent soudain sur l’open source
Depuis deux ans, le secteur parle moins de grands modèles de langage et davantage d’agents autonomes : ces systèmes capables non seulement de répondre, mais d’agir – réserver un billet, coder une application, analyser des millions de lignes de logs. Problème : chaque entreprise construit son propre écosystème fermé. Résultat ? Des silos incompatibles, des développeurs épuisés à créer des connecteurs sur mesure, et des entreprises coincées dans le vendor lock-in.
Jim Zemlin, directeur exécutif de la Linux Foundation, ne mâche pas ses mots :
« Nous refusons un futur de jardins clos où quelques plateformes contrôlent tout. L’objectif est clair : des standards ouverts pour que l’innovation reste distribuée. »
– Jim Zemlin, Linux Foundation
Les trois cadeaux qui lancent la machine
Pour prouver leur engagement, trois acteurs offrent dès le départ des briques fondamentales :
- Anthropic donne le Model Context Protocol (MCP) – un protocole universel pour connecter n’importe quel modèle à n’importe quel outil ou base de données.
- Block (ex-Square) open-source Goose, son framework d’agents utilisé en interne par des milliers d’ingénieurs chaque semaine.
- OpenAI apporte AGENTS.md, ce simple fichier texte qui indique aux IA comment se comporter dans un dépôt de code – l’équivalent d’un README pour agents.
Ces contributions ne sont pas anodines. Elles forment la plomberie de base d’un internet des agents : protocoles de communication, cadres d’exécution, règles de bonne conduite.
Goose : quand une fintech montre la voie
On connaissait Block pour Cash App et Square. On découvre aujourd’hui que l’entreprise a construit l’un des frameworks d’agents les plus avancés du marché – et qu’elle l’utilise déjà à très grande échelle.
Brad Axen, responsable IA chez Block, explique la stratégie :
« Open-sourcer Goose nous permet deux choses : bénéficier des contributions du monde entier et démontrer qu’une alternative ouverte peut rivaliser avec les solutions propriétaires les plus coûteuses. »
– Brad Axen, AI Tech Lead chez Block
En clair : même une entreprise du Fortune 500 préfère désormais la dynamique communautaire au contrôle total.
MCP : le protocole qui veut devenir le HTTP des agents
David Soria Parra, co-créateur du Model Context Protocol chez Anthropic, a une ambition simple mais immense :
« Un développeur doit pouvoir créer un outil une seule fois et le rendre immédiatement compatible avec Claude, GPT, Gemini ou n’importe quel autre modèle. C’est ça, le vrai décollage des agents. »
– David Soria Parra, Anthropic
En confiant MCP à la Linux Foundation, Anthropic renonce volontairement au contrôle pour maximiser l’adoption. Un pari risqué… ou visionnaire.
OpenAI change de philosophie
Il y a encore un an, OpenAI était perçue comme le champion des plateformes fermées. Voir l’entreprise contribuer à un standard ouvert marque un tournant.
Nick Cooper, ingénieur chez OpenAI, résume la nouvelle doctrine :
« Aucun acteur unique ne dominera les agents. Nous avons besoin de protocoles communs pour que des milliers d’agents différents négocient, collaborent et créent de la valeur ensemble. »
– Nick Cooper, OpenAI
Un modèle de gouvernance éprouvé
La Linux Foundation n’en est pas à son coup d’essai. Kubernetes, PyTorch, ou encore Node.js sont passés par ses fourneaux. Le principe est toujours le même :
- Financement par cotisations des membres
- Décisions techniques prises par des comités indépendants
- Aucun membre ne peut imposer sa roadmap
Jim Zemlin le répète : « L’argent ne donne pas le pouvoir. Le code et le mérite, oui. »
Les vrais enjeux derrière l’alliance
Derrière les beaux discours, trois batailles se jouent :
1. La course à la compatibilité
Le premier qui fait adopter massivement son protocole gagne une influence énorme, même s’il reste ouvert.
2. La sécurité à grande échelle
Des agents qui s’exécutent partout nécessitent des garde-fous communs. L’AAIF promet de travailler sur des « safety patterns » partagés.
3. L’indépendance européenne et asiatique
Des pays comme la France ou le Japon suivent l’initiative de près : un standard contrôlé par la Linux Foundation (et non par une entreprise américaine unique) est politiquement plus acceptable.
Ce que ça change pour vous demain
Pour les développeurs : fini les semaines passées à créer des adaptateurs propriétaires. Un agent écrit avec Goose pourra utiliser MCP pour appeler n’importe quel outil, quel que soit le modèle derrière.
Pour les entreprises : possibilité de déployer des flottes d’agents multi-fournisseurs sans risquer le lock-in. Un DSI rêve.
Pour les startups : accès à une infrastructure de niveau FAANG sans dépenser des millions.
En résumé, l’AAIF pourrait être à l’ère des agents ce que TCP/IP a été à Internet : la couche invisible qui a tout rendu possible.
Alors, assistons-nous à la naissance du véritable « agent web » ouvert ? Ou simplement à une belle opération de communication avant que les vrais standards propriétaires ne s’imposent ?
Une chose est sûre : pour la première fois depuis longtemps, les plus grands noms de l’IA parient ensemble sur l’ouverture. Et quand les géants s’alignent ainsi, c’est généralement que le paysage va profondément changer.
À suivre de très près.