Temu, géant chinois du e-commerce, face aux règles strictes de l’UE
Imaginez un instant : vous êtes un géant chinois de l'e-commerce, en pleine expansion internationale, quand soudain, l'Union Européenne vous désigne comme une "très grande plateforme en ligne". C'est précisément ce qui arrive à Temu, la marketplace à bas coût détenue par le détaillant en ligne Pinduoduo. Un statut qui s'accompagne de lourdes responsabilités et d'une surveillance accrue, mais qui témoigne aussi de son succès fulgurant sur le Vieux Continent.
Un succès européen qui n'est pas passé inaperçu
Lancée il y a à peine un an en Europe, Temu a rapidement séduit les consommateurs avec ses produits à petits prix. Si bien qu'elle aurait déjà franchi la barre des 75 millions d'utilisateurs dans l'UE, selon certains rapports. Un chiffre impressionnant qui dépasse largement le seuil des 45 millions fixé par Bruxelles pour être considéré comme une "très grande plateforme en ligne" (VLOP).
Mais ce statut a un prix : Temu va devoir se plier aux règles les plus strictes du Digital Services Act (DSA), le nouveau règlement européen sur les services numériques. Concrètement, la plateforme devra :
- Faire preuve de plus de transparence sur ses algorithmes et ses outils de recommandation
- Évaluer et atténuer les risques systémiques liés à ses services
- Lutter contre les produits contrefaits, illégaux ou dangereux
Des obligations qui s'ajoutent à celles déjà prévues pour l'ensemble des plateformes, quelle que soit leur taille. L'objectif : assainir le marché unique numérique européen et protéger les consommateurs.
Des plaintes qui ont accéléré le processus
Cette désignation intervient quelques semaines seulement après que des associations européennes de défense des consommateurs ont déposé une série de plaintes contre Temu. Elles accusent la plateforme de violer le DSA, notamment en matière de signalement des vendeurs illégaux, de suppression des avis négatifs ou encore d'informations trompeuses sur les prix et les délais de livraison.
Des accusations graves qui ont sans doute pesé dans la décision de la Commission européenne de classé Temu parmi les VLOP. Un statut déjà attribué à 23 autres entreprises, dont les GAFAM, mais aussi son rival chinois SHEIN.
Temu reconnaît la désignation de notre plateforme en tant que très grande plateforme en ligne par la Commission européenne. Nous nous engageons pleinement à respecter les règles et réglementations prévues par le DSA pour assurer la sécurité, la transparence et la protection de nos utilisateurs au sein de l'Union Européenne.
– Un porte-parole de Temu
Une période de grâce pour se mettre en conformité
Si les règles spécifiques aux VLOP sont contraignantes depuis août dernier, Temu bénéficie toutefois d'un délai de quatre mois pour s'y conformer. Soit jusqu'à fin septembre 2024. D'ici là, la plateforme va devoir plancher avec la Commission et les autorités irlandaises, son pays d'implantation en Europe, pour fournir des évaluations régulières des risques liés à ses activités.
Une opportunité de gagner la confiance des Européens
Plus qu'une contrainte, ce nouveau statut pourrait bien être une opportunité pour Temu de renforcer son image et sa crédibilité auprès des consommateurs européens. En se pliant de bonne grâce aux exigences du DSA, la plateforme montrerait son engagement en faveur d'un e-commerce plus responsable et transparent.
Une démarche indispensable pour s'imposer durablement sur un marché européen de plus en plus régulé et conscient des enjeux de souveraineté numérique. Car si les produits à bas coût ont toujours la cote en période d'inflation, les acheteurs sont aussi de plus en plus attentifs à l'éthique et la fiabilité des plateformes qu'ils fréquentent.
En jouant le jeu de la réglementation européenne, Temu pourrait ainsi transformer cette contrainte en avantage concurrentiel face à d'autres acteurs moins vertueux. Et poursuivre sereinement son irrésistible ascension sur le Vieux Continent, malgré un contexte géopolitique tendu entre la Chine et l'Occident.
