Peintures décoratives : BASF cède sa division au Brésil
Avez-vous déjà peint vos murs en imaginant que derrière chaque couleur se cache une bataille stratégique entre géants industriels ? Le 20 février 2025, BASF, titan allemand de la chimie, a surpris le marché en annonçant la vente de sa division brésilienne de peintures décoratives à Sherwin-Williams pour 1,15 milliard de dollars. Une décision qui ne passe pas inaperçue et soulève des questions : pourquoi abandonner une activité florissante dans un marché aussi dynamique que le Brésil ? Plongeons dans les coulisses de cette opération qui redessine les contours de l’industrie chimique.
Un Tournant Stratégique pour BASF
L’annonce de cette cession marque un virage pour BASF, habitué à dominer le secteur de la chimie mondiale. Mais pourquoi se séparer d’une division qui génère 525 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2024 ? La réponse réside dans une stratégie de recentrage. Cette activité, unique segment B2C du groupe, ne s’aligne pas pleinement avec ses autres divisions, plus tournées vers le B2B.
Concrètement, BASF souhaite optimiser son portefeuille. La division des peintures décoratives brésiliennes, bien qu’elle brille par ses marques emblématiques comme *Suvinil* et *Glasu!*, reste une exception dans un empire focalisé sur des solutions industrielles. Cette vente, prévue pour le second semestre 2025 sous réserve d’approbation antitrust, illustre une volonté de se concentrer sur des synergies plus fortes.
Suvinil et Glasu! : des joyaux brésiliens
Parlons peu, parlons bien : *Suvinil* n’est pas une simple peinture. Avec plus de 60 ans de présence au Brésil, elle s’est imposée comme une icône nationale. Disponible en plus de 1 700 teintes, elle séduit autant les particuliers que les professionnels grâce à ses propriétés innovantes : anti-moisissure, résistance aux intempéries, protection antibactérienne. Quant à *Glasu!*, elle complète cette offre avec une touche de robustesse.
Ces deux marques, produites dans les usines de Demarchi (São Paulo) et Jaboatão (Pernambouc), incarnent un savoir-faire local. Elles emploient environ 1 000 personnes, un atout que Sherwin-Williams compte bien exploiter pour renforcer sa présence en Amérique latine.
« Suvinil est bien connue et très appréciée des prescripteurs et des acheteurs de toute la chaîne de valeur. »
– Heidi G. Petz, présidente de Sherwin-Williams
Sherwin-Williams : un pari sur l’Amérique latine
Pour Sherwin-Williams, cette acquisition n’est pas un coup de tête. Le géant américain, spécialiste des matériaux de construction, voit dans cette opération une opportunité de consolider sa position sur un marché en pleine croissance. Le Brésil, avec son dynamisme économique et sa population friande de rénovation, représente un terrain fertile pour les peintures décoratives.
En intégrant *Suvinil* et *Glasu!* à son portefeuille, Sherwin-Williams s’offre une porte d’entrée privilégiée auprès des consommateurs brésiliens. Mais ce n’est pas tout : cette acquisition s’inscrit dans une stratégie globale de diversification, avec un accent mis sur des produits durables et innovants.
Une opération aux multiples facettes
Derrière les chiffres – 1,15 milliard de dollars, 1 000 employés, deux usines – se cache une transaction complexe. BASF ne se contente pas de vendre une activité : il cède un écosystème complet, incluant des solutions numériques et des produits de préparation avant peinture. Ces éléments, souvent sous-estimés, sont pourtant cruciaux pour fidéliser une clientèle variée, des peintres aux architectes.
Pour mieux comprendre l’ampleur de cette cession, voici les principaux atouts transférés :
- Deux sites de production stratégiquement situés.
- Des marques établies avec une forte notoriété locale.
- Une équipe de 1 000 employés expérimentés.
Cette combinaison fait de l’opération un modèle de transfert industriel bien pensé, autant pour le vendeur que pour l’acheteur.
Pourquoi le Brésil ? Un marché à part
Le choix du Brésil comme théâtre de cette transaction n’est pas anodin. Ce pays, cinquième plus grand au monde par sa superficie et sa population, offre un marché immobilier en expansion. Les peintures décoratives y sont un secteur clé, porté par une classe moyenne croissante et une culture de la personnalisation des espaces.
Pour BASF, cette division était presque un OVNI : isolée géographiquement et stratégiquement de ses autres activités de revêtements. En la cédant, le groupe allemand fait le pari de se recentrer sur des segments à plus forte valeur ajoutée, comme les revêtements automobiles ou le traitement de surface.
Un avenir incertain pour les revêtements chez BASF
Cette vente n’est pas une fin en soi. BASF a d’ores et déjà annoncé poursuivre l’examen de son portefeuille Coatings. Traduction ? D’autres cessions pourraient suivre. Les regards se tournent vers les revêtements automobiles ou les finitions industrielles, des secteurs où la concurrence est rude et les marges parfois serrées.
Pour les observateurs, ce mouvement reflète une tendance plus large dans l’industrie chimique : se concentrer sur des niches à forte technicité. Mais cela soulève une question : BASF saura-t-il rester un leader en se délestant de pans entiers de son activité ?
Chimie verte et transition écologique : un lien à explorer
Si cette opération semble purement stratégique, elle s’inscrit dans un contexte plus vaste : celui de la **transition écologique**. Les peintures *Suvinil* et *Glasu!* sont à base aqueuse, un choix qui réduit l’impact environnemental par rapport aux solvants traditionnels. Sherwin-Williams pourrait capitaliser sur cet aspect pour renforcer son image écoresponsable.
Pour BASF, cette cession pourrait aussi libérer des ressources pour investir dans des innovations durables. Le groupe allemand est déjà engagé dans la **chimie verte**, et cette vente pourrait accélérer ses ambitions dans ce domaine.
Les gagnants et les perdants de l’opération
Qui sort vainqueur de ce deal ? Sur le papier, tout le monde. BASF gagne en clarté stratégique et libère des fonds pour d’autres projets. Sherwin-Williams, lui, s’offre une place de choix sur un marché prometteur. Mais quid des employés et des consommateurs brésiliens ?
Pour les 1 000 salariés concernés, le passage sous pavillon américain pourrait signifier de nouvelles opportunités, mais aussi des incertitudes. Quant aux clients, ils continueront d’acheter *Suvinil* et *Glasu!*, mais sous une nouvelle gouvernance.
Un précédent pour l’industrie chimique ?
Cette transaction pourrait inspirer d’autres géants du secteur. Dans un monde où les fusions-acquisitions redessinent constamment les frontières industrielles, BASF et Sherwin-Williams montrent qu’une cession bien calibrée peut être une opportunité mutuelle. Reste à voir si d’autres suivront cet exemple.
En attendant, l’industrie chimique brésilienne entre dans une nouvelle ère. Entre tradition et modernité, cette opération illustre parfaitement la dynamique des startups et des grands groupes dans un secteur en pleine mutation.