Walor : Deux Usines Automobiles Ardennaises en Sursis
C'est une nouvelle qui inquiète le bassin d'emploi des Ardennes. Les deux usines du sous-traitant automobile Walor, situées à Bogny-sur-Meuse et Vouziers, sont en quête de repreneurs pour éviter une fermeture qui mettrait 245 salariés sur le carreau. Un nouveau coup dur pour ce territoire déjà fragilisé par les mutations industrielles.
Des sites spécialisés passés sous pavillon allemand
Walor, c'est un nom qui résonne dans les Ardennes. Le groupe, spécialisé dans l'usinage de pièces pour l'automobile, est un acteur historique du tissu industriel local. Son site de Bogny-sur-Meuse était même, il y a quelques années, le leader français de la fabrication de bielles.
Mais voilà, en 2023, les deux usines ardennaises ont été reprises par le fonds d'investissement allemand Mutares. Un changement de mains qui n'a visiblement pas inversé la tendance délicate dans laquelle se trouvaient déjà les sites.
Bogny-sur-Meuse : en activité partielle longue durée
A Bogny-sur-Meuse, qui compte 150 salariés, la sonnette d'alarme a été tirée il y a déjà deux ans. Depuis, l'usine tourne au ralenti, en activité partielle de longue durée. Un coup d'arrêt brutal pour ce site au savoir-faire reconnu.
Vouziers : activité en chute libre
Quant à l'usine de Vouziers et ses 95 employés, elle affiche un bilan tout aussi préoccupant :
- Baisse de 50% de la production
- Fin d'un contrat majeur de bielles pour Volvo
- Licenciement de 25 intérimaires
- Passage aux 35h, suppression des RTT et heures sup
- Début du chômage partiel en août
Une spirale qui fait redouter le pire aux salariés pour la rentrée de septembre.
On sait très bien que l'usine est en fin de vie. Les salariés n'y croient plus. Nous tendons le dos à une délocalisation de notre activité.
– Bruno Baudesson, délégué syndical CFDT à Vouziers
Des scénarios inquiétants
Le représentant syndical envisage deux issues peu réjouissantes : soit une vente pure et simple du site de Vouziers, soit un regroupement des effectifs des deux usines à Bogny-sur-Meuse, avec à la clé seulement 30% des postes maintenus.
Eric Billy, secrétaire général CFDT Grand-Est, ne fait pas non plus dans l'optimisme :
Ne nous voilons pas la face, ces deux ensembles industriels sont voués à une probable fermeture, car ils ont enregistré des baisses drastiques de leurs carnets de commandes.
La crise du secteur automobile et la transition vers l'électrique mettent en péril de nombreux sous-traitants historiques comme Walor. Le syndicaliste craint que la tendance ne fasse qu'empirer avec la fin annoncée des moteurs thermiques.
L'espoir d'une reprise s'amenuise
Pourtant, le groupe Mutares se veut rassurant et évoque des "marques d'intérêt" pour une éventuelle reprise des sites. Mais pour l'instant, aucune offre concrète n'a été formulée. Un potentiel acquéreur, resté anonyme, a bien visité les deux usines, sans donner suite pour le moment.
La CFDT demande la tenue d'une réunion en préfecture avec toutes les parties prenantes. Le syndicat rappelle que l'Etat a déjà soutenu Walor via un prêt garanti de 23 millions d'euros et attend un engagement fort pour donner un avenir aux salariés.
De son côté, le député ardennais Jean-Luc Warsmann doute de la volonté réelle de Mutares de trouver des solutions pérennes pour maintenir l'activité et l'emploi sur les sites de Bogny-sur-Meuse et Vouziers.
Le spectre d'une nouvelle désindustrialisation
Au-delà de Walor, c'est tout un écosystème de sous-traitance automobile qui vacille dans les Ardennes et plus largement dans le Grand Est, terre historique de l'industrie automobile française. De nombreux équipementiers voient fondre leurs commandes et peinent à trouver leur place dans un marché en plein bouleversement.
La menace d'une nouvelle vague de désindustrialisation plane sur ces bassins d'emplois déjà fragilisés par des décennies de restructurations. Une situation critique qui appelle une mobilisation de tous les acteurs - entreprises, syndicats, élus, Etat - pour éviter un nouveau traumatisme social et inventer un avenir industriel aux territoires concernés.
Car derrière les difficultés de sites comme ceux de Walor, ce sont des savoir-faire uniques, des emplois par centaines et toute la vitalité de zones rurales qui sont en jeu. La bataille pour la survie de cette industrie historique ne fait sans doute que commencer.