UE Surveille TikTok pour la Sécurité des Élections
Face aux inquiétudes grandissantes concernant l'impact de TikTok sur les élections en Roumanie, la Commission européenne a annoncé renforcer sa surveillance de la conformité de la plateforme avec le cadre de gouvernance en ligne de l'UE, le Digital Services Act (DSA). Cette décision fait suite à l'émergence choc de Călin Georgescu, un nationaliste indépendant d'extrême droite pro-russe, comme principal candidat au premier tour des élections présidentielles roumaines le mois dernier.
Inconnu du grand public il y a encore quelques semaines, Georgescu a mené une campagne politique non conventionnelle en s'appuyant massivement sur TikTok. Créditée de seulement 1% d'intentions de vote début novembre, sa candidature a explosé pour atteindre près de 23% au premier tour le 24 novembre. Les autorités roumaines et des experts indépendants pointent du doigt une campagne de propagande en ligne impliquant des influenceurs TikTok rémunérés, qui enfreindrait les lois électorales locales selon le Washington Post.
TikTok, un "très grand" risque sous surveillance
Au sein de l'Union européenne, TikTok est considéré comme une "très grande plateforme en ligne" (VLOP) au titre du DSA. À ce titre, le réseau social est tenu d'atténuer les risques systémiques tels que les menaces pesant sur les processus démocratiques. C'est pourquoi la Commission européenne s'intéresse de près à la controverse électorale roumaine.
Le non-respect du DSA pourrait valoir à TikTok des amendes allant jusqu'à 6% de son chiffre d'affaires annuel mondial. La Commission a déjà ouvert une enquête en février dernier sur sa conformité, notamment concernant les risques liés à ses algorithmes. Mais avec ce nouveau cas roumain, le contrôle de l'UE sur TikTok semble s'étendre aux risques démocratiques.
Une "ordonnance de conservation" pour geler les preuves
Pour parer à toute éventualité, les régulateurs du DSA ont émis une "ordonnance de conservation" à l'encontre de TikTok. Cette injonction lui ordonne de "geler et préserver les données relatives aux risques systémiques réels ou prévisibles que son service pourrait faire peser sur les processus électoraux et le débat civique dans l'UE". Une mesure visant à "préserver les informations et preuves disponibles" en vue d'une possible enquête approfondie sur le respect par TikTok de ses obligations.
Cette ordonnance de conservation est une étape clé pour aider les enquêteurs à établir les faits et s'ajoute à nos demandes officielles d'informations.
Henna Virkkunen, vice-présidente de la Commission chargée de la souveraineté technologique
TikTok promet de coopérer
De son côté, un porte-parole de TikTok a assuré que la plateforme "coopérait déjà avec la Commission et continuerait de le faire", ajoutant "se réjouir d'établir les faits au regard de certaines spéculations et rapports inexacts".
L'ordonnance de conservation concerne la période du 24 novembre au 31 mars 2025, couvrant donc le second tour de l'élection roumaine prévu le 8 décembre prochain. Une pression supplémentaire sur TikTok pour qu'il fasse beaucoup mieux en termes de prévention des abus.
L'UE manque-t-elle de réactivité ?
Mais en agissant seulement maintenant, à quelques jours d'un scrutin crucial, la Commission européenne ne pèche-t-elle pas par lenteur ? Rappelons que le DSA a justement été conçu pour contraindre les plateformes à faire respecter leurs propres conditions d'utilisation. Pourtant, force est de constater que malgré ce cadre juridique novateur, les dérives sur TikTok ont pu prospérer pendant des semaines sans réaction des autorités.
L'avenir nous dira si ce coup de semonce de Bruxelles suffira à responsabiliser TikTok et les autres géants du web. Mais il met en lumière les défis persistants pour garantir l'intégrité démocratique à l'ère des réseaux sociaux, y compris sous le nouveau régime européen de régulation numérique. La vigilance de la société civile et des médias reste plus que jamais indispensable.