Pourquoi Investir en Climate Tech Maintenant
Imaginez que l’on vous dise, il y a dix ans, que le pire scénario climatique imaginable en 2025 serait… le meilleur que l’on osait espérer en 2014. Difficile à croire ? C’est pourtant exactement ce que viennent de publier les experts de l’Agence Internationale de l’Énergie.
Pendant que les gros titres parlent de désintérêt politique et de ralentissement des levées de fonds, les courbes, elles, racontent une tout autre histoire. Une histoire où nous sommes peut-être, précisément maintenant, au meilleur moment pour investir massivement dans les technologies climatiques.
Le grand renversement des prévisions que personne ne voit venir
En 2014, l’AIE dessinait deux futurs possibles. Sans effort international, les émissions mondiales grimperaient jusqu’à 46 gigatonnes de CO₂ en 2040. Avec les engagements de l’époque (déjà jugés ambitieux), on limitait la casse à 38 gigatonnes. Autant dire qu’on se préparait tous à un monde très chaud.
Dix ans plus tard, le scénario « business as usual » de l’AIE table sur… 38 gigatonnes stabilisées. Et avec les politiques actuelles, on descendrait même vers 33 gigatonnes. Le pire d’aujourd’hui est devenu le meilleur d’hier. Cette inversion n’est pas un détail technique : c’est un séisme.
« Les attentes sur l’avenir ont radicalement changé en moins d’une génération. »
– Tim De Chant, journaliste climate tech chez TechCrunch
Algèbre ou calcul différentiel : comment lire l’avenir
Deux écoles s’opposent chez les investisseurs.
Ceux qui pratiquent l’algèbre regardent la tendance linéaire actuelle : « On est encore loin du net zero en 2050, donc le climate tech reste risqué. »
Ceux qui pensent en calcul différentiel observent l’accélération du changement : la vitesse à laquelle les courbes se plient. Et là, tout change. Parce que quand une tendance s’infléchit aussi fortement en dix ans, elle a toutes les chances de continuer à se plier encore plus vite.
Trois signaux concrets que le point d’inflexion est déjà là
Les anecdotes ne manquent pas pour étayer cette thèse.
- En Allemagne, les ventes de véhicules électriques battent des records… alors que les subventions ont été supprimées fin 2023.
- Les pays en développement, longtemps considérés comme les derniers de la classe, adoptent les renouvelables plus vite que prévu grâce à des coûts devenus imbattables.
- La Chine, qui jurait il y a dix ans qu’elle ne plafonnerait jamais ses émissions, annonce désormais un pic avant 2030 et une chute ensuite.
Ces trois exemples ne sont pas des épiphénomènes. Ils sont la preuve que les technologies de rupture ont franchi le seuil où elles deviennent inévitables, même sans carotte ni bâton politique.
Les technologies qui vont encore accélérer la courbe
Le premier grand S-curve (solar + éolien + batteries) est déjà bien entamé. Mais deux nouvelles vagues arrivent à peine sur le marché.
La géothermie nouvelle génération (enhanced geothermal systems) commence à percer aux États-Unis et en Europe. Les coûts de forage chutent grâce aux techniques héritées du pétrole de schiste, et la ressource est disponible 24 h/24 partout sur la planète.
Les logiciels d’optimisation des réseaux (virtual power plants, demand response en temps réel) transforment des millions de batteries de voitures électriques, de thermostats et de chauffe-eau en centrale virtuelle. En Californie, ces systèmes ont déjà évité des blackouts à plusieurs reprises en 2024-2025.
Ces deux domaines concentrent aujourd’hui les plus fortes progressions de performance/prix. Autrement dit : c’est là que les multiples d’investissement risquent d’exploser dans les cinq prochaines années.
Pourquoi le « winter » actuel est en réalité un printemps déguisé
Les cycles d’investissement dans les deep tech sont toujours brutaux. Après l’euphorie de 2020-2022, la correction était inévitable. Les valorisations étaient devenues folles, certains projets n’avaient aucun chemin vers la rentabilité.
Mais cette purge a un effet secondaire extrêmement sain : elle élimine les touristes et laisse le champ libre aux équipes sérieuses qui construisent des entreprises pérennes. Les valorisations redevenues raisonnables offrent aujourd’hui des points d’entrée que l’on ne reverra probablement jamais.
« Le meilleur moment pour investir dans le solaire, c’était il y a quinze ans. Le deuxième meilleur moment, c’est maintenant pour la prochaine vague. »
– maxime entendue dans tous les fonds climate en 2025
Les chiffres qui font réfléchir les investisseurs aguerris
Regardons quelques données brutes :
- Le coût du solaire photovoltaïque a été divisé par 89 % depuis 2010.
- Celui des batteries lithium-ion par 97 % sur la même période.
- La géothermie améliorée vise une réduction de 90 % d’ici 2030 selon le Département de l’Énergie américain.
- Les logiciels de gestion de réseau (VPP) génèrent déjà des marges brutes supérieures à 70 %.
Quand une technologie voit ses coûts chuter de 90 % tous les dix ans, les modèles économiques explosent. C’est exactement ce qui s’est passé avec le solaire et les batteries. C’est en train d’arriver avec la géothermie et les logiciels énergétiques.
Comment positionner son portefeuille dès aujourd’hui
Pour les investisseurs qui veulent saisir cette fenêtre historique :
- Privilégier les entreprises qui attaquent les segments encore chers du mix énergétique (dispatchable renewables, long-duration storage, industrial heat).
- Regarder du côté des logiciels plutôt que du hardware pur quand c’est possible : scalabilité plus rapide, marges plus élevées.
- Ne pas négliger les marchés émergents : l’Inde et l’Afrique subsaharienne vont représenter 60 % de la croissance de la demande électrique d’ici 2050 et sautent directement aux renouvelables + stockage.
- Accepter des horizons de sortie plus longs (8-12 ans) mais viser des multiples de 50x là où les premiers cycles n’en offraient « que » 10-20x.
Le climate tech n’est pas mort. Il sort de l’adolescence. Les fondamentaux n’ont jamais été aussi solides, les valorisations n’ont jamais été aussi attractives, et la courbe des émissions mondiales commence enfin à plier dans le bon sens.
Celui qui comprend que nous sommes au creux de la vague juste avant le prochain tsunami technologique aura probablement raison d’investir massivement dès maintenant.
Parce que dans dix ans, quand on regardera en arrière, 2025-2027 apparaîtra comme le moment où tout a basculé. Le moment où les pessimistes ont vendu et où les visionnaires ont construit les plus belles réussites de la décennie.