
Relocalisation : L’Électronique Redessine l’Ouest
Dans un monde où la production industrielle semblait inexorablement attirée par l’Asie, une région française défie les pronostics. Les Pays de la Loire, berceau historique de l’électronique, orchestrent un retour en force de l’industrie grâce à des usines modernes et des entreprises audacieuses. Mais comment une filière aussi compétitive réussit-elle à s’ancrer localement tout en visant l’international ? Cet article plonge au cœur de cette relocalisation industrielle, portée par des acteurs innovants et des technologies de pointe.
L’Électronique, Moteur de la Relocalisation
Dans les Pays de la Loire, l’électronique n’est pas qu’une industrie : c’est un symbole de résilience. Alors que la production de biens grand public a souvent migré vers des contrées à bas coûts, la région mise sur des marchés professionnels à forte valeur ajoutée. Des géants comme Thales aux PME agiles comme Selva, les acteurs locaux redessinent le paysage industriel français.
Des Usines à la Pointe de l’Innovation
Au cœur de cette renaissance, l’usine Symbiose de Lacroix, située à Beaupréau-en-Mauges, incarne l’industrie 4.0. Avec un investissement de 25 millions d’euros, ce site d’assemblage de cartes électroniques allie automatisation et design futuriste. En 2024, il a dépassé les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, trois ans avant les prévisions, grâce à des produits phares comme la borne de recharge Mobilize PowerBox pour la Renault 5.
« Symbiose est plus qu’une usine, c’est une vision de l’industrie française qui peut rivaliser à l’échelle mondiale. »
– Vincent Bedouin, PDG de Lacroix
Non loin de là, Thales investit 70 millions d’euros à Cholet pour un campus de recherche et un centre logistique dédiés à la guerre électronique. Prévu pour 2025, ce projet illustre la capacité de la région à attirer des investissements stratégiques. De son côté, Meggitt, près d’Angers, reconstruit une usine de systèmes électriques pour l’aéronautique, avec un budget de 35 millions d’euros, tandis qu’Atos-Eviden double ses capacités de production de supercalculateurs d’ici 2027.
Les PME, Piliers de l’Écosystème
Si les grands groupes font la une, les PME jouent un rôle crucial. Selva, basée à Vallet, prouve que la taille n’est pas un frein à l’innovation. Avec 170 salariés et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires, cette entreprise excelle dans la fabrication de cartes électroniques pour des secteurs variés, de l’aéronautique au médical. Sa force ? Une réactivité et une polyvalence qui séduisent les clients.
De son côté, BeLink, dans la Sarthe, diversifie son portefeuille. Autrefois dépendante à 80 % de l’automobile, l’entreprise a réduit cette part à 50 % en explorant des marchés comme les drones et les technologies imprimées. Ces procédés, issus de la sérigraphie, attirent l’attention de l’aéronautique et pourraient justifier des investissements massifs dans les années à venir.
« La diversification est notre bouclier face aux crises. Elle nous permet de conquérir de nouveaux marchés tout en restant ancrés localement. »
– Gaétan Guillemot, Directeur général de BeLink
Un Écosystème en Consolidation
La filière électronique des Pays de la Loire ne se contente pas de produire : elle se structure. Le centre de ressources We Network fédère 200 acteurs, des PME aux grandes entreprises comme Lacroix ou Eolane. Ce dernier, malgré des difficultés financières, reste un acteur clé avec ses 2400 salariés et ses productions stratégiques pour la défense et le nucléaire.
La consolidation est aussi à l’œuvre. Cofidur a repris Seico pour atteindre une taille critique, tandis que Tronico a intégré Agôn Electronics, formant un groupe de 220 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ces mouvements répondent à une exigence des grands donneurs d’ordres, comme Airbus ou Thales, qui poussent à une consolidation industrielle.
Un Virage Écologique et Numérique
L’électronique ligérienne ne se contente pas de produire : elle innove pour un avenir durable. We Network accompagne une transition vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement, avec de nouveaux matériaux et des machines plus efficaces. Des entreprises comme Largo et VoltR se spécialisent dans le reconditionnement de smartphones et de batteries, tandis qu’Okamac reconstruit une usine dédiée aux ordinateurs reconditionnés.
Voici les axes majeurs de cette transition écologique :
- Conception de produits durables avec des matériaux recyclés.
- Investissements dans des machines à faible consommation énergétique.
- Développement du reconditionnement pour prolonger la vie des équipements.
Les Défis de la Relocalisation
Malgré ces succès, des défis subsistent. La filière fait face à des turbulences économiques, comme en témoigne la recherche de repreneurs pour Eolane. La concurrence internationale reste féroce, et les coûts de production en France exigent une montée en gamme constante. Pourtant, les acteurs locaux restent optimistes.
« 2024 a été une année difficile, mais il s’agit de tenir bon et d’innover pour rester compétitifs. »
– Sébastien Rospide, Directeur général de We Network
Pour relever ces défis, les entreprises misent sur la transformation numérique. Lacroix, par exemple, a recentré ses activités sur l’électronique et les solutions connectées pour les smart cities. Cette stratégie s’accompagne d’une démarche RSE ambitieuse, excluant des secteurs comme les énergies fossiles pour se concentrer sur des produits à impact positif.
Un Modèle pour la France ?
Les Pays de la Loire pourraient-ils devenir un modèle pour la relocalisation industrielle en France ? Avec 16500 salariés et 171 établissements, la filière électronique régionale prouve qu’il est possible de conjuguer innovation, durabilité et compétitivité. Les investissements massifs, la diversification des marchés et la consolidation des acteurs créent un écosystème dynamique.
Pour mieux comprendre l’impact de cette filière, voici un aperçu des chiffres clés :
- 16500 salariés dans l’électronique en Pays de la Loire.
- 171 établissements, des PME aux grands groupes.
- 100 millions d’euros de chiffre d’affaires pour l’usine Symbiose en 2024.
Cette dynamique ne se limite pas à la production. Les entreprises investissent dans la formation et l’accompagnement des start-ups, avec une soixantaine de projets soutenus chaque année par We Network. Ce vivier d’innovation laisse présager un avenir prometteur pour la région.
Vers un Avenir Connecté et Durable
En misant sur l’électronique, les Pays de la Loire tracent une voie pour l’industrie française. Les usines 4.0, les PME agiles et les projets écoresponsables montrent qu’il est possible de relocaliser tout en restant compétitif. Mais la route est encore longue, et le succès dépendra de la capacité des acteurs à innover et à s’adapter.
En conclusion, la filière électronique des Pays de la Loire n’est pas seulement un moteur économique : elle incarne une vision de l’industrie de demain. Entre technologies avancées et engagement environnemental, la région prouve que la relocalisation est bien plus qu’un slogan. Et si c’était là le début d’une nouvelle ère pour l’industrie française ?