Redémarrage de Three Mile Island pour alimenter Microsoft
En ce mois de septembre 2024, une nouvelle des plus surprenantes a secoué le monde de la tech et de l'énergie. Le géant américain Microsoft a annoncé la signature d'un accord avec Constellation Energy pour redémarrer un réacteur de la tristement célèbre centrale nucléaire de Three Mile Island, dans le but d'alimenter ses data centers en énergie décarbonée. Une décision forte en symbole qui soulève de nombreuses questions.
La soif d'énergie des data centers pousse Microsoft vers le nucléaire
Avec l'explosion des usages numériques et notamment de l'intelligence artificielle ces dernières années, les besoins énergétiques des data centers des géants de la tech comme Microsoft, Google ou Amazon n'ont cessé de croître. Selon certaines estimations, la consommation électrique de ces installations pourrait atteindre 35 GW à l'horizon 2030 aux États-Unis, soit près de 9% de la consommation moyenne du pays.
Face à ce défi énergétique colossal, les acteurs du numérique explorent différentes pistes pour s'approvisionner en électricité bas carbone, garante d'un approvisionnement stable et continu, indispensable au fonctionnement des serveurs. Et l'énergie nucléaire, souvent décriée, revient sur le devant de la scène.
Amazon et Microsoft misent sur l'atome pour verdir leurs activités
Microsoft n'est pas le premier à se tourner vers le nucléaire pour alimenter ses data centers. Son concurrent Amazon a déjà commencé à installer de nouvelles infrastructures à proximité de centrales nucléaires. De son côté, la Suède envisage même le déploiement de petits réacteurs modulaires (SMR) dédiés pour répondre aux besoins de l'industrie numérique.
Mais le choix de Microsoft de miser sur Three Mile Island revêt une dimension symbolique toute particulière. La centrale de Pennsylvanie fut en effet le théâtre du pire accident nucléaire civil survenu aux États-Unis, en mars 1979, lorsqu'une fusion partielle du cœur du réacteur n°2 provoqua des rejets radioactifs dans l'environnement.
Three Mile Island, de la catastrophe à la renaissance
Bien qu'aucun mort ne soit à déplorer, l'accident de Three Mile Island marqua profondément les esprits et contribua à freiner considérablement le développement de la filière nucléaire civile outre-Atlantique et dans de nombreux pays occidentaux pendant des décennies. Fermée définitivement en 2019, la centrale semblait promise à un démantèlement certain.
C'était sans compter sur ce surprenant accord entre Microsoft et Constellation Energy, propriétaire du site rebaptisé Crane Clean Energy Center (CCEC). Pour la première fois, un réacteur nucléaire américain mis à l'arrêt définitif va être remis en service, en l'occurrence l'unité n°1 de 837 MW.
Cet accord est une étape majeure dans les efforts de Microsoft pour aider à décarboner le réseau électrique, conformément à notre engagement à devenir négatif en carbone.
– Bobby Hollis, VP de l'énergie chez Microsoft
Un chantier titanesque pour relancer le réacteur
Le redémarrage de l'unité 1 de Three Mile Island ne sera pas une mince affaire. Constellation Energy devra entreprendre d'importants travaux de remise à niveau :
- Rénovation de la turbine, de l'alternateur et du transformateur principal
- Mise aux normes des systèmes de refroidissement et de contrôle-commande
- Obtention des autorisations réglementaires auprès de la NRC et des autorités locales
La route sera longue avant que le réacteur puisse à nouveau délivrer ses précieux électrons aux data centers de Microsoft. Mais le jeu en vaut la chandelle pour la firme de Redmond, qui entend ainsi sécuriser sur 20 ans son approvisionnement en énergie bas carbone, enjeu crucial pour atteindre ses objectifs climatiques.
Un choix risqué mais visionnaire ?
Malgré les défis techniques et les inévitables controverses que suscitera ce projet, le pari de Microsoft apparaît audacieux et porteur d'avenir. En donnant une seconde vie à la centrale de Three Mile Island, le géant technologique démontre que l'énergie nucléaire a toute sa place dans la transition énergétique, y compris pour l'industrie numérique énergivore.
Une petite révolution quand on sait l'image désastreuse qui colle à la peau de l'atome depuis des décennies. Microsoft pourrait faire des émules et inciter d'autres acteurs à reconsidérer cette énergie décarbonée et pilotable, indispensable pour bâtir un système électrique résilient. Le nucléaire du 21e siècle écrira-t-il son renouveau grâce au numérique ? L'avenir nous le dira, mais les planètes semblent désormais alignées pour une réconciliation inattendue entre l'atome et le numérique.