
Vancouver : La Ville Amie du Bitcoin en Danger ?
Et si une ville entière décidait de parier sur le Bitcoin pour façonner son avenir économique ? À Vancouver, cette idée audacieuse portée par le maire Ken Sim suscite autant d’enthousiasme que de controverses. Alors que la ville aspire à devenir un hub mondial de la cryptomonnaie, une récente défaite électorale remet en question cette ambition. Entre innovation technologique et défis politiques, plongeons dans l’histoire d’une métropole qui tente de redéfinir son identité à l’ère du numérique.
Vancouver, pionnière du Bitcoin ?
Depuis décembre 2024, Vancouver explore officiellement l’idée de devenir une ville "Bitcoin-friendly". Une motion, portée par le maire Ken Sim, a chargé les équipes municipales d’étudier comment intégrer la cryptomonnaie dans les opérations de la ville. Taxes payées en Bitcoin, réserves financières converties en crypto, services publics modernisés grâce à la blockchain : les ambitions sont vastes. Mais ce rêve d’innovation se heurte à des obstacles de taille, à commencer par une opposition politique croissante.
Le maire, entrepreneur et ancien banquier d’investissement, voit dans le Bitcoin un outil pour sécuriser l’avenir financier de la ville. Pourtant, une récente élection partielle a révélé un manque d’adhésion populaire. Les candidats soutenus par Sim, fervents défenseurs de la cryptomonnaie, ont terminé loin derrière leurs concurrents. Ce revers électoral pose une question cruciale : Vancouver est-elle prête à embrasser cette révolution numérique ?
Un pari risqué pour Ken Sim
Ken Sim ne cache pas son enthousiasme pour le Bitcoin. Lors d’un événement organisé par Coinbase en mars 2025, il a défendu sa vision avec conviction, malgré les doutes. Pourtant, en privé, il a admis que cette politique n’est pas un "gagnant électoral". Une confidence lourde de sens, alors que les résultats des urnes confirment un rejet partiel de son agenda crypto.
Politiquement, ce n’est pas un gagnant. En fait, ça peut même nuire.
– Ken Sim, maire de Vancouver
Malgré ces défis, Sim persiste. Propriétaire de parts dans Coinbase et détenteur de Bitcoin, il croit fermement en la valeur à long terme de la cryptomonnaie. Il a même promis de donner l’équivalent de 10 000 dollars en Bitcoin à la ville si son projet est adopté. Cette audace, héritée de son passé d’entrepreneur, divise : certains y voient une vision futuriste, d’autres un pari trop risqué.
Les obstacles politiques et réglementaires
Le chemin vers une Vancouver pro-Bitcoin est semé d’embûches. Au niveau provincial, le parti au pouvoir, le NPD, s’oppose fermement à l’idée que les municipalités détiennent des réserves en cryptomonnaie, invoquant des risques financiers. Cette position bloque potentiellement toute initiative ambitieuse de la ville.
À l’échelle locale, l’opposition n’est pas en reste. Des conseillers municipaux, comme Pete Fry du Parti Vert, soulignent les risques liés au blanchiment d’argent via le Bitcoin. D’autres, à l’image d’Adriane Carr, pointent l’impact environnemental du minage de cryptomonnaie, qui consomme d’importantes quantités d’électricité.
Je ne pense pas que ce soit la bonne direction, surtout sans aborder les problèmes sérieux de blanchiment d’argent.
– Pete Fry, conseiller municipal
Ces critiques ne sont pas anodines. La motion initiale de Sim, bien que vague, n’a pas obtenu un soutien unanime au conseil municipal. Avec l’arrivée de nouveaux conseillers élus lors de l’élection partielle, tous opposés à la vision crypto de Sim, l’avenir de son projet semble incertain.
Un écosystème technologique en effervescence
Vancouver n’est pas étrangère à l’innovation. La ville abrite des entreprises comme Dapper Labs, un leader du Web3 connu pour avoir créé les NFTs et le projet NBA Top Shot. Cet écosystème technologique dynamique est l’un des arguments clés de Sim pour justifier son pari sur le Bitcoin. Selon lui, Vancouver a l’opportunité de devenir un leader mondial dans l’adoption des technologies de la blockchain.
