Stocker le CO2 dans les matériaux de construction : la solution ?

Et si la clé pour réduire drastiquement les émissions de CO2 se trouvait littéralement sous nos pieds ? C'est la piste explorée par une équipe de chercheurs américains, qui ont étudié le potentiel du stockage de carbone dans les matériaux de construction. Leurs résultats, publiés dans la revue Science, sont plus qu'encourageants : jusqu'à 50% des émissions annuelles pourraient théoriquement être absorbées par nos bâtiments et infrastructures !

Des matériaux de construction enrichis en carbone

L'idée est simple : incorporer du CO2 dans les principaux matériaux utilisés dans le BTP, comme le béton, les briques ou encore l'asphalte. Plusieurs techniques existent, comme la minéralisation qui permet de fixer le CO2 dans des agrégats à base de magnésium ou de calcium. Ces agrégats carbonés peuvent ensuite être utilisés dans la fabrication du béton, en remplacement des granulats classiques.

Autre piste prometteuse : l'utilisation de ciments bas carbone, enrichis en biochar (charbon végétal). Selon les chercheurs, un ciment contenant 15% de biochar pourrait stocker plus de 2 kg de CO2 par kg de matériau. Même constat pour les briques vertes, qui intègrent des fibres végétales ou sont fabriquées à partir de ciment carbonaté.

Un potentiel de stockage colossal

En appliquant ces solutions à l'ensemble des matériaux de construction produits chaque année, le potentiel de stockage du CO2 devient vertigineux. Pour le béton, les agrégats carbonés permettraient à eux seuls de capturer plus de 10 gigatonnes (Gt) de CO2 annuellement, soit un quart des émissions mondiales !

L'utilisation de matériaux de construction enrichis en carbone pourrait théoriquement permettre de stocker jusqu'à 16,6 Gt de CO2 par an, soit la moitié des émissions anthropiques actuelles.

Étude publiée dans Science

En cumulant béton, ciment, briques, asphalte et autres matériaux, c'est un total de 16,6 Gt de CO2 qui pourrait être absorbé chaque année. Sur le long terme, les scientifiques estiment que plus de 1300 Gt pourraient être stockées d'ici 2100 si ces techniques étaient déployées dès maintenant. Soit le double de ce que préconise le GIEC pour limiter le réchauffement à +1,5°C !

Des freins à lever

Bien entendu, il s'agit là d'un potentiel théorique. Sa concrétisation dépendra de la capacité de l'industrie à opérer sa mue, mais aussi de la disponibilité des ressources nécessaires à la production de ces nouveaux matériaux bas carbone. La quantité de déchets riches en magnésium ou calcium pourrait ainsi limiter la production d'agrégats carbonés à 2 Gt par an.

Le coût énergétique de ces technologies, non pris en compte dans l'étude, sera également un paramètre crucial. Mais une chose est sûre : la décarbonation du secteur du BTP passera nécessairement par une évolution des matériaux de construction. Et le stockage du carbone dans le béton, les briques ou l'asphalte pourrait bien devenir l'une des principales solutions pour verdir durablement notre cadre bâti.