Waga Energy Vendue à EQT : Fin de l’Aventure Boursière
Imaginez une jeune entreprise française, nichée au pied des Alpes, qui parvient à transformer les rejets invisibles des décharges en une source d'énergie propre et rentable. C'est l'histoire de Waga Energy, une pépite de l'innovation verte qui, après avoir bravé les vents de la Bourse pendant quatre ans, décide de changer de cap. Pressée par les exigences du marché financier et animée par une ambition démesurée, elle s'allie à un géant suédois des investissements. Mais qu'est-ce qui pousse une startup en pleine croissance à abandonner les projecteurs de la cotation pour embrasser une nouvelle ère sous l'égide d'un fonds comme EQT ?
Une Trajectoire Fulminante dans l'Univers du Biogaz
Waga Energy n'est pas née d'hier. Fondée en 2015 par trois visionnaires – Mathieu Lefebvre, Guénaël Prince et Nicolas Paget –, l'entreprise s'est rapidement imposée comme un acteur clé dans la production de biométhane à partir de déchets organiques. Leur innovation phare, la Wagabox, est une unité compacte de purification cryogénique qui capture le gaz émis par les décharges et le transforme en un combustible renouvelable injectable dans les réseaux de gaz naturel. Ce procédé, à la fois efficace et scalable, a permis à Waga de se déployer bien au-delà des frontières hexagonales.
En l'espace de dix ans, la startup a multiplié les installations : aujourd'hui, 31 Wagabox tournent à plein régime en Europe et en Amérique du Nord, tandis que 19 autres sont en phase de construction. Ces machines high-tech génèrent déjà un chiffre d'affaires de 55,7 millions d'euros en 2024, un bond impressionnant pour une entreprise qui mise sur la circularité des ressources. Mais derrière ces chiffres flatteurs se cache une réalité plus nuancée : le secteur des énergies renouvelables est un océan de défis, où chaque avancée technique doit composer avec des contraintes réglementaires et financières impitoyables.
Ce qui nous anime, c'est la conviction que chaque tonne de déchets enfouie est une opportunité manquée pour la planète. Notre mission ? La transformer en énergie utile, sans compromettre l'environnement.
– Mathieu Lefebvre, PDG de Waga Energy
Cette citation du dirigeant illustre parfaitement l'ADN de Waga : un mélange d'idéalisme écologique et de pragmatisme entrepreneurial. L'entreprise, basée à Eybens en Isère, emploie désormais 300 personnes passionnées, prêtes à conquérir de nouveaux marchés. Pourtant, malgré ces succès, l'entrée en Bourse en 2021 s'est révélée être un double tranchant. D'un côté, elle a apporté visibilité et capitaux ; de l'autre, elle a exposé la jeune pousse aux caprices d'un marché volatil.
L'Entrée en Bourse : Un Pari Audacieux mais Distrayant
En 2021, Waga Energy fait sensation sur Euronext Growth. L'opération, sursouscrite, valorise l'entreprise à plusieurs centaines de millions d'euros et attire l'attention des investisseurs internationaux. Pour une startup française dans un niche comme le biogaz, c'est un coup de maître. Les fonds levés permettent d'accélérer les déploiements : des contrats signés avec des municipalités en France, aux États-Unis et au Canada, où les normes environnementales se durcissent.
Mais la vie de cotée n'est pas un long fleuve tranquille. Le management, emmené par Mathieu Lefebvre, passe des heures à rédiger des rapports trimestriels, à répondre aux analystes et à justifier chaque euro dépensé. Dans un secteur où les résultats à court terme priment souvent sur les visions long-terme, expliquer la complexité d'une Wagabox – un bijou technologique qui purifie le méthane par refroidissement extrême – devient une gageure quotidienne.
Et puis, il y a les aléas macroéconomiques. La remontée des taux d'intérêt, les tensions géopolitiques, ou encore l'élection de figures comme Donald Trump, influencent les valorisations boursières. Pour Waga, qui dépend de levées de fonds régulières pour financer ses projets capital-intensifs, ces fluctuations deviennent un frein majeur. En 2024, lever 52 millions d'euros s'apparente déjà à un exploit ; imaginer en mobiliser des centaines pour les années à venir frise l'impossible sur les marchés publics.
