
Petfood : Les Défis de l’Exportation en France
Savez-vous que la France, championne européenne du petfood, voit ses exportations reculer malgré un marché local florissant ? Derrière les croquettes savoureuses de nos compagnons à quatre pattes se cache une industrie agroalimentaire complexe, confrontée à des défis majeurs : concurrence étrangère, approvisionnements incertains et recherche de nouvelles protéines. Plongeons dans cet univers où innovation et stratégie redessinent l’avenir des leaders comme Mars Petcare, Nestlé Purina ou la jeune pousse Ultra Premium Direct.
Une Industrie Dynamique Face à des Vents Contraires
Le secteur du petfood en France est un mastodonte discret. Avec un chiffre d’affaires de 5,5 milliards d’euros en 2024, il affiche une croissance de 4,7 % malgré une légère baisse de production, passant de 2 millions de tonnes en 2021 à 1,85 million en 2024. Ce paradoxe s’explique par un marché intérieur robuste, porté par une demande croissante pour des produits premium et personnalisés.
Les Français chouchoutent leurs animaux : 61 % des foyers possèdent un chien ou un chat, soit 26,4 millions d’animaux domestiques. Ce lien affectif, où l’animal devient un membre de la famille, dope les ventes d’aliments spécialisés. Mais si le marché local reste stable, l’exportation, qui représente la moitié de la production, montre des signes d’essoufflement.
Les Défis de l’Exportation : Une Concurrence Aiguë
Historiquement, la France exporte massivement ses croquettes, notamment en Europe, qui absorbe les deux tiers de ses volumes. Pourtant, 2023 et 2024 ont marqué un tournant : les exportations ont chuté de 13 % en volume en 2023, puis de 2 % en 2024, selon FranceAgriMer. Cette baisse, couplée à une réduction de la valeur commerciale, a ramené la balance commerciale du secteur sous le milliard d’euros.
« L’Allemagne et la Pologne deviennent des concurrents redoutables, avec des coûts de production souvent plus bas. »
– Benoît Samarcq, directeur d’études chez Xerfi
Le Japon, autrefois grand importateur, se tourne vers des fournisseurs asiatiques, tandis que la Russie, jadis un marché clé, s’est fermée depuis 2022. En Europe, l’Allemagne, avec une valeur de production de 2,6 milliards d’euros, talonne la France (2,8 milliards). Les acteurs français, comme Ultra Premium Direct, peinent à s’imposer sur des marchés comme l’Allemagne, où la compétition est féroce.
Investissements Massifs pour Rester dans la Course
Face à ces défis, les industriels ne restent pas les pattes croisées. Mars Petcare, maison mère de Royal Canin et Whiskas, a injecté 79 millions d’euros en 2025 dans ses usines françaises, après des investissements conséquents les années précédentes. Nestlé Purina, leader avec 28,4 % de part de marché en France, a consacré 300 millions d’euros entre 2020 et 2024 pour moderniser ses sites.
Ces investissements répondent à plusieurs enjeux. D’abord, la crise énergétique a poussé les fabricants à optimiser leurs processus, souvent gourmands en énergie. Ensuite, la segmentation du marché, avec des croquettes sur mesure ou bio, exige des lignes de production plus flexibles. Enfin, la logistique, avec la position centrale de la France en Europe, reste un atout clé.
« La France est un hub stratégique pour devenir le leader européen du petfood. »
– Isabelle Taillandier, directrice générale de Nestlé Purina Petcare Europe
La Bataille des Matières Premières
Un autre obstacle majeur réside dans l’approvisionnement en matières premières. En France, 54 % des intrants agricoles des usines de petfood sont locaux, notamment grâce à des acteurs comme Akiolis, qui transforme 600 000 tonnes de coproduits d’abattoirs par an. Mais la réduction du cheptel et la fermeture d’abattoirs compliquent la donne.
La concurrence avec d’autres secteurs, comme la méthanisation ou les agrocarburants, s’intensifie. Ces industries convoitent les mêmes graisses animales, essentielles pour le petfood. Akiolis, par exemple, voit 60 % de son activité dédiée au petfood, mais les biodiesels gagnent du terrain, comme l’explique Gilles Cogny, son directeur général.
L’Innovation au Cœur de la Relance
Pour contrer ces défis, les industriels misent sur l’innovation. Mars et Nestlé explorent les protéines alternatives, comme les insectes ou les végétaux, pour réduire leur dépendance aux protéines animales. Royal Canin, par exemple, investit 32 millions d’euros dans un projet pilote dans le Gard pour développer des recettes à base de protéines végétales.
Ultra Premium Direct, une startup française, se distingue par son modèle de vente directe, sans intermédiaires. Basée à Estillac, elle agrandit son usine pour répondre à une demande croissante, notamment pour ses croquettes personnalisées. Ce positionnement disruptif lui permet de concurrencer les géants sur le marché hexagonal, mais l’export reste un défi.
Une Base Industrielle Solide
La France compte 39 usines dédiées au petfood, employant 7 850 personnes, dont 2 500 chez Nestlé. Des sites comme celui de Marconnelle (Pas-de-Calais), avec une capacité de 275 000 tonnes, illustrent la puissance industrielle du secteur. Des acteurs locaux, comme Normandise dans le Calvados, brillent aussi à l’export avec un chiffre d’affaires de 180 millions d’euros.
Voici les forces du secteur en France :
- Savoir-faire reconnu et main-d’œuvre qualifiée.
- Position géographique stratégique en Europe.
- Investissements massifs dans la modernisation.
Vers un Avenir Plus Vert ?
Le petfood français doit aussi répondre aux attentes environnementales. La transition écologique pousse les fabricants à réduire leur empreinte carbone. L’énergie décarbonée, un atout français, est un levier, mais l’approvisionnement en matières premières reste un frein. Les protéines alternatives pourraient être une solution, mais leur adoption à grande échelle prendra du temps.
En parallèle, les consommateurs demandent des produits plus durables. Les croquettes bio ou à base d’insectes gagnent en popularité, bien que leur part de marché reste marginale. Les industriels, comme Mars, testent des emballages recyclables pour répondre à ces attentes.
Un Secteur en Mutation
Le petfood français est à un tournant. Malgré une production en léger recul, les investissements et l’innovation laissent présager un avenir prometteur. Mais pour conserver leur leadership, les acteurs doivent relever plusieurs défis :
- Reconquérir les marchés internationaux face à la concurrence.
- Sécuriser les approvisionnements en matières premières.
- Accélérer la transition vers des protéines durables.
La France reste un acteur clé, portée par des géants comme Nestlé et Mars, mais aussi par des startups audacieuses comme Ultra Premium Direct. Leur capacité à innover et à s’adapter déterminera leur succès sur la scène mondiale.
Le petfood, bien plus qu’une simple industrie, reflète les évolutions de notre société : amour pour les animaux, quête de durabilité et recherche d’excellence. Les rois de la croquette sauront-ils relever le défi de l’exportation ? L’avenir nous le dira.