Ubisoft France : Vers un Apaisement des Tensions Sociales ?

Dans un contexte de fortes tensions sociales, la direction d'Ubisoft France rencontre ce mercredi les représentants syndicaux et les CSE de ses entités françaises. L'objectif affiché est clair : apaiser le jeu et renforcer le dialogue social après plusieurs mouvements de grève en 2024. Mais les enjeux sont profonds et les défis nombreux pour le géant français du jeu vidéo.

Un dialogue social dégradé sur fond de réduction du télétravail

Au cœur de la contestation des syndicats : la décision unilatérale de la direction de réduire le télétravail, pourtant très répandu dans l'industrie du jeu vidéo. Une mesure vécue comme une régression par les salariés, attachés à ce mode de travail flexible, particulièrement depuis la crise sanitaire.

Mais au-delà du télétravail, c'est le dialogue social dans son ensemble qui est pointé du doigt. Les organisations syndicales dénoncent des « conditions dégradées » et un manque d'information sur la santé financière et l'avenir de l'entreprise. Des reproches qui illustrent une défiance grandissante entre direction et représentants du personnel.

La procédure d'alerte économique, symbole d'une inquiétude profonde

Signe d'une réelle préoccupation, le CSE d'Ubisoft Paris a même déclenché mi-décembre une procédure d'alerte économique. Ce dispositif légal permet aux élus d'obtenir des explications de l'employeur lorsque la situation de l'entreprise suscite des inquiétudes. Une première chez Ubisoft.

Les représentants sont extrêmement préoccupés par la santé de l'entreprise.

Communiqué intersyndical STJV, CFE-CGC, Solidaires Informatique

Face à cette procédure, la direction a choisi la voie judiciaire en contestant le droit d'alerte devant le tribunal de Bobigny. Une réponse légaliste qui ne fait qu'accroître le climat de défiance.

Assassin's Creed reporté, Bourse en berne : Ubisoft dans la tourmente

Il faut dire que le leader français du jeu vidéo traverse une passe difficile. Après la réception mitigée de certains jeux et plusieurs avertissements sur résultats, l'action Ubisoft a dévissé en Bourse l'an dernier (-43%).

La sortie très attendue du prochain opus d'Assassin's Creed, franchise phare de l'éditeur, a par ailleurs été reportée à deux reprises. Un retard de mauvais augure qui a conduit Ubisoft à revoir à la baisse ses objectifs financiers.

Dans ce contexte morose, plusieurs signaux inquiètent les syndicats quant à l'avenir d'Ubisoft. Le groupe a ainsi confirmé étudier « diverses options stratégiques et capitalistiques transformantes ». De quoi alimenter les spéculations sur un rachat ou un rapprochement.

Ubisoft-Tencent : vers un rapprochement Capital ?

Justement, la famille Guillemot, fondatrice et premier actionnaire d'Ubisoft, discuterait avec Tencent, le géant chinois des jeux vidéo entré au capital en 2018. L'objectif serait de renforcer leurs liens pour restructurer Ubisoft en profondeur.

De quoi raviver les craintes des salariés, qui redoutent une perte d'indépendance et une cure d'austérité. Beaucoup ont en tête le souvenir amer du plan de départs volontaires mené en 2020. Une grande partie des discussions du jour portera donc sûrement sur les garanties sociales en cas de rapprochement capitalistique.

Renouer le dialogue pour retrouver la sérénité

Dans ce climat lourd de menaces, les réunions de mercredi constituent donc un enjeu crucial pour le management. Il s'agira de rassurer les troupes sur la pérennité de l'entreprise et sa capacité à rebondir tout en clarifiant les intentions actionnariales.

Mais surtout, la direction devra démontrer sa volonté sincère de refonder le dialogue social sur des bases saines. Cela passera a minima par une vraie concertation sur le recours au télétravail et un effort de transparence sur la situation. Un défi majeur pour retrouver la sérénité et rester compétitif dans un secteur en constante mutation.

Avec des franchises comme Lapins Crétins et Assassin's Creed, Ubisoft reste un acteur majeur capable d'imposer ses créations. Mais sans une paix sociale durable, difficile pour les équipes de se projeter et d'exprimer tout leur talent créatif. Seul un dialogue social de qualité permettra de libérer l'énergie positive pour affronter les mutations profondes d'un marché impitoyable. La direction semble l'avoir compris, reste à transformer l'essai. L'avenir d'Ubisoft est à ce prix.