Patrick Searle Nommé CEO du CCI Face à 2026
Et si 2026 devenait l’année où le Canada tech décide enfin de ne plus subir ?
Cette semaine, le Council of Canadian Innovators (CCI) a annoncé une passation de pouvoir symbolique : Patrick Searle, jusqu’ici vice-président des affaires corporatives, succède à Benjamin Bergen au poste de CEO dès janvier. Un changement au sommet qui tombe au pire (ou au meilleur) moment : alors que les États-Unis affichent sans complexe leur volonté de restaurer leur « prééminence technologique » dans l’hémisphère occidental.
Un nouveau capitaine pour temps orageux
Patrick Searle n’est pas un inconnu dans le paysage tech canadien. Arrivé au CCI en 2017, il a bâti de l’intérieur la machine de communication et d’influence de l’organisation. Il a notamment piloté le très respecté Innovation Governance Program qui a formé près de 1 200 administrateurs et organisé les sommets annuels des CEO. Des références solides pour prendre la barre.
À ses côtés, Dana O’Born, actuelle vice-présidente stratégie et plaidoyer, devient chief strategy officer. Un duo complémentaire : Searle à la gestion corporate, O’Born à l’offensive politique. « C’est l’harmonie parfaite de nos objectifs », confie le nouveau CEO.
« Il est le meilleur pour le job. Avec Dana, ils forment un vrai one-two punch. »
– Jim Balsillie, co-président du CCI et ex-co-CEO de BlackBerry
Pourquoi ce changement tombe à pic
Depuis l’élection de Donald Trump et la publication de la nouvelle National Security Strategy américaine, le ton a changé. Le document évoque ouvertement le retour de la « prééminence américaine dans l’hémisphère occidental » et fait du soutien massif aux entreprises tech américaines un pilier stratégique.
Pour Jim Balsillie, c’est une claque nécessaire : « Cela impose une réorientation majeure des priorités canadiennes. » Traduction : le temps où Ottawa finançait généreusement des filiales de géants étrangers tout en laissant nos champions nationaux se débrouiller est révolu.
Patrick Searle enfonce le clou :
« Nous voulons que le gouvernement réponde avec une stratégie ancrée dans le réalisme du monde dans lequel on vit. Il faut qu’on sache enfin ce que le Canada considère comme son intérêt national. »
– Patrick Searle, CEO entrant du CCI
Les trois fronts chauds de 2026
Le nouveau CEO identifie clairement les batailles à venir. Et elles sont nombreuses.
- La défense à double usage : avec les milliards promis en dépenses militaires, les entreprises tech canadiennes veulent leur part du gâteau, notamment via les technologies duales (civil/militaire).
- La renégociation du CUSMA : l’accord Canada–États-Unis–Mexique arrive à échéance en 2026. Une occasion unique de corriger les déséquilibres.
- L’accès au capital : malgré les fonds publics records, trop d’argent finit encore chez des filiales étrangères ou fuit vers la Silicon Valley.
Objectif affiché : faire « lien de bras » entre les 175 entreprises membres pour parler d’une seule voix au gouvernement.
Le CCI, seul défenseur des HQ canadiens
Ce qui distingue le CCI des autres associations (Technation, Business Council of Canada, etc.) ? Il ne représente que des entreprises dont le siège social est au Canada. Pas de filiales de multinationales. Un positionnement parfois isolé par le passé, mais qui trouve aujourd’hui un écho national.
« On a souvent été les trouble-fête de la garden party », sourit Searle. « Mais aujourd’hui, nos alertes sur le financement des géants étrangers sont reprises par tout le monde. »
Preuve que le vent tourne : le lancement récent de Canadian SHIELD (think tank) et de Signa Strategies (lobbying for-profit) montre que le CCI passe à la vitesse supérieure.
Et après ? Une organisation qui grandit
Jim Balsillie l’affirme sans détour : « Vous allez voir le CCI grossir. » De plus en plus d’entreprises, même hors du pur tech, veulent rejoindre le mouvement. « Aujourd’hui, toute entreprise est une entreprise tech », ajoute-t-il.
Au programme : élargir les programmes d’accompagnement (comme le readiness defence procurement), attirer de nouveaux profils, renforcer la voix des scale-ups canadiennes à l’international.
Le départ de Benjamin Bergen vers la CVCA (association du capital-risque) n’est d’ailleurs pas vu comme une perte, mais comme une extension du réseau d’influence. « C’est une étape clé pour renforcer le pilier accès au capital », explique Balsillie.
Un réveil national salutaire ?
Ce qui frappe dans cette transition, c’est le sentiment d’urgence partagé. Plus question de se cacher derrière la proximité géographique avec les États-Unis. Le protectionnisme agressif de Washington agit comme un électrochoc.
Le Canada a les talents, les universités, les idées. Mais il lui manque encore une vision stratégique claire et assumée de ses intérêts technologiques. Le CCI, sous Patrick Searle, veut être le fer de lance de cette prise de conscience.
2026 s’annonce turbulent, oui. Mais peut-être aussi fondateur.
Parce qu’enfin, le débat sur la souveraineté technologique canadienne n’est plus confiné aux cercles d’initiés. Il est devenu mainstream. Et c’est probablement la meilleure nouvelle qu’on pouvait espérer.