Un Tribunal Catalan Poursuit les Dirigeants de NSO Group
Et si votre téléphone, cet objet du quotidien, devenait une arme contre vous ? En Catalogne, une affaire judiciaire secoue le monde de la tech : un tribunal de Barcelone vient d’autoriser des poursuites contre les dirigeants de **NSO Group**, une entreprise controversée spécialisée dans les logiciels espions. Cette décision, annoncée le 5 mars 2025, pourrait bien redéfinir les limites de la responsabilité individuelle dans l’univers des start-ups technologiques. Plongeons dans cette histoire qui mêle innovation, éthique et justice.
Quand la Technologie Défie la Loi
À l’origine de cette affaire, une plainte déposée par Iridia, une ONG basée à Barcelone, qui défend les droits humains. Leur cible ? Les co-fondateurs de NSO Group, Omri Lavie et Shalev Hulio, ainsi que Yuval Somekh, un ancien cadre de deux filiales. Ces trois hommes sont accusés d’avoir orchestré une opération d’espionnage visant Andreu Van den Eynde, un avocat catalan connu pour son engagement. Mais comment une start-up israélienne se retrouve-t-elle au cœur d’un tribunal espagnol ?
Une Enquête qui Remonte le Fil
L’histoire commence avec des soupçons de piratage. Andreu Van den Eynde, figure respectée du barreau catalan, aurait été victime d’une intrusion via **Pegasus**, le spyware phare de NSO Group. Ce logiciel, capable de s’infiltrer dans un smartphone sans laisser de traces, aurait permis d’accéder à des données sensibles. Iridia, en déposant sa plainte, a pointé du doigt non seulement l’entreprise, mais aussi ses dirigeants, exigeant qu’ils répondent personnellement de ces actes.
Initialement, un tribunal inférieur avait rejeté cette demande. Mais après un appel d’Iridia, la cour supérieure de Barcelone a renversé la décision. Résultat : Lavie, Hulio et Somekh peuvent désormais être inculpés. Une victoire symbolique pour l’ONG, qui voit dans ce jugement un pas vers plus de transparence dans le secteur technologique.
Cette décision marque un précédent juridique majeur dans la lutte contre l’espionnage par spyware en Europe.
– Lucía Foraster Garriga, porte-parole d’Iridia
NSO Group : Une Start-up sous Pression
NSO Group n’est pas une inconnue dans le paysage des start-ups. Fondée en 2010, cette entreprise s’est fait un nom en vendant des outils de surveillance aux gouvernements. Officiellement, elle affirme que ses logiciels, comme *Pegasus*, servent à lutter contre le terrorisme et le crime organisé. Mais les dérives sont nombreuses : des journalistes, des militants et maintenant des avocats se retrouvent dans le viseur.
Face à cette nouvelle affaire, la réponse de l’entreprise reste laconique. “Nous n’avons aucun commentaire”, a simplement déclaré Gil Lanier, porte-parole de NSO Group. Quant aux trois dirigeants visés, ils n’ont pas réagi publiquement. Un silence qui contraste avec l’ampleur des accusations portées contre eux.
Pourquoi Cette Décision Change la Donne
Jusqu’ici, les entreprises technologiques comme NSO Group bénéficiaient d’une certaine immunité. Les poursuites visaient souvent les structures, pas les individus. Mais ce jugement catalan brise cette barrière. En ciblant directement les fondateurs et un cadre, il envoie un message clair : la **responsabilité personnelle** pourrait devenir la norme dans les affaires de cybersécurité.
Pour les observateurs, c’est une avancée. Les start-ups qui flirtent avec les limites éthiques ne pourront plus se cacher derrière leur statut juridique. Et en Europe, où la protection des données est sacrée, cette affaire pourrait inspirer d’autres actions en justice.
Un Contexte Européen Sensible
La Catalogne n’est pas un choix anodin. Région marquée par des tensions politiques, elle a déjà été le théâtre de scandales liés à la surveillance. En 2022, le scandale *Catalangate* avait révélé que des dizaines de figures indépendantistes avaient été espionnées via Pegasus. Cette nouvelle affaire ravive les débats sur l’utilisation abusive des technologies de pointe.
À l’échelle européenne, les régulateurs scrutent de plus en plus les pratiques des entreprises technologiques. La décision de Barcelone pourrait ainsi pousser Bruxelles à durcir ses lois sur les spywares. Une chose est sûre : le vieux continent ne veut plus être un terrain de jeu pour les start-ups sans scrupules.
Les Répercussions pour l’Industrie Tech
Pour les start-ups, cette affaire est un avertissement. L’innovation, oui, mais pas à n’importe quel prix. NSO Group, avec ses contrats juteux et ses clients controversés, incarne les dérives possibles d’un secteur en pleine expansion. Mais elle n’est pas seule : d’autres entreprises, moins médiatisées, opèrent dans l’ombre avec des outils similaires.
- Une pression accrue sur les fondateurs pour justifier leurs choix stratégiques.
- Un risque de sanctions personnelles, au-delà des amendes corporate.
- Une défiance croissante des investisseurs envers les techs controversées.
Les entrepreneurs devront désormais peser chaque décision. Car, comme le montre cette affaire, un tribunal peut frapper là où ça fait mal : au sommet.
Et Après ? Les Défis à Venir
Le chemin est encore long. L’inculpation n’est qu’une étape : il faudra prouver la culpabilité des dirigeants devant un tribunal. NSO Group, habituée aux batailles judiciaires, ne se laissera pas faire. Mais pour Iridia et les défenseurs des droits numériques, le symbole est déjà fort.
À l’avenir, cette affaire pourrait redessiner les contours de la **cybersécurité**. Les gouvernements devront clarifier leurs relations avec ces entreprises. Les citoyens, eux, exigeront plus de contrôle sur leurs données. Et les start-ups ? Elles devront choisir : innover pour le bien commun ou risquer de tomber sous le couperet de la justice.
En attendant, l’affaire NSO Group reste un feuilleton à suivre. Une chose est sûre : dans le monde de la tech, les lignes bougent, et pas toujours dans le sens attendu.