
Solid : La Fintech Prometteuse Dépose le Bilan Après 81M$
Imaginez une start-up qui se présente comme le futur de la finance, une entreprise qui lève des dizaines de millions de dollars et promet de transformer le secteur grâce à des technologies révolutionnaires. Maintenant, imaginez cette même entreprise s’effondrant du jour au lendemain, incapable de tenir ses promesses. C’est l’histoire de Solid, une fintech basée à Palo Alto qui, après avoir amassé près de 81 millions de dollars auprès d’investisseurs prestigieux, vient de déposer le bilan en avril 2025. Comment une telle chute a-t-elle pu se produire ? Plongeons dans les méandres de cette saga pour comprendre les leçons qu’elle nous laisse.
Solid : L’Ascension fulgurante d’une Fintech Ambitieuse
Fondée en 2018 sous le nom de Wise avant de devenir Solid, cette start-up californienne avait tout pour séduire. Son ambition ? Devenir **l’AWS de la fintech**, un acteur incontournable offrant des solutions bancaires, de paiement, de cartes et même de cryptomonnaies via des APIs simples à intégrer. En août 2022, lors de son dernier tour de table, une levée de fonds impressionnante de 63 millions de dollars menée par FTV Capital, Solid affichait une valorisation de 330 millions de dollars selon PitchBook. À l’époque, elle revendiquait une croissance de revenus multipliée par 10, un doublement de sa clientèle à 100 entreprises et même une rentabilité atteinte.
Ce positionnement audacieux attirait les regards. Les entreprises de logiciels SaaS verticales et les fintechs en quête de solutions prêtes à l’emploi voyaient en Solid un partenaire idéal. Mais derrière cette façade brillante, des fissures commençaient déjà à apparaître, prêtes à faire vaciller cet édifice ambitieux.
Un Modèle Prometteur : Le Banking-as-a-Service
Le concept de *Banking-as-a-Service* (BaaS) est au cœur de l’offre de Solid. En clair, il s’agit de fournir à d’autres entreprises des outils financiers clés en main – comptes bancaires, cartes de paiement, transferts – sans qu’elles aient à construire elles-mêmes une infrastructure complexe. Solid s’appuyait sur des partenariats avec des banques, comme Evolve Bank & Trust, pour proposer ces services. Une idée séduisante sur le papier, qui a convaincu des investisseurs de renom.
Mais ce modèle, bien qu’innovant, repose sur une exécution irréprochable et une confiance absolue des partenaires et clients. Solid semblait avoir les cartes en main : une équipe expérimentée, des co-fondateurs charismatiques – Arjun Thyagarajan et Raghav Lal – et une vision claire. Pourtant, les apparences peuvent être trompeuses.
Les Premiers Signes de Fragilité
En 2023, les ennuis commencent. FTV Capital, l’un des principaux investisseurs de la Série B, intente un procès retentissant contre Solid. Le fonds accuse les co-fondateurs d’avoir **menti sur les chiffres** : revenus gonflés, churn (taux de perte de clients) minimisé, et une situation générale bien moins rose que celle présentée. FTV va jusqu’à demander le remboursement de ses 61 millions de dollars et exige la démission de Thyagarajan et Lal.
FTV a été trompé sur les revenus, le churn et l’état réel de l’entreprise.
– Extrait du procès intenté par FTV Capital
Les co-fondateurs ne se laissent pas faire et contre-attaquent avec leur propre plainte. Ils décrivent FTV comme un “fonds agressif” qui, face à une rentabilité moindre que prévue, aurait usé de “tactiques musclées” pour récupérer son argent. Ce bras de fer judiciaire, qui s’achève par un règlement à l’amiable en avril 2024, laisse des traces. Solid ressort affaibli, tant financièrement qu’en termes de réputation.
Une Chute Précipitée par des Facteurs Multiples
Le dépôt de bilan, officialisé le 7 avril 2025 auprès du tribunal des faillites du Delaware, révèle l’ampleur des difficultés. Solid n’a pas réussi à lever de nouveaux fonds depuis 2022, un signe inquiétant dans un secteur où la croissance rapide est souvent financée par des injections régulières de capital. À cela s’ajoutent des **litiges coûteux**, dont celui avec FTV, qui ont drainé les ressources de l’entreprise.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au moment de la faillite, Solid ne compte plus que trois employés, contre une équipe bien plus étoffée auparavant. Sa dette commerciale non garantie s’élève à 760 000 dollars, avec des revenus désormais “limités”. L’entreprise dispose encore de 7 millions de dollars en cash, mais 2 millions sont bloqués dans des comptes de réserve non liquides. Un tableau bien loin des promesses d’antan.
Un Destin Partagé avec d’Autres Acteurs du BaaS
Solid n’est pas un cas isolé. En avril 2024, Synapse, une autre start-up du BaaS, avait elle aussi déposé le bilan, espérant vendre ses actifs pour 9,7 millions de dollars à TabaPay. L’accord a capoté, laissant Synapse dans l’impasse. Fait troublant : les deux entreprises partageaient un partenaire bancaire commun, Evolve Bank & Trust. Cette coïncidence soulève des questions sur la fiabilité de certains acteurs dans cet écosystème.
Jason Mikula, expert fintech chez Fintech Business Weekly, note que parmi les créanciers de Solid figurent des noms comme Amazon (AWS), Visa, Plaid ou encore FS Vector. Ces dettes illustrent les coûts élevés liés à l’infrastructure et à la conformité réglementaire, des défis majeurs pour les jeunes pousses du secteur.
Les Leçons d’un Échec Annoncé
Que retenir de la débâcle de Solid ? Voici quelques pistes :
- La transparence avec les investisseurs est cruciale pour éviter les litiges destructeurs.
- Une croissance rapide sans fondations solides peut mener à l’effondrement.
- Le modèle BaaS, bien qu’attrayant, exige une exécution parfaite et des partenariats fiables.
Cet échec met aussi en lumière les risques inhérents au monde des start-ups. Lever des fonds massifs ne garantit pas le succès, et les promesses audacieuses doivent être suivies d’actes concrets. Solid avait tout pour devenir un géant, mais les réalités économiques et juridiques ont eu raison de ses ambitions.
Et Maintenant ? Restructuration ou Disparition
Solid a opté pour une faillite sous le chapitre V du *Chapter 11*, une procédure qui offre plus de flexibilité pour négocier avec les créanciers et proposer un plan de restructuration. L’objectif ? Éviter une liquidation totale en se réorganisant ou en trouvant un repreneur. Mais avec seulement trois employés et des revenus en berne, l’avenir reste incertain.
Le cas de Solid résonne comme un avertissement pour l’écosystème fintech. Dans un secteur où l’innovation côtoie la spéculation, la frontière entre succès fulgurant et chute brutale est parfois bien fine. Reste à voir si cette start-up parviendra à renaître de ses cendres ou si elle rejoindra la longue liste des espoirs déçus de la tech.