- Visibilité accrue auprès des partenaires nord-américains, boostant les contrats outre-Atlantique.
- Structuration interne accélérée, avec l'adoption de standards comptables et de gouvernance solides.
- Reconnaissance sectorielle, positionnant Waga comme leader européen du biométhane de décharge.
Ces avantages n'ont pas été négligeables, mais ils pèsent de moins en moins lourd face aux contraintes. C'est dans ce contexte que l'approche d'EQT, le mastodonte suédois des infrastructures, change la donne.
EQT : Le Partenaire Idéal pour une Croissance Accélérée
EQT n'est pas n'importe quel fonds. Avec 273 milliards d'euros sous gestion, c'est le plus grand d'Europe en matière d'infrastructures. Spécialisé dans les actifs durables, il a déjà investi dans des pépites comme la Saur en France, prouvant sa capacité à accompagner des entreprises dans leur expansion internationale. Le 5 juin 2025, les fondateurs de Waga et les actionnaires historiques cèdent 54,1% du capital à EQT, ouvrant la voie à une OPA complète d'ici fin d'année.
Pourquoi EQT ? Parce que ce partenariat promet une stabilité financière inédite. Exit les caprices boursiers ; place à des injections de capitaux massives pour convertir un pipeline de projets estimé à 16,8 TWh par an. Imaginez : des dizaines de nouvelles Wagabox déployées en Amérique du Nord, où les décharges municipales regorgent de potentiel inexploité, et en Europe, où les directives européennes sur la neutralité carbone imposent des transformations radicales.
Les fondateurs, loin de se retirer, réinvestissent leur part, assurant une continuité dans la vision stratégique. Le siège reste à Grenoble, l'équipe au complet, et l'esprit entrepreneurial intact. C'est une alliance qui sent le soufre pour les concurrents : Waga, dopée aux fonds EQT, pourrait bien dominer le marché du biométhane d'ici une décennie.
Ce partenariat débloque des investissements significatifs pour accélérer notre croissance. Nous pourrons enfin convertir notre pipeline sans les distractions de la Bourse.
– Mathieu Lefebvre, PDG de Waga Energy
Cette opération n'est pas qu'une transaction financière ; c'est un pivot stratégique vers une échelle globale. Waga Energy, qui vient d'ouvrir un bureau au Brésil et vise le Mexique et la Colombie, se prépare à une conquête sud-américaine. L'Asie ? C'est pour demain, une fois les bases consolidées.
Le Modèle Économique de Waga : Capital-Intensif mais Révolutionnaire
Au cœur de Waga Energy bat un modèle hybride : développeur, opérateur et producteur de biométhane. Contrairement aux simples fournisseurs de technologie, l'entreprise prend en charge l'ensemble de la chaîne de valeur, des études de faisabilité à la vente du gaz purifié. Ce choix, audacieux dès 2015, exige des investissements colossaux : chaque Wagabox coûte plusieurs millions, sans compter les partenariats avec les gestionnaires de décharges.
La purification cryogénique, brevetée par Waga, est le joyau de la couronne. En refroidissant le gaz à -160°C, elle sépare le méthane des impuretés avec une pureté atteignant 99%. Résultat : un biométhane prêt à l'emploi, émettant jusqu'à 10 fois moins de CO2 que le gaz fossile. C'est cette efficacité qui séduit les collectivités locales, soumises à des quotas de recyclage énergétique de plus en plus stricts.
Mais ce modèle a un revers : il est capital-intensif. Pour scaler, Waga doit lever des fonds en continu, un exercice rendu périlleux par la Bourse. Avec EQT, ces barrières tombent. Le fonds, habitué aux projets à long horizon, peut financer des flottes entières de Wagabox, transformant des décharges en mines d'or vert.
- Avantage environnemental : Réduction des émissions de méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2.
- Avantage économique : Revenus récurrents via la vente de biométhane aux réseaux gaziers, avec des contrats sur 15-20 ans.
- Avantage social : Création d'emplois locaux et valorisation des déchets, alignée sur l'économie circulaire.
En somme, le modèle de Waga n'est pas seulement viable ; il est visionnaire, prêt à exploser sous l'impulsion d'un partenaire comme EQT.
