Rediff : la chute d’un pionnier indien d’Internet
Qui se souvient encore de Rediff, l'un des pionniers de l'Internet en Inde ? Fondé en 1996, ce portail web était le premier du pays à entrer en bourse au Nasdaq en 2000, atteignant une valorisation de plus de 600 millions de dollars au plus fort de la bulle Internet. Pourtant, Rediff vient d'annoncer la vente d'une participation majoritaire de 54% au spécialiste des paiements Infibeam Avenues pour seulement 3 millions de dollars. Retour sur la trajectoire mouvementée de ce géant déchu.
Rediff, précurseur des services en ligne en Inde
À ses débuts, Rediff a su surfer sur la première vague Internet pour devenir l'un des portails web majeurs en Inde, proposant des services d'email, d'actualités et de commerce électronique. Au sommet de sa gloire, le site figurait parmi les 12 plus visités du pays selon la société de Bourse Jefferies. Une note de Credit Suisse de 2001 vantait son potentiel :
Rediff.com est idéalement positionné pour tirer parti de la croissance exponentielle attendue de l'Internet en Inde dans les prochaines années.
Credit Suisse, 2001
Un modèle de portail généraliste devenu obsolète
Malheureusement, Rediff a eu du mal à s'adapter à l'évolution fulgurante du paysage numérique dans les années 2000 et 2010. Face à l'essor des réseaux sociaux et des sites e-commerce spécialisés, son approche de portail à tout faire a perdu en pertinence. Malgré des tentatives de diversification, l'entreprise n'a pas réussi à rivaliser avec des concurrents plus agiles et innovants.
La valorisation de Rediff s'est effondrée et le titre a fini par être retiré du Nasdaq. Un déclin que résume bien Manish Singh de TechCrunch :
Rediff a connu un destin similaire à celui de nombreux pionniers de l'Internet : après des débuts fulgurants, la société a stagné et a été dépassée par une nouvelle génération de startups technologiques plus innovantes et mieux financées.
Manish Singh, TechCrunch
Un rachat à prix bradé pour se réinventer
En acceptant l'offre d'Infibeam, Rediff espère trouver un second souffle. Le site revendique encore 55 millions de visiteurs mensuels, un trafic qu'Infibeam compte monétiser en proposant des produits financiers comme des prêts ou des assurances. Avec seulement 4 millions de dollars de chiffre d'affaires annuel, le prix de vente est loin de refléter la vraie valeur de l'audience de Rediff.
Ajay Balakrishnan, analyste chez Bernstein, estime cependant que le potentiel est là :
Pour Infibeam, c'est une acquisition low-cost mais à fort potentiel. Si la société arrive à convertir ne serait-ce que 1% des utilisateurs de Rediff en clients payants, elle rentabilisera largement son investissement.
Ajay Balakrishnan, Bernstein
Les leçons à retenir pour les startups technologiques
Au-delà du cas Rediff, cette histoire met en lumière certains défis clés auxquels font face les entreprises technologiques, en Inde et ailleurs :
- Anticiper les disruptions et faire évoluer son modèle : la capacité d'adaptation est vitale dans le numérique.
- Miser sur la spécialisation plutôt que la diversification tous azimuts pour rester compétitif.
- Valoriser ses actifs technologiques au bon moment : ne pas hésiter à lever des fonds ou se faire racheter avant qu'il soit trop tard.
Rediff a marqué l'histoire de la tech indienne, mais n'a pas su négocier le virage de la maturité. Son parcours illustre toute la difficulté de maintenir le succès sur le long terme dans un secteur en constante ébullition. Une réalité avec laquelle doivent composer les startups du monde entier.
