
Payfare défend l’acquisition par Fiserv malgré l’opposition
Le processeur de paiements torontois Payfare se retrouve au cœur d'une controverse alors qu'il tente de faire approuver par ses actionnaires son projet d'acquisition par le géant américain de la fintech Fiserv. Kingsferry Capital Management, un actionnaire minoritaire détenant environ 10,6% de Payfare, appelle les autres détenteurs d'actions à rejeter l'accord, estimant que l'entreprise est largement sous-évaluée.
Une prime d'acquisition de 90% remise en question
Annoncé fin décembre, l'accord prévoit le rachat de Payfare par Fiserv pour 201,5 millions de dollars canadiens, soit 4$ CA par action. Cela représente une prime de 90% par rapport au cours de clôture avant l'annonce. Mais pour Kingsferry, il s'agit d'une sous-évaluation significative basée sur un "cours profondément en détresse", bien en-deçà de la valeur intrinsèque de Payfare.
Le fonds d'investissement remet aussi en cause l'exclusion par Payfare de certaines opportunités préalablement évoquées des prévisions financières justifiant l'acquisition, ainsi que la non prise en compte de toutes les synergies pouvant bénéficier à Fiserv, comme son système de détection des fraudes.
Payfare réfute les allégations point par point
Dans un communiqué, Payfare réaffirme que la prime de 90% surpasse la médiane et la moyenne des transactions comparables des 5 dernières années. La société souligne que Kingsferry n'avait jamais soulevé d'objections pendant le processus de revue stratégique et que l'accord tient compte des éléments que le fonds prétend omis.
Le conseil d'administration a considéré les risques liés à la réalisation du plan autonome de Payfare, y compris les opportunités du pipeline, et a déterminé que la transaction avec Fiserv offre une certitude face aux facteurs de risque baissiers liés à la réalisation de ce plan.
– Extrait du communiqué de Payfare
Des conflits d'intérêts en question
Kingsferry évoque aussi de possibles conflits d'intérêts au sein du CA de Payfare liés à des attributions d'actions, indemnités de départ, remises de dettes et contrats d'emploi lucratifs, sans plus de précisions. Le fonds s'interroge notamment sur le timing d'octroi de plus d'un million d'actions à "certains initiés" juste avant la réception d'une offre initiale de Fiserv en novembre.
En réponse, Payfare cible Hugo Chan, le cofondateur de Kingsferry et ex-administrateur de Payfare, l'accusant d'avoir lui-même approuvé de telles attributions pendant son mandat.
Ironiquement, M. Chan, lors de son passage au conseil d'administration de Payfare, a voté en faveur de nombre des accords de rémunération ordinaires pour le CA et les dirigeants qu'il critique aujourd'hui, lesquels ont tous été divulgués publiquement aux investisseurs.
– Extrait du communiqué de Payfare
Payfare souligne que Kingsferry et M. Chan "n'ont proposé aucun plan alternatif ni offre supérieure". Un vote crucial des actionnaires est prévu le 21 février pour décider du sort de cette acquisition très discutée dans l'industrie fintech canadienne.
Les enjeux de l'acquisition pour Payfare et Fiserv
Pour Payfare, un fournisseur de solutions de paiement pour l'économie des petits boulots, cette acquisition intervient alors que son cours de Bourse était tombé à un plus bas historique. Un revers lié notamment à la perte fin 2024 de son plus gros client, DoorDash, passé dans le giron de… Fiserv, qui se renforcerait donc dans ce segment en mettant la main sur son concurrent canadien.
Si l'offre de Fiserv peut représenter une bouée de sauvetage pour Payfare dans un contexte difficile, elle reste controversée. Outre les doutes de Kingsferry sur la valorisation, des questions se posent sur l'avenir de la technologie développée par Payfare au sein du groupe Fiserv et sur le sort de ses employés canadiens. Sans parler des inquiétudes sur une consolidation accrue du secteur des paiements dématérialisés entre les mains de quelques poids lourds américains.
Autant d'interrogations qui devraient animer les débats entre actionnaires de Payfare dans les jours précédant le vote décisif du 21 février. L'issue de ce scrutin sera scrutée de près par l'ensemble de l'écosystème fintech canadien.