Riverside Rewind : J’adore Détester cette IA

Vous est-il déjà arrivé d’adorer quelque chose tout en le détestant profondément ? C’est exactement ce que je ressens face à une nouvelle fonctionnalité lancée par Riverside, la plateforme d’enregistrement de podcasts en ligne. Leur outil baptisé « Rewind » utilise l’intelligence artificielle pour créer un bilan de fin d’année personnalisé, un peu comme le célèbre Wrapped de Spotify. Sauf que là, c’est pour les créateurs de podcasts… et les résultats sont à la fois hilarants et troublants.

Riverside Rewind : quand l’IA transforme vos podcasts en montage viral

Fin 2025, Riverside a surpris sa communauté en dévoilant Rewind. L’idée est simple : analyser toutes vos sessions d’enregistrement de l’année pour en extraire des moments clés et les assembler en courtes vidéos partageables. Trois clips sont générés automatiquement pour chaque podcasteur ou réseau.

Le premier est un montage rapide de vos plus beaux éclats de rire. Le deuxième compile tous vos « euh », « hum » et hésitations. Le troisième, plus surprenant, répète en boucle le mot que vous avez le plus prononcé – hors articles et conjonctions courants, bien entendu. Chez certains, c’est « livre », chez d’autres un prénom récurrent. Le résultat ? Des vidéos absurdes, drôles, parfois gênantes… mais terriblement addictives.

Ces créations se partagent instantanément sur les réseaux. Dans les groupes Slack des réseaux de podcasts, tout le monde échange ses Rewind comme on partageait autrefois ses stats Spotify. On rit, on se moque gentiment, on découvre des patterns inattendus dans notre façon de parler. C’est ludique, léger, parfaitement dans l’air du temps.

Pourquoi c’est si efficace… et si frustrant

L’efficacité de Rewind repose sur les capacités déjà solides de Riverside en matière d’IA. La plateforme propose depuis longtemps des transcriptions automatiques de grande qualité, une suppression intelligente des silences ou des tics de langage. Rewind pousse simplement ces outils un cran plus loin en ajoutant une dimension créative et virale.

« C’est un peu ironique, mais sur mon podcast dédié à la culture internet, le mot le plus répété était ‘livre’ – probablement à cause de nos épisodes abonnés sur les livres ou de la promo incessante du futur ouvrage de ma co-animatrice. »

– Inspiration tirée des retours de podcasteurs utilisant Rewind

Cette citation illustre parfaitement l’humour auto-dérisoire que provoque l’outil. On se voit tel que l’IA nous perçoit : une suite de patterns vocaux, de rires, de répétitions. C’est à la fois flatteur et déshumanisant.

Mais derrière l’amusement pointe une gêne. Pourquoi avons-nous besoin d’une IA pour nous montrer nos propres travers ? Et surtout, que signifie cette prolifération de fonctionnalités AI dans un domaine aussi humain que le podcasting ?

L’IA utile versus l’IA gadget : où tracer la ligne ?

Tous les outils IA ne se valent pas. Certains sont réellement transformateurs. Les transcriptions automatiques, par exemple, ont révolutionné l’accessibilité des podcasts et économisé des milliers d’heures de travail manuel. La suppression des silences ou des bruits de fond améliore la qualité sans toucher au contenu.

Rewind, en revanche, relève plus du gadget marketing. C’est fun, ça crée de l’engagement, ça fait parler de Riverside. Mais est-ce vraiment utile à la création ? Pas vraiment. C’est du contenu éphémère, consommé en quinze secondes, qui ne contribue en rien à la qualité éditoriale d’un épisode.

Et pourtant… on l’adore. Parce qu’il humanise les créateurs. Parce qu’il montre la face imparfaite du podcasting : les rires spontanés, les hésitations, les obsessions lexicales. Des éléments que les auditeurs adorent précisément parce qu’ils sont authentiques.

Le revers sombre : l’IA qui remplace les humains

Le vrai problème n’est pas Rewind en soi. C’est le contexte dans lequel il arrive. 2025 a été marquée par une vague de suppressions de postes dans l’industrie audio. Monteurs, producteurs, journalistes spécialisés voient leurs missions automatisées ou purement supprimées.

Des expérimentations récentes ont montré les limites de l’IA dans la création de contenu narratif. Certaines rédactions ont tenté de lancer des podcasts d’actualité entièrement générés par IA. Résultat ? Des erreurs factuelles graves, des citations inventées, un ton artificiel. Des projets abandonnés en interne avant même leur lancement public.

Le podcasting repose sur des choix éditoriaux subtils : garder une digression drôle, couper une partie redondante, monter pour maintenir le rythme. L’IA excelle dans les tâches mécaniques, mais peine encore à comprendre le contexte émotionnel, l’humour, la narration.

• Elle peut supprimer tous les « euh »… mais ne sait pas quand un « euh » traduit une réflexion intéressante à conserver.
• Elle transcrit parfaitement… mais ne détecte pas les sous-entendus ou l’ironie.
• Elle monte des clips viraux… mais ne crée pas une histoire cohérente sur 60 minutes.

Riverside, un acteur responsable dans la tempête IA ?

Riverside se distingue par une approche relativement mesurée. La plateforme met l’accent sur des outils qui assistent les créateurs humains plutôt que de les remplacer. Les transcriptions servent de base à un montage manuel. Les suppressions automatiques sont réversibles. Rewind reste un bonus ludique, pas une fonctionnalité centrale.

Contrairement à certains concurrents qui vantent des « podcasts entièrement IA », Riverside continue d’investir dans la qualité studio : enregistrement en haute définition, séparation des pistes, backup local. Des fondamentaux qui rappellent que la technologie doit servir la création, pas l’inverse.

Rewind, dans ce contexte, apparaît presque comme une respiration. Une façon de dire : « Regardez, l’IA peut aussi être légère, amusante, sans prétention journalistique ou créative démesurée. »

Vers quel avenir pour le podcasting à l’ère de l’IA ?

La question n’est pas de rejeter l’IA en bloc. Elle est déjà là, et certaines applications sont indispensables. La vraie réflexion porte sur l’équilibre : comment utiliser ces outils pour libérer du temps créatif sans sacrifier l’humain ?

Les podcasteurs indépendants y trouvent un gain de productivité énorme. Les grandes structures, elles, risquent de voir l’IA comme un moyen de réduire les coûts au détriment de la qualité. L’histoire récente nous montre que cette stratégie est souvent perdante à long terme.

Rewind, finalement, agit comme un miroir. Il nous renvoie notre propre ambivalence face à l’intelligence artificielle : on l’adore quand elle nous divertit ou nous facilite la vie, on la craint quand elle menace nos métiers et notre créativité. Peut-être que la solution réside dans une utilisation consciente, critique, toujours au service de l’histoire qu’on veut raconter.

Parce qu’au fond, ce qui fait la magie d’un podcast, ce ne sont ni les rires automatisés ni les mots répétés en boucle. C’est la connexion humaine, l’imperfection assumée, la spontanéité. Des éléments qu’aucune IA, aussi sophistiquée soit-elle, ne pourra jamais pleinement reproduire.

Et vous, avez-vous testé Rewind ? Qu’en avez-vous pensé ? Le débat ne fait que commencer…