Sim n’est pas seul dans cette quête. Des initiatives créatives émergent, comme celle de Jarrett Vaughan, professeur à l’Université de Colombie-Britannique. Avec l’entreprise MintGreen, il propose d’utiliser la chaleur générée par le minage de Bitcoin pour chauffer la piscine de Kitsilano, tout en vendant la cryptomonnaie produite pour financer les opérations. Une idée qui illustre le potentiel d’une intégration intelligente de la technologie dans les infrastructures urbaines.
Pour Sim, ces projets sont la preuve que Vancouver peut innover tout en restant fidèle à ses valeurs de durabilité et de progrès. Mais convaincre les sceptiques reste un défi de taille.
Le Bitcoin, un actif d’avenir ?
L’un des arguments centraux de Sim est que le Bitcoin constitue une protection contre l’inflation. Alors que le dollar canadien a perdu 1,6 % de sa valeur face au dollar américain en un an, le Bitcoin, malgré sa volatilité, affiche une tendance haussière sur le long terme. Selon les défenseurs de la cryptomonnaie, sa rareté – avec seulement 21 millions de Bitcoins jamais créés – en fait un actif unique.
Sim s’appuie sur des exemples internationaux pour étayer son propos. En Suisse, la ville de Zug, surnommée "Crypto Valley", accepte les paiements en Bitcoin pour les services publics depuis des années. En Corée du Sud, Séoul explore l’intégration de la blockchain dans ses opérations municipales. Ces succès contrastent avec des échecs, comme celui d’El Salvador, qui a abandonné le Bitcoin comme monnaie légale en 2025 après quatre ans d’expérimentation.
Pour Vancouver, la question est de savoir si le Bitcoin est un investissement spéculatif ou un outil viable pour les finances municipales. Sim penche clairement pour la seconde option, mais ses détracteurs craignent une prise de risque excessive.
Une course contre la montre
Le maire est convaincu que le temps presse. Avec près de 20 millions de Bitcoins déjà minés, la compétition pour les derniers coins s’intensifie. Le processus de minage devient de plus en plus coûteux en énergie et en ressources, et les récompenses diminuent tous les quatre ans lors d’un événement appelé "halving".
Sim estime que Vancouver dispose d’une fenêtre de six mois pour agir, faute de quoi elle risque de rater une opportunité historique. Deux options s’offrent à la ville : investir dans un ETF Bitcoin, qui permet de profiter de la hausse des prix sans détenir directement la cryptomonnaie, ou miner ses propres Bitcoins, une approche plus complexe mais potentiellement plus rentable.
Pour Sim, le choix est clair : "Si nous n’agissons pas maintenant, nous regretterons d’avoir manqué cette chance." Mais cette urgence contraste avec la prudence de ses opposants, qui appellent à une analyse approfondie avant toute décision.
Quel avenir pour Vancouver ?
Alors que Ken Sim entame la troisième année de son mandat, son pari sur le Bitcoin pourrait définir son héritage. Une réussite pourrait positionner Vancouver comme un leader mondial de l’innovation financière, attirant entreprises et talents du secteur de la blockchain. Un échec, en revanche, risque de ternir son image et de renforcer les critiques sur sa gestion.
Pour l’instant, l’avenir reste incertain. Le rapport commandé par la ville, attendu en mai 2025, sera déterminant. S’il recommande l’adoption du Bitcoin, Sim devra rallier une majorité au conseil municipal, une tâche rendue plus difficile par les récents résultats électoraux. S’il échoue, Vancouver pourrait rejoindre la liste des villes ayant flirté avec la cryptomonnaie sans aller au bout.
Quoi qu’il arrive, l’expérience de Vancouver illustre les tensions entre innovation et prudence, entre vision audacieuse et réalisme politique. Une chose est sûre : le débat sur le Bitcoin est loin d’être terminé.
Les leçons à tirer
Le cas de Vancouver offre des enseignements précieux pour d’autres villes tentées par l’aventure crypto. Voici quelques points clés :
- L’adoption du Bitcoin nécessite un consensus politique fort pour surmonter les oppositions.
- Les préoccupations environnementales et éthiques, comme le minage énergivore, doivent être adressées.
- Les exemples internationaux, qu’ils soient des succès ou des échecs, sont des guides précieux.
- Une communication claire est essentielle pour convaincre le public des bénéfices de la cryptomonnaie.
En définitive, Vancouver se trouve à un carrefour. Embrassera-t-elle pleinement la révolution du Bitcoin, ou optera-t-elle pour la prudence face aux incertitudes ? Seul l’avenir nous le dira, mais une chose est certaine : cette ville canadienne ne laisse personne indifférent.