Stellantis Victime de sa Chasse Effrénée aux Coûts ?
C'est un séisme qui secoue actuellement le monde de l'automobile. Stellantis, géant né de la fusion entre PSA et Fiat-Chrysler, vient d'émettre un avertissement sur ses résultats. Déjà, l'action dégringole en bourse. Les actionnaires s'interrogent : la stratégie de réduction des coûts à tout va du dirigeant Carlos Tavares aurait-elle atteint ses limites ?
Chute des profits et de la trésorerie
Stellantis tablait jusqu'ici sur une marge opérationnelle supérieure à 10%. Mais c'était sans compter la morosité du marché automobile. Pour 2024, le groupe vise désormais entre 5,5% et 7%. Quant au flux de trésorerie, il devrait être négatif entre -5 et -10 milliards d'euros, alors qu'il était attendu positif.
La sanction boursière a été immédiate, avec l'action Stellantis effaçant tous ses gains depuis la création du groupe en 2021. Une douche froide pour celui qui était vu comme le meilleur élève de l'industrie auto en termes de résultats financiers.
Des difficultés opérationnelles aux États-Unis
Si la baisse du marché impacte tous les constructeurs, Stellantis fait aussi face à des problèmes spécifiques. Notamment aux États-Unis, son deuxième marché, où un "plan marketing qui n'a pas très bien marché" est mis en cause par Carlos Tavares. Des actions correctrices sont en cours pour redresser les parts de marché et réduire les stocks.
L'entreprise n'est pas en difficulté au sens de sa survie, mais c'est un avertissement sérieux.
Carlos Tavares, PDG de Stellantis
Des doutes sur la méthode Tavares
Au-delà de la conjoncture, ce "profit warning" soulève des questions sur la stratégie du dirigeant. Surnommé le "cost killer", Carlos Tavares a fait de la chasse aux coûts son credo. Mais cette politique aurait-elle atteint un plafond ?
Plusieurs signaux inquiètent : un turn-over élevé des cadres, un plan d'austérité interne jugé excessif, des litiges avec des fournisseurs, des tensions politiques en Italie... Sans oublier des rappels massifs chez Citroën et des soucis de fiabilité sur certains moteurs, qui pèsent sur l'image.
La dernière ligne droite pour Tavares
À 66 ans, Carlos Tavares joue son dernier coup. Le conseil d'administration a acté son départ en retraite début 2026. Il a désormais 15 mois pour redresser la barre et finir sur une bonne note, lui qui sait combien un dirigeant est jugé sur ses derniers résultats.
2024 est une année difficile, 2025 verra l'arrivée en force des constructeurs chinois en Europe. S'ils dépassent 10% de parts de marché, Carlos Tavares prévient d'un risque de surproduction et de fermetures d'usines. De quoi plomber un peu plus l'héritage du dirigeant.
L'échec du recyclage des batteries avec Orano
Autre mauvaise nouvelle récente pour Stellantis : l'abandon du projet de recyclage de batteries avec Orano. Annoncée en grande pompe en octobre 2023, cette coentreprise devait permettre de récupérer les matériaux des batteries en fin de vie grâce à un procédé innovant. Mais le projet est tombé à l'eau, sans plus d'explications, fin septembre 2024.
Un coup dur pour l'industriel, qui misait sur cette filière pour sécuriser son approvisionnement en matériaux critiques et réduire son empreinte environnementale. Le recyclage des batteries reste un défi majeur pour la filière automobile, alors que le nombre de véhicules électriques ne cesse de croître.
Carlos Tavares réussira-t-il son pari de redresser Stellantis avant de tirer sa révérence ? Si sa méthode a fait ses preuves par le passé, le dirigeant semble aujourd'hui pris à son propre piège. Difficile de sabrer plus dans les coûts sans mettre en péril l'entreprise. Le défi des 15 prochains mois s'annonce titanesque.