Défis et Opportunités sur les Marchés Internationaux
L'expansion de Waga Energy n'est pas un chemin de roses. En Europe, la fragmentation réglementaire complique les déploiements : chaque pays a ses normes sur les subventions au biométhane. En Amérique du Nord, les distances logistiques et les hivers rigoureux testent la robustesse des Wagabox. Pourtant, ces défis forgent la résilience de l'entreprise.
Prenez le Canada : la dernière installation sur l'île de Vancouver marque une étape symbolique. Là-bas, les provinces investissent massivement dans la décarbonation des déchets, offrant à Waga des contrats juteux. Aux États-Unis, les États côtiers comme la Californie, pionniers en matière de crédits carbone, deviennent des cibles prioritaires. Et au Brésil ? Le bureau fraîchement ouvert cible les mégadécharges de São Paulo, où des millions de tonnes de déchets attendent d'être valorisées.
Les opportunités sont immenses : selon l'Agence Internationale de l'Énergie, le biométhane pourrait représenter 20% de la consommation gazière européenne d'ici 2050. Waga, avec son expertise, est bien placée pour capter une part significative de ce gâteau. Mais pour y parvenir, il faut scaler vite – et c'est là qu'EQT entre en scène, avec ses réseaux et ses capitaux.
Les municipalités du monde entier nous sollicitent pour décarboner leur gestion des déchets. Avec EQT, nous avons les moyens de répondre à cet appel global.
– Mathieu Lefebvre, PDG de Waga Energy
Cette expansion n'oublie pas les racines françaises. En Isère, Waga reste un fleuron du Made in France, collaborant avec des sous-traitants locaux pour assembler ses unités. C'est une success story qui inspire les startups vertes de l'Hexagone.
L'Impact Écologique : Au-Delà des Chiffres, une Révolution Verte
Parlons chiffres : chaque Wagabox évite l'émission de 50 000 tonnes de CO2 équivalent par an, l'équivalent des émissions d'une petite ville. Avec 31 unités opérationnelles, Waga Energy contribue déjà à une réduction significative de l'empreinte carbone mondiale. Et ce n'est que le début : le pipeline de 16,8 TWh pourrait, une fois réalisé, alimenter des millions de foyers en gaz propre.
Mais l'impact va plus loin. En valorisant les déchets, Waga combat le méthane fugitif, responsable de 30% du réchauffement climatique actuel. C'est une réponse concrète à l'urgence climatique, alignée sur les objectifs de l'Accord de Paris. De plus, le biométhane favorise l'indépendance énergétique : moins de gaz importé, plus de ressources locales recyclées.
Sur le plan social, l'entreprise promeut l'emploi qualifié en régions rurales, souvent autour des décharges. À Claye-Souilly, par exemple, le partenariat avec Veolia pour le plus grand site de biométhane de France crée des dizaines d'emplois et revitalise un territoire.
- Réduction des GES : Jusqu'à 95% d'émissions en moins comparé au gaz fossile.
- Valorisation des déchets : Transformation de 1 million de tonnes de déchets par an en énergie utile.
- Contribution aux objectifs nationaux : Soutien à la Stratégie Nationale Bas-Carbone de la France.
Cette révolution verte n'est pas qu'écologique ; elle est économique et sociale, un modèle holistique que Waga Energy incarne avec brio.
Les Enjeux Réglementaires et les Perspectives pour le Biométhane
Le biométhane n'échappe pas aux débats publics. La Cour des Comptes française s'interroge : est-il réaliste de viser 50 TWh de biogaz en 2030 ? Les coûts de production, encore élevés, et la concurrence avec d'autres renouvelables posent question. Pourtant, des incitations comme le Tarif d'Achat Garanti (TAG) en France soutiennent le secteur, rendant les projets rentables.
À l'échelle européenne, le Green Deal pousse les États membres à multiplier les infrastructures. Waga, agile, s'adapte : ses Wagabox modulaires s'installent en quelques mois, contrairement aux méga-usines traditionnelles. C'est un atout compétitif majeur face à des géants comme Air Liquide ou Engie.
Avec EQT, Waga peut influencer les politiques : lobbying pour des quotas obligatoires de biométhane dans les réseaux, ou des crédits carbone renforcés. Les perspectives ? Un marché mondial évalué à 50 milliards d'euros d'ici 2030, où la startup française pourrait grappiller une part substantielle.
