Une avancée révolutionnaire pour la FIV : pause sur l’embryon
Imaginez pouvoir appuyer sur le bouton "pause" au tout début d'une grossesse. C'est précisément ce que des chercheurs viennent de découvrir chez l'humain : un mécanisme cellulaire permettant de suspendre temporairement le développement d'un embryon, comme cela existe déjà chez certains mammifères. Une avancée qui pourrait bien révolutionner les techniques de fécondation in vitro (FIV).
La diapause embryonnaire, un phénomène bien connu chez les mammifères
Chez de nombreuses espèces de mammifères comme les rongeurs, les ours ou encore les kangourous, la nature a prévu un système ingénieux : la diapause embryonnaire. Il s'agit de la capacité à interrompre le développement d'un embryon pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois, empêchant son implantation dans l'utérus. L'embryon est ainsi mis en "stand-by" en attendant des conditions plus favorables (disponibilité de nourriture, saison propice...) pour poursuivre son développement et mener à bien la gestation.
Si ce phénomène est bien documenté chez de nombreux animaux, son existence chez l'humain restait incertaine. Des chercheurs de l'Institut Max Planck de génétique moléculaire et de l'Académie autrichienne des sciences viennent de lever le voile sur ce mystère, en démontrant que les cellules humaines possèdent bien la machinerie moléculaire nécessaire pour déclencher cet état de dormance embryonnaire.
La voie mTOR, clé de la pause embryonnaire
Plutôt que de travailler directement sur des embryons, l'équipe a utilisé des cellules souches et des modèles de blastocystes appelés blastoïdes. Ils ont ainsi identifié un processus moléculaire spécifique, la voie mTOR, qui semble contrôler cet état de diapause. En bloquant cette voie, les blastoïdes entraient dans un état dormant :
« La voie mTOR est un régulateur majeur de la croissance et de la progression du développement chez les embryons de souris », explique Aydan Bulut-Karslioglu, auteur principal de l'étude. « Lorsque nous avons traité des cellules souches humaines et des blastoïdes avec un inhibiteur de mTOR, nous avons observé un retard de développement, ce qui signifie que les cellules humaines peuvent déployer la machinerie moléculaire pour provoquer une réponse similaire à la diapause. »
– Aydan Bulut-Karslioglu, Institut Max-Planck de génétique moléculaire
Durant cette phase de dormance induite, la division et la différenciation cellulaires étaient fortement ralenties, et les blastoïdes avaient plus de mal à s'implanter. De plus, cet état n'était observable qu'au même stade de développement que chez les mammifères connus pour leur diapause naturelle. Mais surtout, une fois la voie mTOR réactivée, les blastoïdes reprenaient un développement normal.
Vers de nouvelles perspectives pour la FIV
Si ces travaux n'en sont qu'à leurs prémices, ils ouvrent déjà d'incroyables possibilités pour les technologies de reproduction assistée comme la FIV. En effet, un développement trop lent est souvent synonyme d'échec d'implantation. Stimuler la voie mTOR pourrait donc augmenter les chances de succès.
À l'inverse, déclencher temporairement un état de diapause lors d'une FIV donnerait plus de temps pour évaluer la qualité des embryons et choisir le meilleur moment pour les implanter, en synchronisant mieux leur développement avec le cycle de la mère. Nicolas Rivron, co-auteur de l'étude, y voit un immense potentiel :
« D'un côté, on sait qu'un développement plus rapide augmente les chances de succès en FIV, et stimuler l'activité mTOR pourrait y parvenir. De l'autre, déclencher un état dormant pendant la procédure FIV donnerait une plus grande fenêtre de temps pour évaluer la santé de l'embryon et le synchroniser avec la mère pour une meilleure implantation dans l'utérus. »
– Nicolas Rivron, Institut de biologie moléculaire de l'Académie autrichienne des sciences
Cette découverte fondamentale nous rappelle à quel point la nature recèle encore de nombreux secrets, y compris chez l'humain. Nul doute que la maîtrise de la diapause embryonnaire ouvrira de nouvelles voies pour aider les couples en mal d'enfant, en augmentant les taux de réussite de la FIV. De quoi redonner de l'espoir à des millions de personnes dans le monde.
Mais au-delà des applications cliniques, cette avancée soulève également des questions éthiques. Jusqu'où pourrons-nous aller dans le contrôle du développement embryonnaire humain ? Quelles seront les limites à ne pas franchir ? Un débat passionnant en perspective qui devra impliquer scientifiques, médecins, mais aussi philosophes et citoyens.