
Symbio : La Fin de l’Hydrogène avec Stellantis ?
En juillet 2025, une annonce choc secoue l’industrie automobile française : Stellantis, géant du secteur, décide de mettre fin à ses investissements dans l’hydrogène. Cette décision, aussi soudaine qu’inattendue, met en péril l’avenir de Symbio, une startup française spécialisée dans les piles à combustible. Comment une entreprise prometteuse, soutenue par des mastodontes comme Michelin et Forvia, peut-elle se retrouver à la croisée des chemins ? Cet article explore les origines de cette crise, les enjeux pour Symbio et les perspectives d’une filière hydrogène en plein doute.
Symbio : Une Ambition Écologique à l’Épreuve
Fondée en 2010 près de Grenoble, Symbio s’est imposée comme un acteur clé dans le développement des piles à combustible pour la mobilité. En collaborant dès ses débuts avec le CEA, l’entreprise a misé sur une vision audacieuse : rendre l’hydrogène décarboné accessible pour les véhicules utilitaires. En 2012, au Salon de l’Automobile de Paris, elle dévoile un Renault Kangoo ZE équipé d’une pile à combustible, marquant un tournant dans son histoire.
Le soutien de grands industriels comme Michelin, qui acquiert Symbio en 2018, et Forvia, qui prend 50 % du capital la même année, propulse l’entreprise vers de nouveaux horizons. En 2023, l’arrivée de Stellantis comme actionnaire à hauteur de 33,3 % semble sceller un avenir radieux. Mais ce partenariat, qui représentait 80 % des commandes de Symbio, s’effondre brutalement avec l’annonce de Stellantis.
Stellantis : Un Revirement Stratégique Brutal
Pourquoi un tel revirement ? Stellantis, qui avait misé sur l’hydrogène pour ses véhicules utilitaires légers, juge désormais la technologie peu viable commercialement. Depuis 2021, seuls 300 véhicules équipés de piles à combustible ont été vendus, loin des ambitions initiales. Cette faible performance, couplée à des coûts élevés, a poussé le constructeur à réorienter ses priorités vers l’électrique à batterie.
« Depuis leur arrivée, tout a été calibré pour eux, la feuille de route commerciale revue pour 2032 et les choix techniques adaptés à leurs besoins. »
– Source proche du dossier, L’Usine Nouvelle
Ce changement de cap a des répercussions immédiates. Forvia, l’un des actionnaires de Symbio, qualifie la situation de « grave » sur le plan opérationnel et financier. La startup, qui emploie plus de 650 collaborateurs, risque de voir ses projets s’effondrer, notamment sa gigafactory inaugurée en décembre 2023 à Saint-Fons, près de Lyon.
La Gigafactory de Saint-Fons : Un Rêve Inachevé ?
L’inauguration de la gigafactory de Symbio, en présence de plusieurs ministres, avait marqué les esprits. Avec un investissement d’un milliard d’euros entre 2021 et 2028, dont près de 600 millions d’euros de fonds européens via le programme Piiec, l’usine devait devenir un fleuron de l’industrie française. L’objectif ? Produire 50 000 unités par an d’ici 2026, un seuil inédit pour une usine de piles à combustible.
Malheureusement, les volumes escomptés n’ont pas suivi. Faute de commandes suffisantes, l’usine fonctionne au ralenti, loin de son plein potentiel. Cette situation illustre les défis d’une industrialisation précoce dans un marché encore immature. Comme le souligne un ancien dirigeant de Symbio, « c’est l’usine la plus industrialisée dans ce domaine », mais sans débouchés, elle reste un géant aux pieds d’argile.
Une Filière Hydrogène en Crise
La décision de Stellantis ne touche pas seulement Symbio. Elle fragilise toute la chaîne de valeur de l’hydrogène en France. Par exemple, Innoplate, une coentreprise entre Symbio et Schaeffler, produit des plaques bipolaires, un composant essentiel des piles à combustible. Depuis juin 2024, cette usine basée dans le Bas-Rhin risque de voir son activité compromise.
