Scandale Kakao : le fondateur visé par un mandat d’arrêt
C'est un véritable séisme qui secoue actuellement le monde de la tech et du divertissement en Corée du Sud. Brian Kim, le charismatique fondateur de Kakao, géant de l'internet coréen, est dans le collimateur de la justice. Les procureurs de Séoul viennent en effet d'émettre un mandat d'arrêt à son encontre, le soupçonnant d'avoir manipulé le cours de l'action de SM Entertainment lors de l'acquisition très médiatisée du label de K-pop l'an dernier.
Retour sur une bataille boursière intense
En mars 2023, Kakao et sa filiale Kakao Entertainment étaient sortis vainqueurs d'une âpre bataille boursière les opposant à Hybe, propriétaire de BigHit, l'agence derrière le phénomène BTS. L'enjeu : le contrôle de SM Entertainment, l'une des plus grosses machines à tubes de la K-pop. Kakao avait raflé la mise en proposant d'acquérir 39,9% des parts à 150 000 wons l'unité, surenchérissant largement sur l'offre de Hybe à 120 000 wons.
Mais cette victoire à plus de 300 millions de dollars aurait en réalité été obtenue de façon peu orthodoxe. Selon les procureurs, Kakao aurait artificiellement gonflé le cours de SM Entertainment juste avant la finalisation de l'opération, en achetant massivement des actions pour plus de 240 milliards de wons, poussant Hybe à jeter l'éponge. Une manœuvre qui aurait directement profité à Brian Kim mais qui n'a pas été notifiée aux autorités financières...
D'autres cadres dans la tourmente
Brian Kim n'est pas le seul dans le viseur de la justice. Jae-Hyun Bae, le directeur des investissements de Kakao, est lui déjà derrière les barreaux depuis octobre dernier pour des soupçons similaires. D'autres cadres de Kakao Entertainment pourraient suivre.
Si les faits sont avérés, les conséquences pourraient être lourdes pour Kakao et ses dirigeants. Au-delà des sanctions pénales, le régulateur financier pourrait contraindre le groupe à céder une partie de sa participation dans Kakao Bank, sa lucrative filiale bancaire en ligne. La loi coréenne interdit en effet aux actionnaires non-financiers de détenir plus de 10% d'une banque en ligne s'ils ont été condamnés pour certains délits financiers dans les 5 années précédentes.
Un empire tentaculaire bâti en une décennie
Fondé en 2006, Kakao s'est imposé en quelques années comme l'un des piliers de la tech coréenne grâce à son application de messagerie Kakao Talk, mais aussi ses services de VTC (Kakao Mobility), de banque en ligne (Kakao Bank), de streaming musical (Melon), ou encore de webtoons (Kakao Page). Un empire aux multiples ramifications, à l'image de la pieuvre ("Octopus") qui lui sert de logo, et bâti par un entrepreneur brillant et visionnaire mais aujourd'hui rattrapé par la justice.
Brian Kim est un véritable génie des affaires qui a su créer en un temps record un écosystème unique. Mais cette croissance à tout va a peut-être fini par lui donner le sentiment d'être intouchable.
Un ancien cadre de Kakao
Ce scandale tombe au plus mal pour Kakao, déjà secoué par plusieurs polémiques ces derniers mois (failles de sécurité, pratiques monopolistiques, conditions de travail...). Il risque de ternir durablement l'image du groupe et de son emblématique fondateur, jusqu'ici auréolé d'une image de génie des affaires et d'innovateur au service de la société.
SM Entertainment prise en étau
SM Entertainment, qui a dû se sentir comme le trophée que se disputaient deux géants, pourrait finalement faire les frais de ce bras de fer judiciaire. Même si Hybe a depuis revendu une bonne partie de ses parts à Kakao, la gouvernance et la stratégie du label restent suspendues à l'issue des poursuites.
Le feuilleton Kakao-SM Entertainment est loin d'avoir livré tous ses rebondissements. Il met en lumière la face obscure de la K-pop et de la tech coréenne, entre rivalités, coups bas et pratiques douteuses. Derrière le vernis d'une industrie ultra-performante et glamour se cachent des dérives qui menacent aujourd'hui l'un de ses plus brillants représentants. L'affaire Kakao fera date et les autorités coréennes semblent bien décidées à faire le ménage. Reste à savoir jusqu'où l'onde de choc se propagera.
