
Stratobus et Balman : L’Avenir des Ballons Stratosphériques
Avez-vous déjà imaginé un ballon capable de flotter à 20 kilomètres d’altitude, scrutant la Terre avec une précision inégalée, sans jamais bouger ? Lors du Salon du Bourget 2025, l’armée française a dévoilé une stratégie audacieuse pour conquérir la très haute altitude (THA), un espace stratégique entre 20 et 100 km d’altitude. Au cœur de cette ambition : des projets comme Stratobus et Balman, des ballons stratosphériques qui promettent de transformer la surveillance militaire et civile. Ces engins, soutenus par des financements publics, ne sont pas de simples ballons d’antan, mais des concentrés de technologie prêts à rivaliser avec les satellites.
Une Nouvelle Ère pour la Surveillance Stratosphérique
La stratosphère, cet espace méconnu situé entre l’atmosphère terrestre et l’espace, devient un terrain de jeu stratégique. Longtemps négligée, cette zone attire désormais l’attention des armées du monde entier. Pourquoi ? Parce qu’elle offre un compromis unique : la proximité du sol pour des observations précises, et une permanence que les satellites, contraints par leurs orbites, ne peuvent égaler. La France, déterminée à ne pas rater ce virage technologique, mise sur des ballons stratosphériques pour renforcer sa souveraineté et ses capacités de défense.
Le Salon du Bourget, qui s’est tenu du 16 au 22 juin 2025, a été le théâtre d’annonces majeures. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a présenté une stratégie axée sur la THA, soulignant l’urgence d’investir dans ce domaine face à une militarisation accélérée. Les projets Stratobus et Balman, portés respectivement par Thales Alenia Space et Héméria, incarnent cette ambition. Mais qu’ont-ils de si spécial ?
Stratobus : Le Géant des Airs
Développé par Thales Alenia Space, Stratobus est un dirigeable stratosphérique de 140 mètres de long, conçu pour opérer à 20 km d’altitude. Capable de transporter jusqu’à 450 kg de charge utile, cet engin impressionne par sa capacité à rester quasi-stationnaire pendant des mois. Contrairement aux satellites, il peut observer une zone fixe en continu, offrant une permanence inégalée pour la surveillance ou les télécommunications.
« L’affaire du ballon chinois en 2023 a réveillé les consciences. Cela a créé une dynamique au sein du ministère des Armées. »
– Yannick Combet, chef du projet Stratobus
Le projet, lancé en 2016, a connu des hauts et des bas. Après une phase de faisabilité validée entre 2020 et 2022, Stratobus a bénéficié d’un regain d’intérêt grâce à un financement de 10 millions d’euros. Ce soutien permettra de développer deux démonstrateurs à échelle réduite, qui voleront en 2026 et 2027 depuis les îles Canaries. Un prototype grandeur nature est prévu d’ici la fin de la décennie, marquant le début de la phase commerciale.
Quels sont les atouts de Stratobus ?
- Autonomie énergétique : Des panneaux solaires souples génèrent jusqu’à 300 kW.
- Observation prolongée : Une capacité à rester stationnaire pendant des semaines.
- Charge utile : Jusqu’à 450 kg pour des capteurs ou équipements de télécommunication.
Le site d’Istres, dans les Bouches-du-Rhône, pourrait bientôt accueillir deux lignes d’assemblage, avec une capacité de production de 40 unités par an. Thales Alenia Space envisage même des sites de production à l’international pour répondre à une demande croissante.
Balman : La Précision au Service de la Défense
De son côté, Héméria, une entreprise issue de l’acquisition de CNIM Air Space en 2022, développe Balman, un ballon stratosphérique manœuvrant. Avec un financement de 5 millions d’euros, ce projet vise à produire trois démonstrateurs d’ici 2027, avec un vol de qualification prévu fin 2025 en Guyane. Contrairement aux ballons dérivants, Balman peut ajuster son altitude entre 16 et 25 km grâce à un système de compresseur et de propulseurs.
