TikTok défie l’ordre de fermeture du Canada
Imaginez un instant que votre application préférée disparaisse soudainement du jour au lendemain. C'est le scénario auquel sont confrontés des millions d'utilisateurs canadiens de TikTok, suite à l'ordre donné par le gouvernement fédéral au géant chinois de cesser ses activités au Canada. Mais coup de théâtre : TikTok contre-attaque et engage une procédure judiciaire, remettant en cause l'équité du processus d'examen de sécurité nationale. Retour sur cette saga où s'entremêlent enjeux géopolitiques, souveraineté numérique et régulation des géants de la tech.
La décision choc du Canada
Le 6 novembre 2024, le gouvernement canadien a ordonné à TikTok de mettre un terme à ses opérations dans le pays, invoquant des risques spécifiques pour la sécurité nationale liés aux activités de sa maison-mère chinoise ByteDance. Une décision radicale qui n'est pas allée jusqu'à bannir purement et simplement la plateforme, mais qui vise à répondre aux inquiétudes croissantes sur l'utilisation potentielle des données des utilisateurs.
Pour TikTok, les conséquences sont lourdes :
- L'arrêt des activités se traduirait par le licenciement de centaines d'employés canadiens.
- Plus de 250 000 contrats avec des annonceurs canadiens sont menacés.
- TikTok affirme contribuer chaque année à hauteur de plusieurs millions de dollars à l'économie canadienne.
Un processus d'examen "inéquitable" selon TikTok
Loin de se laisser faire, TikTok est passé à la contre-attaque en déposant un recours devant la Cour fédérale de Vancouver. Le réseau social y dénonce une décision "déraisonnable" et "totalement disproportionnée", fruit d'un processus d'examen de sécurité nationale qu'il juge inéquitable sur le plan procédural.
TikTok affirme que les représentants fédéraux ont failli à leur obligation d'engagement substantiel pendant le processus, se contentant d'échanges sporadiques et de lettres types envoyées à toutes les entreprises examinées. Le géant chinois estime qu'au vu des enjeux, il était en droit d'attendre "un devoir accru d'équité procédurale".
Le gouvernement ne peut pas commenter l'affaire en raison des dispositions de confidentialité de la Loi sur Investissement Canada. Mais nous maintenons notre décision de faire passer la sécurité des Canadiens en premier.
Audrey Milette, porte-parole d'ISDE Canada
Le Canada sort les griffes contre les géants du numérique
L'affaire TikTok s'inscrit dans un contexte de fermeté croissante des autorités canadiennes vis-à-vis des mastodontes de la tech :
- Le Bureau de la concurrence a lancé des poursuites contre Google pour pratiques anticoncurrentielles dans la publicité en ligne.
- Le Commissaire à la protection de la vie privée a obtenu de LinkedIn qu'il suspende l'utilisation des données personnelles de ses membres canadiens pour entraîner ses modèles d'IA.
Face à ces géants, le Canada entend bien faire valoir sa souveraineté numérique et sa capacité à réguler les pratiques jugées abusives ou menaçantes pour ses intérêts nationaux. Tout l'enjeu pour les autorités sera de trouver le bon équilibre entre protection légitime et ouverture indispensable à l'innovation.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
L'avenir de TikTok au Canada est désormais suspendu à la décision de la Cour fédérale. Si cette dernière venait à donner raison au gouvernement, cela créerait un précédent majeur et ouvrirait potentiellement la voie à d'autres actions contre les entreprises technologiques étrangères. À l'inverse, une victoire de TikTok renforcerait les garanties procédurales et limiterait la marge de manœuvre du gouvernement.
Au-delà de son issue, ce bras de fer illustre parfaitement les défis posés par la régulation des géants du numérique à l'ère de la data. Comment concilier innovation, respect de la vie privée et protection des intérêts nationaux dans un cyberespace sans frontières ? La réponse à cette question complexe sera déterminante pour façonner le visage de notre économie et de notre société numériques de demain.