Quand la Silicon Valley embrasse la vague conservatrice
La Convention nationale républicaine de 2024 qui s'est tenue à Milwaukee restera dans les mémoires comme celle de l'irrésistible invasion de la Silicon Valley dans le monde MAGA. Partout dans les couloirs, on pouvait croiser les grands noms de la tech conservatrice américaine, venus en force apporter leur soutien à Donald Trump pour son grand retour à la Maison Blanche.
Le nouveau visage de la droite américaine
Du père fondateur de PayPal et bailleur de fonds de la droite Peter Thiel à l'ancien candidat à la présidentielle et roi de l'IA Vivek Ramaswamy, en passant par le capital-risqueur David Sacks et l'époux de ce dernier, Jacob Helberg, ancien évangéliste de Trump, c'est un véritable défilé de stars technologiques qui s'est pressé au Fiserv Forum pendant quatre jours. « Peter est extrêmement content », aurait même glissé Blake Masters, le poulain de Thiel au Sénat de l'Arizona.
L'engouement de ces milliardaires de la tech pour le trumpisme ne date pas d'hier. Beaucoup avaient déjà rallié le mouvement en 2016, séduits par ses promesses de dérégulation et de débridage de l'innovation. Mais avec la nomination de JD Vance, un autre protégé de Thiel, comme colistier de Trump, la Silicon Valley brigue désormais une place de choix à la table du pouvoir.
Des contradictions évidentes
Pourtant, l'alliance entre l'élite technologique et la base populaire MAGA ne va pas toujours de soi. Loin de là. La preuve lors des discours de David Sacks et du leader syndical Sean O'Brien, qui a pris la parole juste après lui. On a pu y voir tout le fossé culturel qui sépare encore la droite hightech de ses troupes.
Malgré leur ralliement à Trump, les patrons de la Silicon Valley défendent des intérêts économiques et des valeurs sociales souvent aux antipodes de la base MAGA.
Une Amérique d'avant la tech
Dans les couloirs du congrès, Madison Campbell, fondatrice d'une startup medtech, exhortait justement les candidats républicains à ne plus courir après les vieux donateurs du pétrole et du gaz, mais à embrasser les nouveaux roi-soleil de la tech : « Si vous cherchez de l'argent du pétrole et du gaz de gens qui étaient de grands donateurs républicains dans les années 1980, vous regardez le mauvais type de personnes. »
Mais comment concilier cette injonction à la disruption avec les appels répétés des délégués à « forer, bébé, forer » et à retrouver une Amérique d'avant la révolution numérique ? Le grand écart idéologique semble intenable.
Une alliance éphémère ?
Car derrière les effusions publiques et les fastes des soirées VIP sponsorisées par les géants du Web, les contradictions de ce mariage de raison semblent de plus en plus difficiles à masquer. D'autant que sur de nombreux dossiers cruciaux, de la régulation des cryptomonnaies à la politique chinoise en passant par les aides publiques à l'innovation, les positions de Trump sont loin de faire l'unanimité dans le secteur.
Le risque, pour les entrepreneurs de la tech qui ont misé sur le ticket Trump-Vance, serait de se voir pris en étau entre l'étroitesse idéologique de leurs nouveaux alliés et l'hostilité de la Silicon Valley progressiste. Comme le résumait Madison Campbell : « Même si je suis d'accord avec certaines des politiques de Trump, je ne pense pas nécessairement être d'accord avec lui en tant que personne. » Le réveil pourrait être brutal.
La démocratie en jeu
Au-delà de la stratégie électorale, c'est donc bien la question de la place de la tech dans la démocratie américaine qui est posée. Entre soutien affiché au camp conservateur et rôle grandissant dans la propagation des idées et la surveillance des citoyens, l'industrie technologique navigue désormais en eaux troubles.
- La Silicon Valley divisée entre partisans enthousiastes et soutiens de circonstance à Trump
- L'élite tech en quête d'influence politique malgré d'évidentes contradictions avec la base trumpiste
- L'avenir de la tech américaine en suspens, entre libertarianisme débridé et repli réactionnaire
Aux électeurs de trancher, en novembre prochain, s'ils acceptent de confier les clés du pays à ce nouveau pouvoir technologique. Avec à la clé des enjeux vertigineux pour l'avenir de la démocratie.