Simuhealth lève 2,6 M$ pour révolutionner la formation médicale
Imaginez : un interne qui s’apprête à poser sa première perfusion sur un vrai patient… mais qui a répété le geste des centaines de fois sur un mannequin ultra-réaliste, dans des scénarios parfaitement orchestrés. Cette scène, encore trop rare il y a quelques années, devient peu à peu la norme. Et derrière cette petite révolution silencieuse se cache une startup canadienne qui vient de frapper fort : Simuhealth.
Simuhealth : 2,6 millions CAD pour transformer un marché oublié
Le 12 décembre 2025, la jeune entreprise basée à Vancouver a annoncé la clôture d’une levée pre-seed de 2,6 millions de dollars canadiens – un montant qui dépasse même son objectif initial de 2 millions. Un signal fort dans un contexte où le financement des startups “classiques” (hors IA générative) reste particulièrement compliqué.
Ce tour de table a été co-mené par deux fonds américains, Looking Glass Capital et Parade Ventures, avec une participation notable de RiverPark Ventures et d’autres acteurs comme Altair Capital ou encore l’ange Mike MacCombie. Un casting qui montre que le problème adressé par Simuhealth dépasse largement les frontières canadiennes.
Un problème concret que tout le monde voit… mais que personne n’avait vraiment résolu
Dans la majorité des centres hospitaliers, la gestion des programmes de simulation médicale repose encore sur des tableurs Excel, des plannings papier et des emails en cascade. Résultat ? Des sessions annulées à la dernière minute, des mannequins coûteux qui dorment dans un placard, des rapports d’accréditation faits à la main et, surtout, une formation inégalitaire selon les services.
Simuhealth propose une plateforme tout-en-un qui centralise :
- La réservation des salles et du matériel de simulation
- Le suivi précis des compétences acquises par chaque clinicien
- La génération automatique de rapports pour les accréditations
- L’optimisation budgétaire grâce au suivi réel de l’utilisation des ressources
En Colombie-Britannique, l’entreprise travaille déjà avec les plus gros acteurs : Provincial Health Services Authority, Island Health, Interior Health et Fraser Health. Des références qui pèsent lourd quand on sait que ces organismes gèrent des milliers de formations par an.
« C’est dur en ce moment pour les startups canadiennes, surtout quand on construit une plateforme d’infrastructure plutôt qu’un énième outil IA SaaS clinquant. »
– Matthew Housser, CEO et fondateur de Simuhealth
Pourquoi la simulation médicale est en train de devenir stratégique
La formation par simulation n’est plus un gadget. Elle est devenue obligatoire dans de nombreux pays pour certaines procédures à risque (ex. : réanimation néonatale, pose de cathéters centraux). Les études montrent une baisse de 30 à 50 % des erreurs médicales quand les équipes sont correctement entraînées en simulation avant de passer en situation réelle.
Mais qui dit obligation dit aussi audits, traçabilité, preuves. Et c’est précisément là que les outils legacy montrent leurs limites : impossible de prouver facilement qui a suivi quelle formation, quand, et avec quels résultats.
Simuhealth apporte une réponse opérationnelle immédiate : un ERP dédié à la simulation, pensé dès le départ pour les particularités du secteur santé (confidentialité, normes HIPAA-like, intégration avec les systèmes hospitaliers existants).
Un marché nord-américain colossal… et encore vierge
Aux États-Unis, on estime à plus de 1 200 le nombre de centres de simulation accrédités. Chacun dépense en moyenne plusieurs centaines de milliers de dollars par an en mannequins, locations de salle et formateurs. Pourtant, moins de 20 % d’entre eux disposent d’un logiciel dédié moderne.
Le potentiel est donc énorme. Et les fonds américains qui ont investi dans Simuhealth l’ont bien compris : ils voient dans cette verticale un marché similaire à ce qu’était la gestion des dossiers patients électroniques il y a quinze ans – fragmenté, douloureux, mais incontournable.
Au-delà du logiciel : une vision systémique de la sécurité des patients
Ce qui distingue Simuhealth des simples outils de réservation, c’est sa capacité à fermer la boucle compétence-performance-sécurité. La plateforme ne se contente pas de dire “Untel a suivi la formation X”. Elle permet de corréler les données de simulation avec les incidents réels en salle d’opération ou aux urgences.
À terme, les hôpitaux pourront identifier les gestes qui génèrent le plus d’erreurs une fois en situation réelle et adapter leurs programmes en conséquence. On passe d’une logique de case à cocher à une véritable démarche d’amélioration continue.
Les prochains mois : conquête du continent et R&D accélérée
Avec cette levée, Simuhealth prévoit d’ouvrir des bureaux aux États-Unis dès 2026 et de tripler ses effectifs. L’entreprise a également obtenu un financement non dilutif du programme IRAP du Conseil national de recherches du Canada pour accélérer ses travaux sur l’intelligence décisionnelle appliquée à la simulation.
Parmi les chantiers annoncés :
- Intégration native avec les principaux mannequins connectés (Laerdal, Gaumard, etc.)
- Module prédictif pour anticiper les besoins en formation selon les nouvelles procédures
- Version mobile pour les formateurs terrain (ex. : réanimation en ambulance)
Matthew Housser, qui en est à sa première expérience avec le venture capital après plus de dix ans d’entrepreneuriat, résume parfaitement l’état d’esprit : “On ne construit pas un gadget pour LinkedIn. On construit l’infrastructure qui permettra aux hôpitaux de sauver plus de vies, tout simplement.”
Et nous, qu’est-ce qu’on en pense ?
Dans un écosystème obsédé par l’IA générative et les licornes virtuelles, voir une startup attaquer un problème aussi concret, aussi “terre-à-terre” et pourtant aussi critique, fait du bien. Simuhealth ne promet pas de remplacer les médecins. Elle promet de les rendre meilleurs, plus sûrs, plus confiants.
Et parfois, c’est exactement ce dont la healthtech a besoin : moins de buzz, plus d’impact réel.
À suivre de très près.