Ring Lance la Reconnaissance Faciale IA
Imaginez que votre sonnette vous avertit non pas d’un vague « quelqu’un à la porte », mais directement « C’est le livreur habituel » ou « Ta voisine passe te voir ». Pratique, non ? C’est exactement ce que propose Amazon avec le déploiement de sa nouvelle fonctionnalité de reconnaissance faciale sur les appareils Ring. Mais derrière cette apparente commodité se cache un débat brûlant sur la vie privée et la surveillance de masse.
Familiar Faces : l’IA qui nomme vos visiteurs
Dévoilée en septembre 2025 et lancée officiellement le 9 décembre aux États-Unis, la fonctionnalité baptisée Familiar Faces permet aux propriétaires de sonnettes Ring de créer une bibliothèque de jusqu’à 50 visages connus. Famille, amis, facteurs, aides ménagères… une fois étiquetés dans l’application, ces visages déclenchent des notifications personnalisées.
L’idée semble séduisante. Fini les alertes inutiles quand vous rentrez chez vous ou quand le jardinier passe. Vous pouvez même désactiver complètement les notifications pour certains visages. Tout se configure depuis l’historique des événements ou une section dédiée dans l’app Ring.
Amazon insiste sur plusieurs points pour rassurer : la fonctionnalité n’est pas activée par défaut, les données faciales sont chiffrées, les visages non identifiés sont supprimés au bout de 30 jours, et l’entreprise affirme ne pas utiliser ces données pour entraîner ses modèles d’IA.
Comment ça fonctionne concrètement ?
Le processus est relativement simple. Lorsque la caméra détecte un visage, elle le compare à votre bibliothèque personnelle. Si correspondance il y a, l’alerte devient nominative. Vous pouvez ensuite modifier, fusionner ou supprimer les profils à tout moment.
Le traitement des données biométriques s’effectue dans le cloud d’Amazon, ce qui soulève déjà des questions techniques et juridiques. L’entreprise assure qu’elle ne peut pas, même sur demande judiciaire, retrouver tous les lieux où une personne a été détectée. Un argument qui laisse perplexe quand on connaît d’autres fonctionnalités comme la recherche communautaire pour animaux perdus.
Un historique chargé qui alimente les craintes
Le problème, c’est que Ring traîne une réputation sulfureuse en matière de confidentialité. L’entreprise a longtemps entretenu des partenariats étroits avec les forces de police américaines, permettant même aux agents de demander directement des vidéos via l’application Neighbors.
Plus récemment, des révélations ont montré des collaborations avec Flock Safety, spécialiste des caméras de surveillance utilisées par la police et certaines agences fédérales. Et n’oublions pas les scandales passés : en 2023, Ring a écopé d’une amende de 5,8 millions de dollars après que la FTC a découvert que des employés et sous-traitants avaient accès sans restriction aux vidéos des clients.
Des mots de passe Ring ont également circulé sur le dark web pendant des années, et l’application Neighbors a exposé pendant un temps les adresses précises des utilisateurs.
« Frapper à une porte ou simplement passer devant ne devrait pas signifier renoncer à sa vie privée. »
– F. Mario Trujillo, avocat à l'Electronic Frontier Foundation (EFF)
La mobilisation contre cette fonctionnalité
Dès l’annonce, les critiques ont fusé. Le sénateur démocrate Ed Markey a appelé Amazon à abandonner purement et simplement cette option. L’EFF et d’autres associations de défense des droits numériques ont multiplié les alertes.
Certains États et villes ont déjà bloqué le déploiement grâce à leurs lois sur les données biométriques : l’Illinois, le Texas et Portland (Oregon) interdisent pour l’instant cette fonctionnalité sur leur territoire.
Les arguments des opposants sont clairs : la reconnaissance faciale, même utilisée à domicile, contribue à normaliser une technologie intrusive déjà massivement déployée dans l’espace public, souvent avec des biais raciaux et des erreurs d’identification.
Entre confort et surveillance : le dilemme des utilisateurs
Pour beaucoup de propriétaires de sonnettes connectées, cette fonction représente un gain de temps réel. Pouvoir filtrer les alertes, ignorer ses propres allées et venues, identifier rapidement un visiteur régulier : ce sont des usages concrets qui améliorent l’expérience quotidienne.
Mais à quel prix ? Chaque visage ajouté enrichit une base de données biométriques stockée dans le cloud. Même chiffrée, cette information reste une cible potentielle en cas de faille de sécurité. Et l’historique de Ring ne joue pas en sa faveur.
Certains experts conseillent d’ailleurs d’éviter d’utiliser de vrais noms pour étiqueter les visages, ou tout simplement de laisser la fonctionnalité désactivée. Parce qu’en réalité, lever les yeux vers son téléphone pour voir qui sonne reste une solution bien moins risquée.
- Personnalisation des notifications selon les visages reconnus
- Possibilité de désactiver totalement les alertes pour certains profils
- Gestion fine depuis l’historique des événements
- Bibliothèque limitée à 50 visages
- Suppression automatique des visages non étiquetés après 30 jours
Vers une régulation plus stricte des données biométriques ?
Cette polémique arrive dans un contexte où les législateurs du monde entier durcissent le ton sur les données biométriques. L’Europe, avec le RGPD et l’AI Act, impose déjà des contraintes fortes sur la reconnaissance faciale. Aux États-Unis, les lois varient d’un État à l’autre, créant un patchwork juridique.
La mobilisation autour de Familiar Faces pourrait accélérer l’adoption de réglementations fédérales plus protectrices. Les associations appellent les autorités de protection des données à enquêter et à tester la solidité des lois existantes.
En attendant, chaque utilisateur reste maître de son choix. Activer ou non cette fonctionnalité, c’est aussi décider jusqu’où on accepte que la technologie s’immisce dans les interactions les plus banales de la vie quotidienne.
Conclusion : innovation ou dérive ?
La reconnaissance faciale sur les sonnettes Ring illustre parfaitement le double visage de l’innovation technologique contemporaine. D’un côté, une promesse de confort et de sécurité accrue. De l’autre, un risque réel d’érosion progressive de la vie privée.
Amazon continue d’avancer, malgré les critiques. Mais les voix qui s’élèvent – associations, élus, experts – rappellent que certaines technologies, même séduisantes, méritent un débat public approfondi avant leur déploiement massif.
Et vous, seriez-vous prêt à laisser une IA nommer automatiquement les personnes qui franchissent le seuil de votre maison ? La réponse à cette question en dit long sur l’équilibre que nous souhaitons collectivement entre progrès technique et protection des libertés individuelles.