Ports du Havre et Marseille : Les Défis des Alliances Maritimes
Saviez-vous que certains des plus grands porte-conteneurs du monde ne s’arrêtent plus dans les ports français ? Depuis février 2025, Le Havre et Marseille, jadis piliers du commerce maritime européen, voient leur rôle remis en question par des géants comme Maersk et Hapag-Lloyd. Ces armateurs redessinent les routes du fret mondial, privilégiant des hubs comme Rotterdam ou Anvers. Une anecdote circule déjà parmi les dockers : un capitaine aurait lancé, mi-sérieux, mi-ironique, que « Le Havre n’est plus qu’une escale pour les mouettes ».
Une Révolution dans le Transport Maritime
Le secteur du transport maritime vit une transformation sans précédent. Les alliances entre armateurs, ces partenariats stratégiques qui dictent les flux de marchandises, ont pris un tournant radical en 2025. Pourquoi ce bouleversement ? Les entreprises cherchent à optimiser leurs coûts et à garantir une fiabilité à toute épreuve, quitte à laisser certains ports historiques sur le bas-côté.
Les Nouvelles Alliances : Gemini Cooperation en Tête
Le grand changement vient de la création de **Gemini Cooperation**, une alliance entre Maersk, numéro deux mondial, et Hapag-Lloyd, cinquième acteur du secteur. Ce duo a décidé de concentrer ses escales sur des hubs majeurs comme Rotterdam et Anvers, reléguant Le Havre et Marseille à des rôles secondaires. Les conteneurs y sont désormais acheminés par des navires plus petits, les « feeders », qui jouent les intermédiaires.
« Nous offrons un réseau flexible et une fiabilité inégalée pour nos clients. »
– Vincent Clerc, PDG de Maersk
Cette stratégie repose sur une promesse ambitieuse : atteindre **90 % de fiabilité** dans les livraisons, contre une moyenne de 50 % dans l’industrie. Mais à quel prix pour les ports français ? Les industriels locaux doivent repenser leurs chaînes d’approvisionnement, parfois au détriment de leurs délais.
Un Échiquier Maritime en Quatre Blocs
Le paysage des alliances maritimes s’est recomposé en quatre grandes entités. La rupture de l’Alliance 2M entre MSC et Maersk a déclenché une cascade de changements. Aujourd’hui, on distingue :
- Gemini Cooperation (Maersk et Hapag-Lloyd) : focus sur les hubs du nord.
- MSC : une stratégie en solo, avec des escales maintenues en France.
- Ocean Alliance (CMA CGM et partenaires) : stabilité et présence à Marseille.
- Premier Alliance (ex-The Alliance) : un positionnement diversifié.
Cette fragmentation oblige les chargeurs à s’adapter rapidement. Certains optent pour la concurrence, d’autres explorent des ports alternatifs comme Gênes ou Barcelone. Une chose est sûre : la flexibilité est devenue le maître-mot.
Les Ports Français à la Croisée des Chemins
Pour Le Havre et Marseille, l’impact est palpable. Les porte-conteneurs géants, ces monstres des mers capables de transporter 24 000 EVP (équivalents vingt pieds), boudent désormais leurs quais. À Marseille-Fos, les dockers de la CGT s’inquiètent : perdre un « bateau mère » signifie moins de trafic et des emplois menacés.
Pourtant, tout n’est pas perdu. Haropa Port, qui gère l’axe Seine, note une augmentation des services secondaires : trois liaisons hebdomadaires supplémentaires vers l’Asie et deux vers les États-Unis. Marseille, de son côté, mise sur sa capacité à traiter rapidement les gros navires sans engorgement.
« Nous tirons notre épingle du jeu grâce à notre efficacité opérationnelle. »
– Amal Louis, directrice du développement du port de Marseille
Les Industriels Face à l’Adaptation
Pour les entreprises françaises, ce virage impose des choix stratégiques. Les prestataires logistiques comme Geodis ou Kuehne+Nagel jouent un rôle clé pour amortir le choc. Renault, par exemple, affirme que ses outils numériques permettent d’anticiper ces perturbations sans impact majeur.
Mais tous les secteurs ne réagissent pas de la même manière. Les industries du luxe, des spiritueux ou de la mode rapide, où la vitesse est cruciale, pourraient souffrir davantage. Clément Desbois, de Hillebrand Gori, souligne : « Les importateurs veulent leurs produits sur le marché au plus vite. Un transit de 21 jours avec Gemini, contre 8 avec MSC, change la donne. »
Logistique Intégrée : La Recette de la Fiabilité ?
Maersk et Hapag-Lloyd ne se contentent pas de redessiner les routes. Ils misent sur une **logistique intégrée** : flottes dédiées, terminaux propriétaires, transbordements optimisés. Résultat ? Un trajet Shanghai-Le Havre peut durer jusqu’à 54 jours, mais avec une ponctualité garantie. Une aubaine pour les industriels qui privilégient la certitude à la rapidité.
Cette approche contraste avec celle de CMA CGM, qui conserve une présence forte en Méditerranée, ou de MSC, qui mise sur des délais courts. Chaque armateur joue sa carte, et les chargeurs doivent trancher en fonction de leurs priorités.
Vers une Nouvelle Ère pour les Ports Français ?
Face à ces mutations, les ports français ne restent pas immobiles. Marseille vante sa fluidité, Le Havre renforce ses connexions secondaires. Mais la question demeure : peuvent-ils rivaliser avec les hubs du nord sans un soutien massif des armateurs ?
Pour les startups et PME du secteur logistique, c’est aussi une opportunité. Des solutions innovantes émergent : plateformes numériques pour optimiser les flux, outils de suivi en temps réel, ou encore partenariats avec des ports secondaires. Le défi est colossal, mais il pourrait redéfinir l’avenir du commerce maritime français.
En somme, 2025 marque un tournant. Les ports du Havre et Marseille ne sont plus les géants incontestés d’hier, mais ils ne sont pas encore hors jeu. Leur capacité à innover et à s’adapter dictera leur place dans le monde de demain.