« Balman offrira des résolutions d’image comparables aux meilleurs satellites militaires en orbite basse. »
– Nicolas Multan, directeur général d’Héméria
Équipé de capteurs pour capturer des images dans le spectre visible et invisible, Balman promet une qualité d’observation exceptionnelle. Ses batteries, alimentées par des panneaux solaires, assurent une autonomie prolongée. Avec une commercialisation prévue entre 2026 et 2027, Héméria ambitionne de se positionner comme un acteur clé dans la surveillance stratosphérique.
Pourquoi les Ballons Stratosphériques Fascinent-ils ?
Les ballons stratosphériques présentent des avantages indéniables par rapport aux satellites. Leur proximité au sol permet des observations plus précises, tandis que leur capacité à rester stationnaires offre une continuité que les satellites, contraints par leurs orbites, ne peuvent égaler. De plus, leur coût de déploiement est bien inférieur, rendant ces technologies accessibles pour des applications civiles et militaires.
Voici un tableau comparatif pour mieux comprendre :
Critère | Ballons Stratosphériques | Satellites |
---|---|---|
Altitude | 16-25 km | 200-1000 km |
Permanence | Stationnaire (semaines/mois) | Orbitale (passages brefs) |
Coût | Modéré | Élevé |
Résolution d’image | Comparable ou supérieure | Variable |
Ces caractéristiques font des ballons stratosphériques une solution idéale pour des missions de surveillance, de télécommunications ou même de gestion de catastrophes. Leur flexibilité et leur coût abordable en font des outils stratégiques pour les armées modernes.
Une Stratégie Militaire Ambitieuse
La France ne se contente pas de développer des ballons. Sa stratégie pour la THA inclut également des technologies d’interception et de détection. Le programme Nostradamus, un radar expérimental porté par l’ONERA, et des tests d’interception avec des missiles Aster B1 NT, montrent que l’armée française anticipe une militarisation croissante de cet espace. Le projet Zephyr, un drone solaire d’Airbus, complète cette vision avec un financement de 2,3 millions d’euros.
« Personne ne parlait de très haute altitude il y a deux ans. Il faut agir vite pour ne pas revivre l’erreur des drones. »
– Sébastien Lecornu, ministre des Armées
En comparant la THA au newspace, le ministre insiste sur l’urgence d’innover. La France veut éviter de répéter les erreurs du passé, notamment son retard dans le développement des drones. Les investissements, bien que modestes, marquent un premier pas vers une présence affirmée dans cet espace stratégique.
Vers une Révolution Industrielle ?
Les projets Stratobus et Balman ne se contentent pas d’ambitions militaires. Ils ouvrent la voie à des applications civiles, comme la surveillance environnementale, la gestion des catastrophes ou les télécommunications dans des zones reculées. Thales Alenia Space envisage une production à grande échelle, avec des sites d’assemblage à l’international. Héméria, de son côté, capitalise sur son expertise pour diversifier ses applications.
Les défis restent nombreux :
- Technologie : Développer des enveloppes résistantes et des systèmes énergétiques fiables.
- Régulation : Clarifier le cadre juridique de la THA, une zone grise en droit international.
- Compétition : Faire face à la concurrence internationale, notamment chinoise et américaine.
Malgré ces obstacles, l’enthousiasme est palpable. Les ballons stratosphériques pourraient redéfinir notre approche de la surveillance et des télécommunications, tout en renforçant la souveraineté technologique de la France.
Et Après ?
Le Salon du Bourget 2025 a marqué un tournant pour les ballons stratosphériques. Avec des projets comme Stratobus et Balman, la France se positionne comme un acteur majeur dans la course à la THA. Les prochaines étapes – démonstrateurs, vols de qualification, commercialisation – seront cruciales pour transformer ces promesses en réalité. D’ici 2030, ces engins pourraient devenir des outils incontournables, aussi bien pour les armées que pour les applications civiles.
En attendant, une question demeure : la France saura-t-elle maintenir son avance dans ce domaine stratégique ? Seul l’avenir nous le dira, mais une chose est sûre : les ballons stratosphériques ne sont plus un simple rêve d’ingénieur. Ils flottent déjà à l’horizon, prêts à redessiner le ciel de demain.