
OpenSNP Ferme : Vie Privée et Autoritarisme en Cause
Imaginez un monde où partager votre ADN avec des scientifiques pourrait changer la recherche, mais aussi mettre votre vie privée en péril. Depuis 2011, openSNP a incarné ce rêve audacieux : une plateforme open source où des milliers d’utilisateurs téléchargeaient leurs données génétiques pour faire avancer la science. Aujourd’hui, ce projet ferme ses portes, invoquant des préoccupations croissantes sur la confidentialité et la montée des régimes autoritaires. Que s’est-il passé pour que cet idéal s’effondre ?
OpenSNP : Une Aventure Scientifique en Péril
Lancée il y a quatorze ans par Bastian Greshake Tzovaras et ses collègues, openSNP a permis à près de 13 000 personnes de contribuer à un immense réservoir de données génétiques. Ce n’était pas seulement un outil pour les curieux : la plateforme a soutenu des recherches universitaires et identifié plus de 7 500 génomes. Mais en avril 2025, tout s’arrête.
Pourquoi Fermer Maintenant ?
La décision n’a pas été prise à la légère. Selon Tzovaras, deux facteurs majeurs ont scellé le destin d’openSNP. D’abord, la faillite retentissante de **23andMe**, géant des tests génétiques, a semé la panique. Que deviendront les données des utilisateurs si elles tombent entre de mauvaises mains ? Ensuite, la montée de gouvernements autoritaires, notamment aux États-Unis, a transformé le paysage des risques.
« Le calcul risque/bénéfice de l’accès libre aux données génétiques en 2025 n’est plus le même qu’il y a 14 ans. »
– Bastian Greshake Tzovaras, co-fondateur d’openSNP
Tzovaras, originaire d’Allemagne, n’hésite pas à qualifier la situation américaine de « coup fasciste ». Les récentes arrestations dans des raids migratoires et la disparition de données publiques sous l’administration Trump ont renforcé ses craintes. Pour lui, le spectre d’une science détournée plane plus que jamais.
23andMe : Le Déclencheur d’une Crise de Confiance
La chute de 23andMe a été un électrochoc. Cette entreprise, qui promettait de démocratiser la génétique, s’est effondrée financièrement, laissant craindre une vente de ses précieuses bases de données. Les procureurs généraux de Californie et de New York ont même conseillé aux clients de supprimer leurs informations avant qu’elles ne soient cédées à des acheteurs inconnus.
Pour openSNP, ce scandale a ravivé une question essentielle : comment garantir la sécurité des données dans un monde où les promesses de confidentialité s’effritent ? Contrairement à 23andMe, openSNP n’a jamais été une entreprise commerciale, mais sa nature publique rendait les données vulnérables à d’autres menaces.
L’Ombre des Gouvernements Autoritaires
La montée des régimes autoritaires a ajouté une couche d’urgence. Aux États-Unis, l’arrivée au pouvoir de Trump en 2025 a coïncidé avec ce que Tzovaras appelle une « démantèlement systématique » des institutions scientifiques. Des données publiques ont été retirées des sites gouvernementaux, et les craintes d’une utilisation abusive des informations génétiques se sont amplifiées.
Et si ces données servaient à justifier des politiques discriminatoires ou à ressusciter une forme moderne d’*eugénisme* ? Pour Tzovaras, le risque est trop grand. Il évoque un équilibre fragile, maintenu pendant des années, qui s’est brisé face à ces nouvelles réalités.
Un Bilan Mitigé : Succès et Limites
Malgré sa fermeture, openSNP laisse un héritage impressionnant. Fonctionnant avec un budget modeste de 100 dollars par mois, la plateforme a défié les géants commerciaux. Elle a contribué à des publications scientifiques dans des domaines variés, de la cybersécurité à la biomédecine, tout en offrant aux étudiants un accès rare à des données réelles.
Pour résumer ses apports, voici quelques points clés :
- Près de 13 000 utilisateurs inscrits.
- Plus de 7 500 génomes identifiés.
- Un soutien à la recherche académique mondiale.
Pourtant, cet idéal de démocratisation a toujours flirté avec des risques. En 2018, par exemple, l’utilisation de données génétiques par la police via GEDmatch pour traquer un tueur en série avait soulevé des débats. OpenSNP, elle, n’a jamais été sollicitée par les forces de l’ordre, mais la menace planait.
Les Leçons d’un Rêve Open Source
Fermer openSNP, c’est aussi poser une question plus large : l’open source peut-il survivre dans un monde où la vie privée est en danger ? Tzovaras y voit une forme de victoire douce-amère. Pendant 14 ans, son projet a prouvé qu’une alternative aux mastodontes capitalistes était possible.
« Maintenir openSNP en vie pendant 14 ans est peut-être ma plus grande réussite. »
– Bastian Greshake Tzovaras
Ce succès s’accompagne d’une prise de conscience : la science ouverte doit s’adapter aux réalités politiques et éthiques. La suppression totale des données d’openSNP, prévue fin avril 2025, est un acte de responsabilité, mais aussi un aveu d’impuissance face à des forces plus grandes.
Vers un Avenir Incertain pour la Génétique Ouverte
Que reste-t-il de cette aventure ? La fermeture d’openSNP ne signe pas la fin de la génétique participative, mais elle marque une pause. Les startups et les chercheurs devront repenser leurs approches pour concilier transparence et sécurité. Dans un monde où les données sont à la fois un trésor et une bombe à retardement, cet équilibre reste à inventer.
Pour les utilisateurs d’openSNP, c’est une page qui se tourne. Pour la science, c’est un défi qui commence. Et pour nous tous, une question : jusqu’où sommes-nous prêts à partager nos secrets les plus intimes ?