
Renault et Stellantis Réclament une Réglementation Flexible
Pourquoi les petites voitures, symboles d’accessibilité et de mobilité urbaine, sont-elles menacées en Europe ? Les réglementations européennes, bien que pensées pour réduire les émissions de CO2 et promouvoir la durabilité, semblent étrangler un secteur clé de l’industrie automobile. Dans une interview marquante publiée par Le Figaro, les dirigeants de Renault et Stellantis, Luca de Meo et John Elkann, ont tiré la sonnette d’alarme : sans assouplissement des règles, les petites voitures pourraient disparaître, au détriment des consommateurs et des emplois. Cet appel vibrant à Bruxelles ouvre un débat crucial sur l’avenir de l’automobile européenne.
Une industrie automobile sous pression
Le marché automobile européen traverse une crise sans précédent. Depuis cinq ans, les ventes chutent, les coûts grimpent, et les constructeurs peinent à répondre aux exigences réglementaires tout en restant compétitifs. Luca de Meo, PDG de Renault, et John Elkann, président de Stellantis, pointent du doigt des normes trop rigides, qui alourdissent particulièrement la production des petites voitures, ces modèles d’entrée de gamme prisés par des millions de foyers. Selon eux, l’Union européenne doit revoir sa copie pour préserver cette filière stratégique.
Le problème est clair : les réglementations actuelles imposent des technologies coûteuses, comme les systèmes d’aide à la conduite ou les motorisations hybrides, qui font exploser les prix. Une Renault Clio, par exemple, coûte aujourd’hui 40 % de plus qu’en 2015, dont 92,5 % de l’augmentation est attribuable aux normes européennes. Ce constat, chiffré par Luca de Meo, illustre une réalité brutale : les petites voitures, autrefois abordables, deviennent un luxe.
« Entre 2015 et 2030, le coût d’une Clio aura augmenté de 40 %. Cette augmentation est à 92,5 % attribuable à la réglementation. »
– Luca de Meo, PDG de Renault
Pourquoi les petites voitures sont-elles si importantes ?
Les petites voitures, comme la Renault Twingo ou la Fiat 500, ne sont pas seulement des véhicules : elles incarnent une philosophie de mobilité. Compactes, économiques et adaptées aux centres urbains, elles répondent aux besoins des classes moyennes et des jeunes conducteurs. Mais leur production devient un casse-tête pour les constructeurs. Les normes européennes, notamment sur les émissions de CO2, imposent des investissements massifs pour des modèles qui, par nature, génèrent des marges faibles.
John Elkann souligne que des pays comme la France, l’Italie et l’Espagne, grands producteurs et consommateurs de ces véhicules, sont particulièrement touchés. Ces nations pèsent plus lourd que l’Allemagne en termes de production de petites voitures et devraient, selon lui, défendre leurs intérêts à Bruxelles. Cette mobilisation collective pourrait faire pencher la balance en faveur d’une réglementation plus adaptée.
Des propositions concrètes pour Bruxelles
Face à ce constat, Renault et Stellantis ne se contentent pas de critiquer : ils avancent des solutions. Leur objectif ? Simplifier les démarches réglementaires pour redonner de l’oxygène à l’industrie. Voici leurs principales propositions :
- Une réglementation différenciée pour les petites voitures, avec des normes moins strictes pour préserver leur accessibilité.
- Un guichet unique à la Commission européenne pour centraliser les décisions et éviter les incohérences.
- Des règles appliquées par « paquets » uniquement aux nouveaux modèles, pour ne pas pénaliser les gammes existantes.
Ces mesures visent à alléger le fardeau administratif et financier qui pèse sur les constructeurs. Elles permettraient, selon les deux dirigeants, de maintenir des prix compétitifs tout en poursuivant la transition vers des véhicules plus écologiques.
Un plan européen en gestation
Bruxelles n’est pas restée sourde à ces appels. En mars 2025, l’Union européenne a annoncé un assouplissement des normes CO2 pour les voitures neuves, une première réponse aux préoccupations des constructeurs. Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission, a même promis un plan global pour l’industrie automobile d’ici décembre 2025, lors d’une visite dans l’usine Renault de Douai. Mais pour Renault et Stellantis, le temps presse : ils demandent une mise en œuvre rapide de ces engagements.
« La France, l’Italie et l’Espagne doivent défendre leur industrie, car elles en sont à la fois les producteurs et les consommateurs. »
– John Elkann, président de Stellantis
Ce plan pourrait inclure des aides financières, des incitations à l’innovation et une révision des normes pour mieux équilibrer durabilité et compétitivité. Mais il devra aussi répondre à un défi majeur : concilier les ambitions écologiques de l’Europe avec la réalité économique des constructeurs et des consommateurs.
Les petites voitures, un enjeu économique et social
La disparition des petites voitures aurait des conséquences bien au-delà des concessions automobiles. En France, en Italie et en Espagne, des usines entières dépendent de leur production. Une réglementation trop rigide pourrait entraîner des fermetures de sites, menaçant des milliers d’emplois. De plus, l’augmentation des prix rend ces véhicules inaccessibles pour les ménages modestes, accentuant les inégalités d’accès à la mobilité.
Pour Luca de Meo, il s’agit d’un cercle vicieux : des voitures plus chères réduisent la demande, ce qui fragilise encore davantage les constructeurs. Il appelle à un « new deal » pour l’automobile européenne, un pacte qui associerait durabilité, innovation et accessibilité.
Vers une transition équilibrée ?
La transition écologique reste une priorité, et personne ne le conteste. Les petites voitures électriques, comme la nouvelle Renault R5, montrent que les constructeurs sont prêts à innover. Mais pour que ces innovations atteignent le grand public, il faut un cadre réglementaire qui ne freine pas leur commercialisation. Renault et Stellantis plaident pour un modèle où l’écologie rime avec pragmatisme.
Leur message est clair : sans ajustements rapides, l’Europe risque de perdre un pan entier de son industrie automobile. Les petites voitures, symboles de liberté et d’accessibilité, pourraient devenir des reliques du passé. Alors que Bruxelles prépare son plan, la balle est dans son camp pour trouver un équilibre entre ambition environnementale et réalité économique.
Un défi pour l’avenir de la mobilité
L’appel de Renault et Stellantis résonne comme un cri d’urgence, mais aussi comme une opportunité. En adaptant ses réglementations, l’Union européenne pourrait non seulement sauver les petites voitures, mais aussi renforcer la compétitivité de son industrie automobile face à des concurrents mondiaux, notamment chinois. Les constructeurs, de leur côté, doivent continuer à investir dans des solutions innovantes, comme les véhicules électriques abordables ou les technologies de réduction des émissions.
Le chemin est étroit, mais pas impossible. Avec une collaboration étroite entre les institutions européennes, les gouvernements nationaux et les industriels, l’Europe peut relever ce défi. Les petites voitures, emblèmes de la mobilité urbaine, méritent un avenir. À Bruxelles de jouer.