Plaintes contre Meta pour l’utilisation de données dans l’IA
Les géants du web ont-ils le droit d'utiliser nos données personnelles pour entraîner leurs algorithmes d'intelligence artificielle ? C'est la question brûlante que soulèvent les 11 plaintes déposées ce jeudi contre Meta, ex-Facebook. Le groupe américain est accusé d'avoir changé subrepticement sa politique de confidentialité pour se servir des archives de messages, photos et données de navigation de ses utilisateurs afin de nourrir sa technologie d'IA. Une pratique qui pourrait bien aller à l'encontre des règles de protection de la vie privée en Europe.
Une politique de confidentialité remise en cause
C'est l'association autrichienne NOYB (None Of Your Business), spécialisée dans la défense des données personnelles, qui est montée au créneau. Elle appelle les autorités nationales de protection de la vie privée à intervenir d'urgence contre les récentes modifications de la charte d'utilisation de Meta. Selon NOYB :
Les changements permettraient à Meta d'exploiter des années d'historique de messages privés, photos et données de suivi en ligne pour sa technologie d'intelligence artificielle générative et d'autres outils d'IA, potentiellement partagés avec des tiers.
Meta prévoit de faire entrer en vigueur ces modifications le 26 juin prochain. Le groupe invoque un « intérêt légitime » à exploiter les données de ses utilisateurs pour développer ses modèles d'IA. Un argument balayé par Max Schrems, fondateur de NOYB :
La Cour de justice de l'Union européenne a déjà clairement indiqué que Meta n'avait pas d''intérêt légitime' à passer outre le droit des utilisateurs à la protection des données lorsqu'il s'agit de publicité. Pourtant, l'entreprise tente d'utiliser les mêmes arguments pour former une 'technologie d'IA' non définie.
Max Schrems, fondateur de NOYB
Des plaintes dans 11 pays européens
NOYB a saisi les autorités de protection des données personnelles de pas moins de 11 pays européens :
- Autriche
- Belgique
- France
- Allemagne
- Grèce
- Italie
- Irlande
- Pays-Bas
- Norvège
- Pologne
- Espagne
L'association demande le lancement d'une procédure d'urgence au vu de l'imminence de l'entrée en vigueur des nouvelles conditions d'utilisation. Elle souligne également que l'option de retrait proposée par Meta est « extrêmement compliquée à exercer pour les utilisateurs ».
Un nouveau bras de fer juridique en vue
Meta n'en est pas à son premier contentieux avec la justice européenne sur la question des données personnelles. En 2021, la Cour de justice de l'Union européenne avait déjà jugé que le géant américain ne pouvait pas utiliser l'« intérêt légitime » comme base légale pour le ciblage publicitaire sans recueillir le consentement des internautes.
Pour Max Schrems, Meta « ignore une fois de plus de manière flagrante les arrêts de la CJUE » avec ses nouvelles conditions d'utilisation. De son côté, le groupe de Mark Zuckerberg estime probablement avoir cette fois de meilleurs arguments juridiques pour justifier l'exploitation des données au nom du développement de l'intelligence artificielle. Un enjeu stratégique majeur, alors que la course à l'IA générative fait rage dans la tech.
Ces plaintes interviennent alors que l'Europe planche actuellement sur une régulation spécifique de l'intelligence artificielle (AI Act). Les modalités d'utilisation des données personnelles pour entraîner les modèles d'IA sont l'un des points les plus controversés du futur règlement. Meta, comme les autres géants de la tech, bataille pour ne pas se voir imposer trop de contraintes. Affaire à suivre.
