Stalkerware : Pourquoi Ces Applis Sont un Danger Réel

Imaginez un instant : vous installez une application pour surveiller un proche, pensant garder un œil discret sur ses faits et gestes. Mais que se passe-t-il quand cette même application devient une porte ouverte sur votre vie privée, exposant vos secrets les plus intimes au monde entier ? En 2025, les stalkerwares, ces logiciels d’espionnage souvent vendus par des startups peu scrupuleuses, sont au cœur d’une tempête technologique où la sécurité et l’éthique s’entremêlent dans un chaos inquiétant.

Les Stalkerwares : Une Industrie Florissante mais Fragile

Le marché des stalkerwares a explosé ces dernières années, porté par des entreprises promettant des solutions simples pour espionner conjoints, enfants ou employés. Mais derrière ces promesses se cache une réalité bien plus sombre. Ces outils, souvent commercialisés comme des aides à la "sécurité familiale", sont devenus des armes à double tranchant, compromettant non seulement leurs utilisateurs, mais aussi leurs victimes.

Qu’est-ce qu’un Stalkerware Exactement ?

Un stalkerware est une application conçue pour surveiller à distance un appareil – téléphone, tablette ou ordinateur – sans que la personne ciblée ne s’en rende compte. Messages, photos, appels, localisation : tout est accessible en quelques clics. Des sociétés comme *Cocospy* ou *Spyic* en ont fait leur fonds de commerce, attirant des clients prêts à payer pour ce pouvoir intrusif.

Mais ces outils ne se contentent pas de collecter des données. Ils les stockent, souvent sur des serveurs mal protégés, rendant les informations vulnérables aux pirates ou aux erreurs humaines. En février 2025, par exemple, ces deux entreprises ont fait les gros titres en exposant des millions de données sensibles en ligne.

Une Série de Fiascos à Répétition

Depuis 2017, pas moins de **23 entreprises** de stalkerwares ont été piratées ou ont laissé fuiter des données, selon une enquête récente. Ce n’est pas une anomalie isolée : c’est une tendance alarmante. Des noms comme *mSpy*, *pcTattletale* ou *TheTruthSpy* reviennent régulièrement dans ces scandales, avec des conséquences désastreuses pour leurs utilisateurs et leurs victimes.

"Ces entreprises sont des cibles faciles. Elles ne se soucient ni de la qualité ni de la sécurité de leurs produits."

– Eva Galperin, Directrice de la cybersécurité à l’Electronic Frontier Foundation

En 2024, *Spytech*, une startup basée au Minnesota, a vu ses journaux d’activité fuiter, exposant les moindres détails des appareils surveillés. Quelques mois plus tôt, un hacker avait humilié *pcTattletale* en dévoilant ses failles, poussant son fondateur à fermer boutique. Ces exemples ne sont que la partie visible de l’iceberg.

Cocospy et Spyic : Les Derniers en Date

Début 2025, *Cocospy* et *Spyic* ont rejoint cette liste peu enviable. Une faille découverte par un chercheur en sécurité a permis d’accéder à des millions de messages, photos et historiques d’appels. Pire encore, **2,65 millions d’adresses email** de clients ont été exposées après déduplication, selon Troy Hunt, expert en fuites de données.

Ces incidents ne sont pas anodins. Ils révèlent une négligence criante de la part de ces startups, qui semblent privilégier les profits aux dépens de la sécurité. Pour les victimes, souvent inconscientes d’être espionnées, c’est une double trahison.

Pourquoi Ces Applis Sont-elles si Vulnérables ?

La réponse tient en deux mots : **manque de rigueur**. Ces entreprises opèrent dans une zone grise légale, attirant des développeurs plus motivés par l’argent que par l’éthique ou la qualité. Leurs serveurs mal configurés, leurs mots de passe faibles et leurs bases de données non chiffrées en font des proies idéales pour les hackers.

Certains pirates, d’ailleurs, agissent par conviction. En 2017, un groupe a attaqué *Retina-X* et *FlexiSpy*, jurant de "détruire cette industrie toxique". Si *Retina-X* a fini par fermer après deux attaques, *FlexiSpy* persiste, preuve que l’appât du gain l’emporte souvent sur les leçons tirées.