De même, des équipementiers comme Forvia et OPmobility, qui ont investi massivement dans les réservoirs à hydrogène, se retrouvent en difficulté. OPmobility, anticipant un marché plus lent que prévu, a déjà ajusté ses coûts, mais l’avenir reste incertain. La filière hydrogène, autrefois vue comme complémentaire à l’électrique, peine à séduire les consommateurs en raison de son coût élevé et de son infrastructure limitée.
« L’hydrogène est une technologie jeune, encore coûteuse, qui lutte pour trouver sa place face à la batterie électrique. »
– Analyste du secteur automobile
Les Défis de l’Hydrogène dans la Mobilité
Longtemps présenté comme une alternative prometteuse, l’hydrogène fait face à des obstacles structurels. Le manque de stations de recharge, les coûts de production élevés et la concurrence avec les véhicules électriques freinent son adoption. Renault, par exemple, a dû liquider sa coentreprise Hyvia avec Plug Power en début d’année, un autre signe des difficultés du secteur.
Pourtant, certains constructeurs comme Toyota, BMW et Hyundai continuent de croire en l’hydrogène. Leurs projets, prévus pour la fin de la décennie, misent sur une baisse des coûts et une amélioration des infrastructures. Mais pour Symbio, le temps presse. Sans nouveaux clients ou partenaires, la startup risque de ne pas atteindre ses objectifs.
Quelles Perspectives pour Symbio ?
Face à cette crise, Symbio doit rapidement trouver des solutions pour survivre. Voici quelques pistes possibles :
- Diversification des clients : Trouver de nouveaux partenaires industriels pour compenser la perte de Stellantis.
- Optimisation des coûts : Réduire les dépenses tout en maintenant les capacités de production de la gigafactory.
- Innovation technologique : Développer des piles à combustible plus compétitives pour séduire de nouveaux marchés.
- Partenariats publics : S’appuyer sur des financements comme France 2030 pour soutenir ses projets.
La situation reste critique, mais Symbio dispose d’atouts. Son expertise, son usine moderne et le soutien de Michelin et Forvia pourraient lui permettre de rebondir, à condition de trouver rapidement des débouchés commerciaux.
L’Hydrogène : Une Technologie d’Avenir ?
La crise de Symbio soulève une question plus large : l’hydrogène a-t-il encore sa place dans la transition énergétique ? Si les défis sont nombreux, les opportunités existent. L’hydrogène pourrait trouver des applications dans des secteurs comme les transports lourds, l’aviation ou l’industrie, où les batteries électriques montrent leurs limites.
Pour réussir, la filière doit surmonter plusieurs obstacles :
- Infrastructures : Développer un réseau de stations de recharge hydrogène.
- Coûts : Réduire les coûts de production et de distribution de l’hydrogène.
- Compétitivité : Rendre la technologie plus attractive face aux solutions électriques.
En attendant, Symbio se trouve à un tournant décisif. La startup, symbole de l’innovation française, devra faire preuve de résilience pour surmonter cette crise et continuer à porter l’ambition d’une mobilité décarbonée.
Un Enjeu National et Européen
Le cas de Symbio dépasse les frontières de l’entreprise. Avec des financements publics massifs, dont ceux du programme France 2030 et des aides européennes, l’échec de Symbio serait un coup dur pour la crédibilité de la filière hydrogène française. Le gouvernement, qui a fait de l’hydrogène un pilier de sa stratégie de réindustrialisation, pourrait être contraint de revoir ses ambitions.
Pourtant, des initiatives comme le projet Piiec montrent que l’Europe croit encore en l’hydrogène décarboné. Symbio, avec son savoir-faire et ses partenaires, pourrait devenir un acteur central de cette transition, à condition de surmonter les défis actuels.
En conclusion, l’abandon de Stellantis place Symbio dans une position délicate, mais pas désespérée. La startup doit diversifier ses activités, s’appuyer sur ses atouts technologiques et trouver de nouveaux partenaires pour rebondir. L’hydrogène, malgré ses défis, reste une solution d’avenir pour une mobilité durable. Reste à savoir si Symbio saura saisir cette opportunité pour écrire un nouveau chapitre de son histoire.