Tesla FSD : 80 Infractions aux Feux Rouges Détectées
Imaginez-vous arrêté à un feu rouge, tranquille, et soudain la Tesla devant vous avance tout droit alors que le signal est encore écarlate. Pas de conducteur paniqué, pas de freinage d’urgence : juste le logiciel Full Self-Driving qui a décidé que le rouge n’était qu’une suggestion. Ce scénario, qui ressemble à un mauvais rêve, s’est produit au moins quatre-vingts fois selon les autorités américaines. Et le chiffre ne cesse de grimper.
La NHTSA passe à la vitesse supérieure contre Tesla FSD
Le 5 décembre 2025, l’agence fédérale de sécurité routière américaine (National Highway Traffic Safety Administration) a envoyé une nouvelle lettre particulièrement salée à Tesla. Ce n’est plus une simple demande d’explications : c’est le lancement officiel de la phase de découverte d’une enquête déjà ouverte en octobre. Et les chiffres font mal.
En deux mois à peine, le nombre de cas rapportés où le Full Self-Driving (Supervised) a violé les règles de circulation a bondi de 50 à au moins 80. Parmi eux :
- 62 plaintes directes d’utilisateurs
- 14 signalements transmis par Tesla elle-même
- 4 articles de presse avec vidéos à l’appui
Les infractions les plus fréquentes ? Grillage de feux rouges et franchissement de lignes continues ou séparation de voies. Des comportements qui, dans le monde réel, valent un retrait de permis immédiat.
Un carrefour maudit… et bien d’autres
Lors de l’ouverture de l’enquête en octobre, plusieurs vidéos montraient le même carrefour à Joppa, dans le Maryland. Tesla avait alors assuré avoir « pris des mesures » pour corriger le problème à cet endroit précis. Problème : les nouveaux signalements proviennent d’endroits différents. Le bug n’était donc pas localisé, il est systémique.
Et comme Tesla censure lourdement les données géographiques dans ses propres rapports à la NHTSA, impossible de savoir exactement où ces nouvelles infractions ont eu lieu. Une opacité qui commence sérieusement à agacer les régulateurs.
« L’ODI évalue si le logiciel de Tesla est capable de détecter correctement et de répondre de manière appropriée aux feux de signalisation, panneaux et marquages au sol. »
– Extrait de la lettre de la NHTSA, 5 décembre 2025
Tesla doit ouvrir ses livres avant le 19 janvier 2026
La lettre de huit pages détaille une liste impressionnante de données que Tesla doit fournir d’ici mi-janvier :
- Nombre exact de véhicules équipés FSD (version Supervised)
- Taux d’engagement moyen du logiciel (combien de kilomètres parcourus en FSD)
- Toutes les plaintes clients reçues, y compris celles des flottes et des procédures d’arbitrage
- Données télémétriques complètes des incidents
- Historique complet des mises à jour logicielles ayant modifié la perception des feux et marquages
C’est la première fois que la NHTSA demande un tel niveau de transparence. Et pour cause : c’est la deuxième enquête en deux mois sur le FSD (la première porte sur les conditions de faible visibilité : brouillard, soleil rasant…).
Elon Musk persiste et signe… en pleine tempête
Le timing est presque comique. La même semaine où la NHTSA envoie sa lettre, Elon Musk publie sur X que la prochaine version du FSD sera tellement bonne que les conducteurs pourront « regarder des vidéos ou envoyer des SMS » en toute sécurité.
Problème : envoyer des SMS au volant est illégal dans 48 États américains, même avec un système de niveau 2 (celui de Tesla, qui exige une supervision humaine constante). La NHTSA n’a pas encore répondu publiquement, mais des sources internes parlent déjà d’une « provocation inutile ».
Cette déclaration rappelle étrangement l’époque où Tesla présentait l’Autopilot comme capable de « tout faire » alors que les enquêtes s’accumulaient déjà. Histoire de boucler la boucle.
Entre rêve Robotaxi et réalité réglementaire
Tesla prépare activement le lancement de son Robotaxi (prévu pour 2026 en Californie). Pour obtenir l’autorisation d’exploiter une flotte sans chauffeur, l’entreprise doit démontrer un niveau de sécurité largement supérieur à celui d’un humain.
Or chaque vidéo d’un FSD qui grille un feu rouge est une bombe à retardement pour ces ambitions. Waymo et Cruise, les deux leaders actuels du robotaxi, ont mis des années à obtenir des autorisations ultra-restrictives. Tesla veut brûler les étapes… mais la réalité rattrape vite.
Et pendant ce temps, les concurrents chinois (Baidu Apollo, Pony.ai, WeRide) avancent à marche forcée avec des flottes déjà opérationnelles dans plusieurs villes, sous une régulation bien plus souple.
Que risque vraiment Tesla ?
Plusieurs scénarios se dessinent :
- Un simple rappel logiciel (le plus probable à court terme)
- L’obligation de désactiver certaines fonctionnalités FSD dans les zones urbaines
- Une amende record (la NHTSA a déjà infligé 1,5 million de dollars en 2023)
- Dans le pire des cas, suspension pure et simple de la commercialisation du FSD
Ce dernier point serait catastrophique : le Full Self-Driving représente une part croissante des revenus récurrents de Tesla (abonnements à 99 $/mois ou achat définitif à 8 000 $).
Et les conducteurs dans tout ça ?
La grande question reste la responsabilité. Quand le logiciel commet une erreur grave, qui est responsable ? Le conducteur qui devait surveiller ? Tesla ?
Les assurances commencent déjà à poser la question. Certaines compagnies refusent d’assurer les véhicules avec FSD activé, ou appliquent des surprimes importantes. Et chaque nouvelle vidéo virale renforce ce mouvement.
Le paradoxe veut que plus Tesla pousse les conducteurs à faire confiance au système (via des mises à jour toujours plus « audacieuses »), plus la responsabilité juridique pèse sur l’entreprise en cas d’accident grave.
Vers une régulation fédérale inévitable ?
Aux États-Unis, la conduite autonome reste un patchwork réglementaire. Chaque État fait ce qu’il veut. Mais les enquêtes répétées de la NHTSA pourraient déboucher sur la première vraie loi fédérale sur les véhicules autonomes.
Le Congrès discute déjà d’un texte qui imposerait :
- Des standards minimaux de perception (feux, panneaux, piétons)
- L’obligation de conserver toutes les données télémétriques pendant 5 ans
- Des tests indépendants avant chaque mise à jour majeure
Tesla, qui a toujours milité pour une régulation légère, pourrait paradoxalement accélérer l’arrivée d’un cadre beaucoup plus strict.
Le rêve d’une voiture 100 % autonome sans volant ni pédales s’éloigne un peu plus chaque jour. Entre les performances réelles du logiciel, les exigences des régulateurs et les déclarations tonitruantes d’Elon Musk, la route vers le véritable autonomous driving ressemble de plus en plus à un parcours semé d’embûches.
Et vous, feriez-vous encore confiance à votre Tesla pour traverser une ville la nuit après avoir vu ces vidéos ? La réponse, pour l’instant, semble de plus en plus nuancée.