Warner Music s’allie à Suno et enterre la hache de guerre
Imaginez un monde où Lady Gaga et Coldplay cohabitent pacifiquement avec une intelligence artificielle capable de composer des tubes en quelques secondes. Ce monde n’est plus de la science-fiction : il vient de naître officiellement le 25 novembre 2025.
Warner Music Group, l’un des trois géants mondiaux de l’industrie musicale, vient de signer un accord historique avec Suno, la start-up qui fait trembler les majors depuis deux ans avec son générateur de chansons par IA. Finies les batailles judiciaires. Place à la collaboration.
De la plainte au partenariat : un revirement spectaculaire
Retour en arrière. Juin 2024 : Warner Music, Universal et Sony attaquent en justice Suno et son concurrent Udio pour violation massive de droits d’auteur. Les majors accusent les deux start-ups d’avoir entraîné leurs modèles sur des millions de titres protégés sans autorisation.
Un an et demi plus tard, le ton a radicalement changé. Warner annonce non seulement l’abandon total de sa plainte contre Suno, mais signe un partenariat stratégique partenariat de licence. Mieux : la major cède à la start-up Songkick, sa plateforme historique de découverte de concerts rachetée en 2017.
« Ce pacte historique avec Suno est une victoire pour toute la communauté créative »
– Robert Kyncl, PDG de Warner Music Group
Le message est clair : plutôt que de combattre l’IA, Warner préfère la dompter et en tirer profit.
Les contours concrets de l’accord
L’accord prévoit plusieurs mesures phares qui redessinent les règles du jeu :
- Lancement en 2026 de nouveaux modèles Suno entraînés exclusivement sur le catalogue Warner sous licence
- Contrôle total des artistes WMG sur l’utilisation de leur voix, image et œuvres dans les créations IA
- Monétisation renforcée : téléchargement réservé aux abonnés payants, gratuit limité à l’écoute et au partage
- Intégration de Songkick comme destination fan officielle sous pavillon Suno
En clair, Suno passe du statut de pirate à celui de partenaire privilégié d’une des plus grandes maisons de disques au monde.
Suno : la fusée qui n’en finit pas de décoller
La start-up fondée en 2023 par d’anciens de Meta et TikTok a le vent en poupe. Quelques jours avant l’annonce Warner, Suno levait 250 millions de dollars en série C à une valorisation post-money de 2,45 milliards de dollars.
Parmi les investisseurs : Menlo Ventures, Nvidia (via NVentures), Lightspeed ou encore Matrix. Quand le géant des puces graphiques mise sur vous, c’est que votre techno tourne à plein régime.
Le produit ? Un générateur capable de créer une chanson complète – paroles, mélodie, voix, arrangement – à partir d’une simple phrase. Le tout en moins de trente secondes. Terrifiant pour certains, fascinant pour des millions d’utilisateurs.
Un mouvement de fond dans l’industrie
Warner n’est pas seul. La semaine précédente, la major signait exactement le même type d’accord avec Udio, l’autre start-up poursuivie. Et selon plusieurs sources, Universal et Sony seraient en discussions avancées pour des accords similaires avec les deux plateformes.
On assiste à un basculement historique : après la peur et les procès, l’industrie musicale choisit massivement la voie du licensing plutôt que celle de l’interdiction.
Pourquoi ce revirement ? Plusieurs raisons convergent :
- Les procès s’annonçaient longs, coûteux et incertains face à la jurisprudence encore floue sur l’entraînement IA
- Les plateformes IA explosent en popularité – impossible de remettre le génie dans la lampe
- Les valorisations folles des start-ups rendent les accords financiers très attractifs
- Les artistes eux-mêmes sont divisés : certains hurlent au vol, d’autres expérimentent déjà l’IA pour booster leur créativité
Et les artistes dans tout ça ?
La grande victoire revendiquée par Warner concerne le contrôle. Chaque artiste ou ayant-droit du catalogue pourra choisir :
- Autoriser ou refuser l’utilisation de sa voix ou de ses compositions
- Opter pour une rémunération proportionnelle aux usages
- Être crédité automatiquement sur les œuvres générées
Un modèle qui rappelle furieusement celui mis en place pour le streaming il y a quinze ans. L’histoire bégaie, mais avec l’IA comme nouveau protagoniste.
Quelles conséquences pour l’avenir de la musique ?
L’accord Warner-Suno ouvre trois scénarios possibles :
1. L’explosion créative
Des millions de personnes sans formation musicale vont pouvoir créer des chansons de qualité professionnelle. La démocratisation ultime de la création.
2. La saturation du marché
Avec des milliards de titres générés par IA, découvrir les pépites humaines deviendra encore plus difficile. Les algorithmes de recommandation auront un rôle décisif.
3. L’hybridation totale
Les artistes humains utiliseront l’IA comme un outil parmi d’autres : co-écriture, pré-production accélérée, voix additionnelles, versions alternatives infinies.
Le plus probable ? Un mélange des trois.
Et demain ?
2026 s’annonce comme l’année charnière. Suno et Udio sortiront leurs modèles licenciés. Les premières chansons officiellement “Warner-approved IA” débarqueront. Les artistes commenceront à expérimenter publiquement.
On peut déjà parier que certains tubes de l’été 2026 auront été partiellement composés par une intelligence artificielle entraînée sur Ed Sheeran ou Cardi B. Et que personne ne s’en plaindra si ça fait un carton.
La guerre est finie. La collaboration commence. Et quelque part, un adolescent dans sa chambre est en train de générer le tube qui le rendra millionnaire sans avoir jamais touché une guitare.
Bienvenue dans le nouveau Far West de la musique.