Pony AI prête pour l’introduction en bourse aux États-Unis

Alors que les startups chinoises retrouvent progressivement le chemin de Wall Street après plusieurs années de blocage, c'est au tour de Pony AI, spécialiste des véhicules autonomes, de se lancer dans l'aventure boursière américaine. Valorisée 8,5 milliards de dollars lors de sa dernière levée de fonds en 2022, la jeune pousse technologique ne manque pas d'ambition. Mais son dossier d'introduction en bourse laisse transparaître certaines fragilités. Décryptage en 4 points.

Une flotte encore modeste et des opérations limitées

Basée à Fremont en Californie, mais opérant principalement en Chine, Pony AI revendique une flotte de 190 camions autonomes à Pékin et Guangzhou ainsi que plus de 250 robotaxis répartis entre Pékin, Guangzhou, Shenzhen et Shanghai. Si la start-up peut facturer des courses dans les trois premières villes et roule sans chauffeur de sécurité à Guangzhou et Shenzhen, les chiffres restent modestes :

• Une moyenne de 15 courses par jour et par robotaxi
• 220 000 utilisateurs enregistrés dans l'application mobile PonyPilot
• 20 millions de kilomètres parcourus en mode autonome, dont seulement 2,4 millions totalement sans conducteur humain

L'activité de robotrucks, lancée plus récemment, semble promise à une croissance plus rapide avec déjà 57 clients entreprises, représentant 73% du chiffre d'affaires au premier semestre 2024. Un bémol cependant, les 3 plus gros clients génèrent à eux seuls 62,8% des revenus. La diversification reste donc un enjeu.

Un modèle économique qui peine à trouver l'équilibre

Comme la plupart de ses concurrents, Pony AI consomme énormément de cash pour développer sa technologie de conduite autonome. Malgré 30 millions de dollars de profit brut au premier semestre 2024, la pépite californienne a accumulé plus de 270 millions de pertes nettes sur les 18 derniers mois. Des dépenses de R&D pharaoniques, qui mobilisent 44% de ses 1300 salariés, expliquent ce déséquilibre :

Au 30 juin 2024, les salaires des employés de R&D représentaient à eux seuls 73 millions de dollars sur un an.

Extrait du dossier d'introduction en bourse

Avec 335 millions de dollars de trésorerie et un chiffre d'affaires qui double presque chaque année, Pony AI se veut rassurant. Mais la question de la rentabilité n'est pas abordée de front. Si les revenus augmentent, rien n'indique que leur coût va baisser significativement à court terme.

60 pages de facteurs de risques

Pony AI n'a pas lésiné sur les avertissements aux investisseurs potentiels, avec un chapitre "facteurs de risques" particulièrement fourni. Parmi les menaces évoquées :

• Un manque récent de personnel qualifié pour assurer la conformité comptable avec les normes américaines (corrigé fin 2023)
• L'influence potentielle des autorités chinoises sur les opérations de l'entreprise
• Le risque de ne plus pouvoir tester ses véhicules aux États-Unis dans le contexte géopolitique actuel (activité très marginale)

Un degré de transparence appréciable mais qui traduit aussi les incertitudes pesant sur ce secteur encore immature.

Un futur dépeint de manière idyllique

Le dossier d'introduction en bourse n'est pas uniquement factuel. Il comporte aussi quelques envolées lyriques peu communes dans ce type de document :

Dans les rues des métropoles chinoises, Pony AI a réalisé ce qui n'était jusqu'ici décrit que dans la science-fiction : construire une voiture qui se conduit toute seule. Les passagers, émerveillés, déverrouillent la portière avec leur smartphone et s'installent à l'arrière.

Vision idyllique d'un futur de la mobilité centré sur les robotaxis, qui tranche avec les défis colossaux à relever pour parvenir à un service sûr, abordable et à grande échelle. Un enthousiasme rafraîchissant ou un excès d'optimisme ?

Fruit de lourds investissements et d'un écosystème technologique foisonnant, les startups chinoises de véhicules autonomes comme Pony AI, WeRide ou AutoX ont pris une longueur d'avance sur la concurrence américaine en conditions réelles. Mais la course à la rentabilité sera longue et incertaine. Les investisseurs en quête de sensations fortes apprécieront.