Panels : L’application de MKBHD ferme ses portes
Imaginez : vous lancez une application soutenue par l’un des influenceurs tech les plus respectés au monde, 20 millions d’abonnés sur YouTube, un nom qui fait trembler les géants du secteur. Votre app grimpe immédiatement en tête des classements App Store et Play Store. Et pourtant, quinze mois plus tard, vous annoncez sa fermeture définitive. C’est exactement ce qui vient d’arriver à Panels, l’application de fonds d’écran premium créée par Marques Brownlee, plus connu sous le pseudo MKBHD.
Panels : quand même MKBHD ne parvient pas à faire payer les fonds d’écran
Le 1er décembre 2025, Marques Brownlee a publié une vidéo YouTube non répertoriée et un long billet de blog pour annoncer la nouvelle. Le ton est calme, presque résigné. Pas de drama, pas de larmes, juste une constatation lucide : le projet n’a pas trouvé son public payant et l’équipe de développement s’est désagrégée.
« Nous savions que c’était niche, mais nous avons fait des erreurs sur notre première application, et finalement, nous n’avons pas réussi à la transformer en la vision que j’avais. »
– Marques Brownlee, décembre 2025
Un concept pourtant séduisant sur le papier
L’idée était simple et maligne. À chaque review de smartphone, les commentaires YouTube de MKBHD débordent de la même question : « D’où vient ton fond d’écran ? » Google lui-même complète automatiquement « où MKBHD trouve ses wallpapers ». Le marché existait donc bel et bien : des milliers de fans prêts à copier le style épuré et artistique du créateur.
Panels proposait donc :
- Des wallpapers exclusifs créés par des artistes reconnus
- Une qualité 6K, parfaitement adaptée aux écrans Retina et OLED
- Une interface ultra-épurée, digne des standards MKBHD
- Un modèle d’abonnement clair : 12 €/mois ou 50 €/an, avec reversement d’une partie aux artistes
Sur le papier, tout était aligné. Dans la réalité, les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Les chiffres qui font mal
Selon Appfigures, Panels a cumulé environ 900 000 téléchargements toutes plateformes confondues et seulement 95 000 dollars de recettes nettes. En novembre 2025, l’application n’a généré que 3 000 téléchargements et… 500 dollars de chiffre d’affaires. Autant dire que le modèle économique était en apnée depuis plusieurs mois.
Pour comparaison, une application gratuite de wallpapers comme Walli ou Backdrops génère plusieurs centaines de milliers de dollars par mois grâce à la publicité et aux achats intégrés optionnels. Le public est là. Mais il ne veut simplement pas payer 50 € par an pour des images, aussi belles soient-elles.
Les erreurs stratégiques qui ont coulé le projet
Plusieurs facteurs ont joué contre Panels, et MKBHD les reconnaît lui-même avec une honnêteté rare dans le milieu tech.
1. Un positionnement trop premium dès le départ
Contrairement à la plupart des apps à succès (Notion, Figma, Superhuman…), Panels n’a jamais proposé de version gratuite significative. Quelques wallpapers offerts, mais l’essentiel était verrouillé derrière l’abonnement. Dans un domaine où Pinterest, Unsplash et même Google Images offrent des millions d’images gratuites, c’était un pari très risqué.
2. Une équipe de développement instable
Marques Brownlee l’admet sans détour : « la composition de l’équipe de développement a changé ». Traduction : les développeurs initiaux sont partis, et trouver des remplaçants motivés pour un projet de niche s’est révélé impossible.
3. Aucun pivot possible
Lorsque les premiers signaux faibles sont apparus (faible taux de conversion, churn élevé), l’équipe n’a pas su ou pu pivoter vers un modèle freemium ou publicitaire. Trop tard, trop rigide.
Ce que l’échec de Panels nous apprend sur les apps d’influenceurs
Ces dernières années, de nombreux créateurs ont tenté l’aventure entrepreneuriale : MrBeast Burger, Logan Paul avec Prime, Emma Chamberlain avec Chamberlain Coffee… Les résultats sont mitigés. Quand le produit est physique et bénéficie d’un marketing viral massif, ça peut marcher. Quand il s’agit d’une app payante dans un domaine ultra-concurrentiel et habitué à la gratuité, c’est une tout autre histoire.
Panels rejoint ainsi la longue liste des projets ambitieux portés par des influenceurs qui n’ont pas survécu :
- Quidd (stickers et NFT) – fermé
- Cameo for Business – abandonné
- Verizon Media Screen (app de news) – arrêtée
- Et maintenant Panels
La leçon est cruelle mais claire : la notoriété ne suffit pas. Même avec 20 millions d’abonnés ultra-engagés, transformer l’attention en revenus récurrents reste un défi colossal quand le produit ne résout pas un problème douloureux ou n’apporte pas une valeur perçue dix fois supérieure au prix demandé.
Un épilogue plutôt classe
Contrairement à certaines startups qui disparaissent dans l’indifférence ou avec des dettes, Panels s’arrête en beauté. Tous les abonnés annuels seront intégralement remboursés (ou peuvent l’être dès maintenant via un formulaire). L’ensemble des données utilisateurs sera supprimé. Et surtout, le code source de l’application sera open sourcé début 2026.
C’est une démarche rare et respectable. Plutôt que de laisser pourrir un projet mort, MKBHD offre une seconde vie potentielle à son travail. Peut-être qu’un développeur passionné reprendra le flambeau et transformera Panels en quelque chose de viable sous une autre forme.
Et maintenant ?
Marques Brownlee a déjà annoncé qu’il continuerait à partager ses fonds d’écran personnels gratuitement sur son site et via ses réseaux. Il n’abandonne pas l’idée de créer des produits un jour, mais la prochaine fois, il sait qu’il devra viser plus large ou proposer une valeur bien plus évidente.
Pour le reste d’entre nous, l’histoire Panels est un rappel salutaire rappel : dans le monde des apps mobiles en 2025, la gratuité reste reine. Et même les rois du contenu tech ne font pas exception à la règle.
Panels fermera définitivement ses portes le 31 décembre 2025. Une belle aventure qui s’arrête, mais qui aura au moins eu le mérite d’essayer quelque chose de différent.