
Sanofi cède Opella à un fonds américain : quel impact ?
L'annonce par le géant pharmaceutique Sanofi de la cession de sa branche santé grand public Opella, qui fabrique notamment le célèbre antidouleur Doliprane, au fonds d'investissement américain Clayton, Dubilier & Rice (CD&R) ne passe pas inaperçue. Cette opération, qui doit encore être finalisée d'ici le 2e trimestre 2025, suscite de vifs débats sur la souveraineté sanitaire française. Décryptage des enjeux.
Opella : fleuron français cédé à l'étranger
Opella, c'est la branche santé grand public de Sanofi qui pèse 4,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires et emploie quelque 10.000 salariés dans le monde dont 2.500 en France sur 6 sites de production. Son joyau : le Doliprane, antidouleur star vendu à 500 millions d'unités par an. Cette icône française va donc passer sous pavillon américain.
Pourtant, en octobre dernier, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire assurait avoir obtenu des "garanties sur le maintien et le développement d'Opella en France" de la part de Sanofi et de CD&R, avec "une série de clauses significatives sur l'emploi, les investissements et l'activité". Mais ces promesses suffiront-elles ?
CD&R : un fonds d'investissement sans expertise pharmaceutique
Clayton, Dubilier & Rice n'est pas un acteur de l'industrie pharmaceutique mais un fonds d'investissement. Son métier : acquérir des entreprises pour les restructurer et les revendre avec une plus-value. CD&R insiste certes sur sa volonté de développer Opella, mais ses priorités seront d'abord financières et actionnariales.
Le spectre des délocalisations et des suppressions d'emplois plane déjà. La CGT Sanofi craint "une casse sociale" et appelle l'État à bloquer cette cession. Car une fois Opella cédé, Sanofi n'aura plus aucun contrôle sur son devenir industriel.
Souveraineté sanitaire : un sujet plus que jamais d'actualité
La crise du Covid-19 a mis en lumière l'importance d'une industrie pharmaceutique nationale forte et autonome. Après les pénuries de masques et de médicaments, voir un fleuron tricolore passer sous contrôle étranger fait désordre.
Il est temps de penser une politique du médicament ambitieuse. On ne peut pas brader nos intérêts sanitaires !
Un député de la majorité
Cette polémique tombe mal alors que le gouvernement finalise sa loi sur la souveraineté sanitaire. L'opposition compte bien s'engouffrer dans la brèche. À l'Assemblée, les auditions vont se multiplier pour faire toute la lumière sur ce dossier brûlant.
L'avenir d'un site industriel et de ses salariés en jeu
Implantée à Compiègne dans l'Oise, l'usine qui fabrique le Doliprane fait la fierté de la région. Avec ses 400 employés, elle est un acteur économique de poids. Mais pour combien de temps encore ? Les élus locaux et les syndicats sont inquiets et veulent des garanties fermes sur la pérennité du site et des emplois.
Sanofi se veut rassurant et promet que la production du Doliprane restera à Compiègne. Mais ses engagements n'ont qu'une portée limitée. C'est bien CD&R qui aura la main sur l'avenir d'Opella.
Le symbole d'une industrie pharmaceutique fragilisée
Au-delà du cas Opella, c'est toute l'industrie pharmaceutique française qui semble sur la sellette. Après des années de délocalisations et un désengagement de l'État, le pays a perdu de nombreux savoir-faire. Sa dépendance aux importations, notamment de principes actifs, n'a cessé de croître.
Pour l'industrie tricolore, la cession d'Opella par Sanofi est un nouveau coup dur, le symbole d'un déclin que les pouvoirs publics peinent à endiguer malgré les plans de relance successifs. Un électrochoc nécessaire pour relancer une politique industrielle digne de ce nom ?
L'État doit reprendre la main
Face à ces enjeux stratégiques, beaucoup appellent l'État à jouer son rôle de stratège. Certains évoquent même une entrée au capital pour garantir l'ancrage français d'Opella. Une piste écartée par Bercy qui mise sur la bonne volonté de Sanofi et de CD&R. Un pari risqué ?
Une chose est sûre : le dossier Opella sera scruté de près dans les mois à venir. Au-delà des questions d'emploi et de souveraineté, il soulève un débat de fond sur la place de la France dans la compétition pharmaceutique mondiale. Les réponses apportées seront déterminantes pour l'avenir d'un secteur hautement stratégique.