Papeterie Saint-Michel : La fin d’une aventure industrielle
C'est un nouveau coup dur pour l'industrie papetière française. La Papeterie Saint-Michel, située à Saint-Michel en Charente, a définitivement fermé ses portes le 3 octobre dernier, après plusieurs mois de lutte pour sa survie. Retour sur l'histoire mouvementée de cette PME, victime de la crise énergétique et de la chute des prix du papier malgré les efforts d'innovation et de diversification de ses dirigeants.
Un acteur historique de l'emballage en Charente
Fondée en 1988, la Papeterie Saint-Michel était spécialisée dans la fabrication de papiers pour ondulé (PPO) destinés à la production d'emballages en carton ondulé. Avec une capacité de 75 000 tonnes par an et une soixantaine de salariés, l'usine alimentait notamment le site voisin de Gatineau-Thiollet à Châteaubernard, qui fournit des emballages à la verrerie Verallia.
Mais la conjoncture économique des dernières années a fragilisé l'entreprise. Maxime Thiollet, actuel président du Medef Charente, avait repris le site en 2011 après une première liquidation. Il avait misé sur une stratégie d'intégration verticale en rachetant une unité de recyclage de papiers et cartons à Nercillac. L'objectif était de sécuriser les approvisionnements en matières premières issues du recyclage pour alimenter la production de PPO.
L'énergie et les prix du papier, facteurs de la chute
Mais deux éléments ont précipité la chute de la Papeterie Saint-Michel : l'envolée des coûts de l'énergie et l'effondrement des prix du papier. Malgré l'arrêt d'une des deux machines à papier en 2022, la trésorerie s'est retrouvée à sec. Un placement en redressement judiciaire en avril 2024 n'a pas suffi à redresser la barre, faute de repreneur.
« Nous n'avions plus de trésorerie »
résume Maxime Thiollet, impuissant face à la situation.
Un coup dur pour la filière locale du carton ondulé
Cette fermeture fragilise tout l'écosystème local des fabricants d'emballages en carton ondulé, qui devront s'approvisionner ailleurs en PPO. Elle intervient 3 ans après la cession de l'unité de recyclage du groupe à Paprec.
Au-delà du symbole de la désindustrialisation, c'est un nouveau coup porté aux efforts de relocalisation et de structuration de filières intégrées allant de la matière première au produit fini. La Papeterie Saint-Michel avait pourtant des atouts :
- Des investissements réguliers dans la modernisation de l'outil industriel
- Une démarche d'économie circulaire avec l'utilisation de matières recyclées
- La volonté de proposer des emballages plus légers et faciles à recycler
Mais cela n'a pas suffi face aux vents contraires du marché et à la pression sur les coûts. Une situation malheureusement emblématique des défis rencontrés par de nombreuses PME industrielles françaises, prises en tenaille entre des impératifs de compétitivité, de transition écologique et de création de valeur locale.
Quelles leçons en tirer ?
Au-delà du cas de la Papeterie Saint-Michel, cette fermeture invite à une réflexion plus large sur les conditions de pérennité de notre tissu industriel :
- Comment mieux accompagner les PME face aux chocs exogènes (prix de l'énergie, matières premières...) ?
- Quels dispositifs pour soutenir l'investissement dans la transition écologique et l'innovation ?
- Comment favoriser l'émergence de champions industriels de taille intermédiaire, plus résilients ?
Autant de questions stratégiques à intégrer dans la politique de réindustrialisation du pays. Car derrière chaque fermeture d'usine, ce sont des savoir-faire, des emplois et un peu de notre souveraineté économique qui disparaissent. Un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre à l'heure des grands défis écologiques et géopolitiques.