Polémique Autour de la Reconnaissance Faciale dans les Écoles Anglaises
Imaginez que votre enfant se rende à la cantine de son école et qu'au lieu de payer avec de l'argent ou une carte, son visage soit scanné pour autoriser le paiement. C'est ce qui s'est passé récemment dans une école anglaise, déclenchant une vive polémique sur l'utilisation de la reconnaissance faciale dans le milieu scolaire et relançant le débat sur la protection de la vie privée.
Une technologie controversée fait son entrée à l'école
L'école secondaire Chelmer Valley, située à Chelmsford dans l'Essex, a introduit en mars 2023 un système de reconnaissance faciale pour gérer les paiements des repas à la cantine, en remplacement de la prise d'empreintes digitales utilisée depuis 2016. Fournie par la société CRB Cunninghams, cette technologie devait fluidifier le passage en caisse.
Mais l'établissement n'avait pas mesuré les implications en termes de protection des données personnelles, particulièrement sensible lorsqu'il s'agit de mineurs. Comme l'a pointé le régulateur britannique, l'ICO (Information Commissioner's Office), l'école aurait dû mener une analyse d'impact préalable et surtout obtenir un consentement explicite des élèves et de leurs parents pour scanner leurs visages.
Un consentement obligatoire
En effet, la reconnaissance faciale est considérée comme un traitement de données biométriques, soumis à des règles strictes au Royaume-Uni comme dans l'Union Européenne. Le RGPD impose un consentement libre, spécifique et éclairé de la personne concernée. Dans le cas des élèves de plus de 13 ans, ces derniers doivent pouvoir exercer eux-mêmes ce droit.
Gérer correctement les informations des individus dans un contexte de cantine scolaire est aussi important que la gestion de la nourriture elle-même.
Lynne Currie, responsable de l'innovation en matière de confidentialité à l'ICO
Or Chelmer Valley s'est contenté d'informer les parents, sans réelle possibilité pour les élèves de s'opposer à ce que leur visage soit scanné, sous peine de ne plus pouvoir déjeuner. Un consentement forcé qui ne respecte pas les principes du RGPD.
De lourdes sanctions possibles
Même si l'école ne s'est vue infliger qu'un rappel à l'ordre, les manquements constatés auraient pu donner lieu à de lourdes sanctions financières comme celle de 10 millions de dollars infligée à la société Clearview AI. L'ICO a préféré la pédagogie pour cette première infraction, afin de ne pas décourager l'adoption de nouvelles technologies dans les écoles.
Mais le message est clair : le déploiement d'outils comme la reconnaissance faciale ne doit pas se faire à la légère, sans une réflexion approfondie sur les enjeux de vie privée et les droits des personnes, a fortiori lorsqu'il s'agit d'enfants.
Vers un encadrement renforcé
Ce cas illustre la nécessité d'un encadrement plus strict de ces technologies intrusives dans le milieu éducatif. Aux États-Unis, l'État de New York a pris les devants en interdisant purement et simplement la reconnaissance faciale dans les écoles dès 2022. Une décision motivée par les risques d'atteinte à la vie privée mais aussi de discrimination de ces systèmes envers certaines catégories de population.
En France, la CNIL avait adressé un avertissement à deux lycées en 2020 pour des expérimentations similaires. Elle a publié un guide pour accompagner les établissements dans leur mise en conformité.
- Vérifier le fondement légal du traitement (mission d'intérêt public)
- Prouver la nécessité et la proportionnalité du dispositif
- Obtenir le consentement explicite des élèves ou des parents
- Mener une analyse d'impact sur la protection des données (AIPD)
Des garde-fous indispensables alors que la tentation du recours à l'intelligence artificielle et à la biométrie se fait de plus en plus forte dans les écoles, au nom de la sécurité ou de la modernité. Mais à quel prix pour nos libertés individuelles et celles de nos enfants ?
Le débat est loin d'être tranché et nécessitera une grande vigilance de la part des pouvoirs publics comme des citoyens pour trouver le bon équilibre entre innovation et protection des droits. Car derrière l'apparente facilité de la reconnaissance faciale se cachent de profondes questions éthiques sur le respect de la personne et de sa vie privée.