Les Conséquences Humaines Derrière les Chiffres

Derrière chaque fuite, il y a des vies bouleversées. Une étude menée auprès de refuges pour victimes de violences domestiques montre que la surveillance numérique peut précéder des abus physiques. Les stalkerwares, en facilitant cette intrusion, deviennent des outils de contrôle et de menace.

Prenons l’exemple de *pcTattletale*, utilisé pour espionner les ordinateurs d’accueil d’une chaîne hôtelière américaine. Une fois piraté, les données des clients – noms, numéros de carte – se sont retrouvées en ligne. Les utilisateurs pensaient surveiller discrètement, mais ils ont fini par exposer bien plus qu’ils ne l’imaginaient.

Une Industrie qui Résiste Malgré Tout

Sur les 23 entreprises compromises depuis 2017, seules huit ont fermé leurs portes. Certaines, comme *Spyhide*, se sont simplement réinventées sous un nouveau nom (*Oospy*) avant de sombrer à nouveau. D’autres, comme *mSpy*, continuent d’opérer malgré des fuites à répétition.

Cette résilience intrigue. Eva Galperin compare ces startups à des "champignons après la pluie" : elles repoussent, adaptées à un marché où la demande persiste. Mais les chiffres montrent aussi une baisse d’utilisation, selon Malwarebytes, peut-être due à une prise de conscience ou à des alternatives comme les trackers physiques (*AirTags*).

Et Si Vous Êtes Tenté d’Utiliser un Stalkerware ?

Sachez-le : c’est illégal dans la plupart des pays, sauf consentement explicite. En France, installer un tel logiciel sans autorisation est une atteinte à la vie privée, punie par le Code pénal. Mais au-delà de la loi, c’est une question d’éthique. Surveiller un proche sans son accord brise la confiance, avec des risques bien réels.

Et si vous pensez que vos données resteront secrètes, détrompez-vous. Les fuites de *Cocospy* ou *Spyic* prouvent que même les utilisateurs deviennent des victimes collatérales de ces startups négligentes.

Alternatives Éthiques pour les Parents

Pour les parents inquiets, des outils intégrés existent. Les iPhones et Android proposent des options de suivi familial transparentes, avec consentement. Pas besoin de recourir à des applis douteuses qui risquent de compromettre la sécurité de tous.

Eva Galperin insiste : informer et obtenir l’accord des enfants est essentiel. "Surveiller sans leur dire, même légalement, reste une intrusion", explique-t-elle. Ces solutions officielles sont non seulement plus sûres, mais elles respectent aussi les limites morales.

Que Faire Si Vous Êtes Victime ?

Si vous suspectez un stalkerware sur votre appareil, agissez vite. Vérifiez les applications installées, surtout celles au nom anodin. Des signes comme une batterie qui se vide trop vite ou des données mobiles inhabituelles peuvent alerter.

• Réinitialisez votre appareil après une sauvegarde sélective.
• Changez tous vos mots de passe depuis un appareil sécurisé.
• Contactez une association comme la *Coalition Against Stalkerware*.

En cas de danger immédiat, appelez les autorités. En France, le 3919 offre un soutien anonyme aux victimes de violences, y compris numériques.

Vers un Avenir Sans Stalkerwares ?

Le combat contre ces applis est loin d’être gagné. Les régulateurs, comme la FTC aux États-Unis, commencent à sévir – *SpyFone* a été interdit en 2021. Mais tant que la demande existe, ces startups trouveront des moyens de revenir.

Pourtant, une lueur d’espoir émerge. Les consommateurs se méfient davantage, lassés par des applis qui promettent monts et merveilles mais livrent des failles. Peut-être qu’avec le temps, cette industrie s’éteindra d’elle-même, victime de sa propre insouciance.

En attendant, une chose est sûre : utiliser un stalkerware, c’est jouer avec le feu. Pour vous, pour vos proches, et pour des données que vous ne contrôlez plus une fois dans la nature.