Un Bilan Mitigé pour le Programme Territoires d’Industrie
Le programme Territoires d'industrie, lancé en 2018 pour dynamiser l'emploi industriel dans certaines zones, a-t-il atteint ses objectifs ? C'est la question à laquelle la Cour des comptes a tenté de répondre dans son évaluation récente. Le verdict : un bilan en demi-teinte, avec quelques effets bénéfiques mais des résultats en deçà des attentes.
Un programme ambitieux mais des moyens insuffisants
Territoires d'industrie avait pour objectif de concentrer les efforts de l'État, des collectivités et des entreprises sur certains territoires à fort potentiel industriel. L'idée était de créer une dynamique vertueuse en facilitant les coopérations locales et en orientant les financements vers ces zones prioritaires.
Mais dans les faits, le programme disposait d'un budget propre limité et n'a pas vraiment réussi à infléchir les priorités d'action et d'investissement des différents acteurs impliqués. Un manque de moyens et d'impulsion qui explique en partie les résultats décevants.
Une relance de l'emploi industriel qui se fait attendre
Le principal échec du programme concerne l'emploi. Malgré une conjoncture globalement favorable, les créations de postes dans l'industrie n'ont pas été plus dynamiques dans les Territoires d'industrie que dans les autres zones sur la période 2018-2022.
Les entreprises industrielles y ont même continué à disparaître, même si c'est à un rythme un peu moins soutenu qu'ailleurs. Leur situation financière semble par contre un peu meilleure en moyenne, sans qu'on puisse formellement attribuer cela aux actions menées dans le cadre du programme.
Des coopérations locales encourageantes
Le bilan n'est heureusement pas totalement négatif. La Cour des comptes souligne que Territoires d'industrie a eu un réel effet mobilisateur et fédérateur auprès des acteurs locaux (élus, industriels, services de l'État...). Des projets de coopération ont vu le jour et une dynamique positive s'est enclenchée dans plusieurs régions.
Territoires d'industrie a favorisé le dialogue et les partenariats entre les différentes parties prenantes autour des enjeux de développement industriel.
Extrait du rapport de la Cour des comptes
C'est d'ailleurs sur cette dimension que le programme semble le plus prometteur. En structurant les échanges et en faisant émerger des projets communs, il pose les bases d'une politique industrielle réellement ancrée dans les territoires.
Les pistes d'amélioration pour la phase 2
Fort de ces enseignements, le gouvernement a décidé de reconduire le programme pour la période 2023-2027, en y apportant quelques améliorations suggérées par la Cour des comptes :
- Une meilleure intégration de Territoires d'industrie dans les priorités d'action et les moyens des services de l'État et des opérateurs publics.
- Un suivi plus fin et régulier des indicateurs de performance (emploi, investissements, projets soutenus...).
- Un encouragement à approfondir les coopérations locales, en capitalisant sur les bonnes pratiques des territoires les plus dynamiques.
Avec ces ajustements, le programme devrait monter en puissance et permettre d'amplifier les effets positifs déjà observés, en espérant cette fois des résultats plus significatifs sur l'emploi.
Un révélateur des forces et faiblesses de la politique industrielle française
Au-delà de son bilan propre, Territoires d'industrie est intéressant car il révèle en creux certaines limites de la politique industrielle menée ces dernières années en France :
- Un saupoudrage des moyens et un manque de priorisation des enjeux et des territoires.
- Une difficulté à mobiliser réellement la puissance publique au service du développement industriel, au-delà des effets d'annonce.
- Une insuffisante coordination entre les différents échelons territoriaux et les multiples acteurs impliqués.
Si le programme ne peut à lui seul résoudre ces problèmes structurels, il a le mérite de les mettre en lumière et d'expérimenter des solutions nouvelles. Les enseignements de Territoires d'industrie seront donc précieux pour améliorer et mieux cibler les politiques de soutien à l'industrie dans les années à venir.
L'enjeu majeur sera de passer d'une logique de guichet et de saupoudrage à une véritable politique partenariale, articulant les interventions nationales et locales au service de priorités claires et de projets structurants à fort impact. Un défi ambitieux mais nécessaire pour réussir le pari de la réindustrialisation du pays.