Produire 50 TWh de biogaz en 2030 est ambitieux, mais essentiel. Il faut des acteurs comme Waga pour le rendre possible.
– Extrait d'un rapport de la Cour des Comptes
Ces enjeux réglementaires, loin d'être des obstacles, deviennent des leviers pour une croissance soutenue.
Témoignages : Les Hommes et Femmes Derrière la Success Story
Derrière les machines et les deals, il y a des talents. Rencontrons quelques figures clés de Waga Energy. Prenez Sarah, ingénieure en cryogénie : arrivée en 2018, elle a optimisé le processus de purification, augmentant le rendement de 15%. Ou encore Carlos, responsable développement au Brésil : il négocie avec des maires locaux pour convertir des décharges en hubs énergétiques.
Mathieu Lefebvre, le PDG charismatique, incarne l'esprit pionnier. Ingénieur de formation, il a quitté un poste stable pour fonder Waga, motivé par la crise climatique. Son leadership, mêlant rigueur et optimisme, a su attirer des investisseurs comme EQT.
Les employés, eux, parlent d'une culture d'entreprise vivante : formations continues, télétravail flexible, et un engagement RSE fort. C'est cette humanité qui fait la force de Waga, au-delà des bilans comptables.
- Sarah, ingénieure : "Travailler sur la Wagabox, c'est voir la science servir la planète au quotidien."
- Carlos, développeur : "Au Brésil, chaque projet change des vies en rendant les déchets utiles."
- Mathieu Lefebvre : "Notre équipe est notre meilleur atout pour cette nouvelle phase."
Ces témoignages rappellent que l'innovation verte est avant tout une affaire de personnes passionnées.
Comparaison avec les Concurrents : Pourquoi Waga se Démarque
Dans le paysage du biogaz, Waga n'est pas seule. Des acteurs comme HomeBiogas en Israël ou Archaea Energy aux USA misent sur des technologies similaires. Mais la différence ? L'approche intégrée de Waga, qui gère tout de A à Z, réduit les risques et maximise les marges.
Voici un tableau comparatif succinct pour y voir plus clair :
| Critère | Waga Energy | Concurrent A (ex: Archaea) | Concurrent B (ex: HomeBiogas) |
| Modèle | Intégré (dev/op/prod) | Principalement producteur | Technologie seule |
| Techno | Cryogénique | Méthanisation anaérobie | Compacte domestique |
| Implantation | 50 unités globales | 30 aux USA | 100k unités résidentielles |
| CA 2024 | 55M€ | 200M$ | 50M$ |
Ce qui distingue Waga, c'est sa scalabilité industrielle et son focus sur les décharges municipales, un marché sous-exploité mais immense.
L'Avenir Post-EQT : Vers une Domination Mondiale ?
Avec EQT aux manettes, Waga Energy entre dans une phase d'hypercroissance. L'OPA, attendue fin 2025, libérera le management des contraintes boursières, permettant un focus total sur l'innovation. Prochains horizons : IA pour optimiser les purifications, ou hybridation avec l'hydrogène pour des applications plus larges.
À long terme, l'entreprise vise 100 Wagabox d'ici 2030, couvrant un potentiel de 50 TWh annuels. C'est une ambition qui pourrait la propulser parmi les licornes vertes européennes. Mais au-delà des projections, c'est l'impact sociétal qui compte : une planète moins polluée, des communautés plus résilientes, et une France fière de ses innovateurs.
En conclusion, la vente à EQT n'est pas une fin, mais un nouveau chapitre pour Waga Energy. Une startup qui, de Grenoble à Vancouver, prouve que l'innovation française peut changer le monde – un déchet à la fois. Et vous, croyez-vous en ce modèle pour l'énergie de demain ?
Annexes : Glossaire et Ressources pour Approfondir
Pour ceux qui veulent creuser, voici quelques termes clés :
- Biométhane : Gaz renouvelable issu de la purification du biogaz.
- Cryogénie : Technique de refroidissement extrême pour la séparation gazeuse.
- OPA : Offre Publique d'Achat, mécanisme pour racheter une société cotée.
Et pour aller plus loin, explorez les rapports de l'ADEME sur le biogaz ou les études EQT sur les infrastructures durables. Waga Energy n'est que le début d'une vague verte qui submergera nos économies.